Il est utile de revenir, de temps en temps, sur le passé récent du pays
pour comprendre d’où nous sont venues certaines dérives en matière de
gouvernance. C’est une discussion autour d’un ftour qui m’a rappelé qu’il
serait intéressant de parler de la «naissance» des faux chiffres. C’était à l’occasion
de la première grande arnaque de l’Histoire du pays, arnaque qui a combiné «intelligence»
des responsables financiers et «doigté» des hommes d’affaires.
Nous sommes en 1992, les élections présidentielles ont été organisées en
janvier et le président sortant a été élu à 67% (environ) des voix. Les législatives
de mars, boycottée par une opposition encore sous le choc de ses résultats à la
présidentielle, profitent largement au PRDS (parti au pouvoir) et à ses alliés.
Mais malgré le monolithisme évident, on s’attend à de grands changements,
notamment sur le plan de la gestion économique du pays.
Au cours des derniers mois, la Mauritanie avait entamé des discussions avec
le FMI en vue de l’élaboration d’un plan d’ajustement structurel (PAS) capable
de relancer l’économie du pays en lançant la privatisation de tous les secteurs.
Le Gouverneur de la BCM de l’époque, feu Ahmed Ould Zeine connu pour sa
rigueur et sa compétence, avait réussi à éviter au pays de passer sous les
fourches caudines des institutions internationales. Notamment sur la question
de la dévaluation de la monnaie. Il avait réussi, après des semaines de dures
négociations, à faire accepter au FMI que la dévaluation ne pouvait se faire
au-delà de 15% qu’il fallait rééchelonner sur les trois ans du programme. Le point
d’achoppement était d’ailleurs à ce niveau : le FMI voulait cette
dévaluation immédiatement alors que la partie mauritanienne la voulait sur les
trois ans.
En juin 1992 Ould Zeine est démis. Son remplaçant ne reprend pas les
négociations là où elles se sont arrêtées, mais préfère les entamer de nouveau.
Nous arrivons à l’acceptation par la Mauritanie d’une dévaluation de 47%. Elle est
décidée pour octobre de la même année.
Les hommes d’affaires ne sont pas contents parce qu’ils ont des échéances
qu’ils doivent désormais payer plus chères en ouguiyas. De réunion en réunion,
la BCM propose finalement aux opérateurs de leur ouvrir un compte où ils
verseront durant un mois toutes leurs liquidités (ouguiyas). A la fin de la
collecte, la BCM s’engage à transférer ces fonds à l’ancien taux. Ce qui fut
fait. Deux effets vont suivre :
-
La BCM sera obligé de présenter un état
des comptes non conforme à la réalité pour être dans les normes du FMI. Commence
alors la mécanique des faux chiffres qui va mener très loin l’Etat mauritanien
en le décrédibilisant devant les institutions internationales.
-
Les hommes d’affaires avaient bien sûr
profité pour faire le plein de transfert, ce qui leur permettait de faire des
gains énormes et sans contrepartie (en efforts). Ils «goûtent» aux facilités et
aux passe-droits et se rendent compte que l’Etat est une vache à lait qu’il va
falloir apprendre à traire inconsidérablement…
Commence pour la Mauritanie la
descente aux enfers qui va voir les biens publics rétrocédés aux particuliers,
l’activité économique baisser considérablement… et qui va permettre de faire
passer le pays de la catégorie de «Pays
en voie de développement» à «Pays le
moins avancé» à «Pays pauvre» à «Pays pauvre très endetté»… à chaque
stade ses peines et ses exigences en matière de restrictions et de reculs.
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