Le
ministre Mohamed Abdallahi Ould Oudaa n’ira pas diriger la mission de
sensibilisation de l’UPR au Hodh Echargui. Le Premier ministre aurait contesté
l’envoi de «cet opposant» dans «sa» région… rappelant ainsi que les lignes
n’ont pas bougé sur le front des querelles intestines.
Même
si le parti a entamé le processus de transformation tracé par la commission
désignée par le Président de la République, il est toujours en proie aux
querelles internes…
Sitôt
ses textes adoptés par le Conseil national transformé en congrès extraordinaire
le 5 mars, l’Union pour la République (UPR) a envoyé ses missions à l’intérieur
expliquer de quoi il s’agit.
Sur
le plan organisationnel, il va falloir expliciter les grands changements intervenus
sur proposition de la Commission ad hoc désignée par le Président Mohamed Ould
Abdel Aziz qui lui avait donné la mission de faire l’état des lieux du parti
pour permettre la redynamisation de ses structures. Le travail proposé a été le
fruit d’une large concertation qui a impliqué les instances actuelles, les
organisations de femmes et de jeunes, les élus ainsi qu’une brochette de cadres
qui ont, deux jours durant, discuté du plan d’actions proposé.
La
nouvelle philosophie de l’organisation du parti a pour finalité la
représentativité. Comme exigé par le Président Ould Abdel Aziz, «l’implantation
doit traduire la réalité des adhésions» pour savoir ce que le parti pèse
effectivement. Pour ce faire, toutes les instances seront élues dans des
conditions maximales de transparence et sans exclusion. D’où l’introduction de
la proportionnelle au niveau des instances.
Parmi
les nouveautés, la création de la zone qui regroupe plusieurs unités de base
(un minimum de 3, un maximum de 30 appartenant à la même zone géographique).
Ces zones (territoires) sont dirigées par un bureau élu pour cinq ans. Il
comprend son président, un secrétaire chargé des opérations électorales, un
autre chargé de l’orientation politique, un troisième de la promotion sociale,
un quatrième chargé des finances, en plus d’un représentant des jeunes et d’un
deuxième pour les femmes. D’ailleurs, il a été décidé de créer sur le plan
national une Commission des femmes pour les impliquer d’avantage et mieux
intégrer les questions genres et toutes les problématiques sociales qui en
découlent.
Mais
la grande nouveauté reste la création du Bureau politique chargé de suivre la
vie du parti au quotidien. Il veille à l’application des décisions des
instances dirigeantes (Conseil national et Bureau Exécutif), prend les
positions sur les questions de l’heure. Mais il est surtout le cadre de
coordination entre le parti, l’Assemblée nationale et le gouvernement.
Sa
composition en dit long sur le constat qui le justifie : en plus du
président du parti, il comprend le Premier ministre, le président de
l’Assemblée (sinon celui du groupe parlementaire UPR), le secrétaire exécutif
chargé du dossier politique et celui chargé des candidatures et des opérations
électorales. Ce qui trahit une prise de conscience des effets néfastes des
déchirements qui secouent la Majorité depuis 2015 et qui sont aujourd’hui
évidents.
L’un
des conflits ouverts et qui semble préoccuper en haut lieu, est celui qui a
opposé – qui oppose encore – le Premier ministre au président du parti.
L’interférence du premier dans les affaires politiques et ses velléités de
faire main basse sur l’ensemble de la vie publique, expliquent largement ce
conflit qui a été à l’origine de la fronde des sénateurs et des mauvais
résultats du référendum fondateur du 5 août dernier. Ce conflit explique aussi
les «perturbations» source d’incompréhensions au sein du public qu’il
appartienne ou non à l’UPR.
Quand
le Président a choisi de prendre part à la cérémonie d’ouverture des journées
de réflexion, il s’agissait, en plus du soutien public au processus, d’obliger
les protagonistes à aller ensemble. A ceux parmi eux qui avaient des velléités,
de se ranger derrière la direction du parti et d’accepter «d’être disciplinés»
publiquement. Mais la leçon a-t-elle été retenue pour autant ?
Une
situation inédite qui a déjà coûté cher à l’Appareil d’Etat pour ne pas dire au
système qui a dû recourir aux méthodes éculées pour faire passer son projet de
réforme constitutionnel qui n’avait pourtant aucune difficulté à passer. Coûtant
aussi en engagements personnels du Président de la République qui s’est
retrouvé à chaque fois obligé de se mettre en avant pour protéger ses
collaborateurs qui l’ont mis à mal. Des collaborateurs qui, au lieu de proposer
des solutions, ne savent que poser les problèmes. S’ils mettaient autant
d’adresse à éviter les coups et à les laisser toucher le Président, que dans
leur exercice quotidien, il n’y aurait pas aujourd’hui autant d’incertitudes
sur la situation.
Le
processus de renouveau du parti met en perspective l’urgence pour lui de se
préparer aux échéances toutes proches. Celles de 2018 avant celle de 2019.
Dans
quelques semaines voire quelques jours, une nouvelle CENI doit voir le jour.
Nouvelle par le nombre de ses membres (11 au lieu de 7), par ses compétences
plus larges que par le passé, par son mode de désignation sur la base d’une
proposition faite au Président de la République de 22 noms (11 fournis par la
Majorité et 11 par l’Opposition) avant de voir les 11 sages nommés par décret
élire parmi eux un président et ses adjoints.
Ce
mode de désignation annonce les difficultés qui peuvent se poser donc le temps
que cela peut prendre. Alors que nous sommes en face de délais incompressibles
s’agissant des modalités prévues pour organiser les scrutins (renouvellement
des listes électorales, convocation des collèges électoraux, fixation des
rendez-vous…).
La
désignation d’une nouvelle CENI est un test déterminant pour la participation
d’un large spectre de l’espace politique. Si l’on réussit à faire «le bon
choix», cela diminuera considérablement les appréhensions des uns et des autres
et délégitimera les présomptions d’intelligence entre cet organe (en principe)
indépendant et l’Exécutif.
En
tout état de cause, les échéances attendues arrivent dans un contexte
particulier. La fin du mandat présidentiel, le départ à la retraite d’une bonne
partie de l’encadrement national, la jeunesse de la population, la prise de
conscience et l’émancipation de la pensée individuelle… sont autant de facteurs
favorable à l’émergence d’un «courant alternatif» à même de faire évoluer la
situation mauritanienne. Les échéances de 2018 sont le test qui permettra ou
non de passer le cap en traçant la voie à suivre pour la meilleure des
transitions.
Encore
faut-il que l’élite y croit en s’appropriant le processus actuel.
Ould
Oumeir
La Tribune N° 747 du 12 mars 2018