En
route de Kobenni, j’apprends que les bombardements sur Gaza continuent, que la
guerre en Libye prend la tournure d’affrontements tribaux, que la Syrie et
l’Irak s’enfoncent dans le chao provoqué par la duplicité internationale face
au phénomène de l’Etat Islamique, que le virus Ebola continue de faire ravage
en Afrique de l’Ouest et que la communauté internationale se mobilise
timidement pour enrayer son avancée, que les factions maliennes continuent de
négocier, que la guerre civile continue de ravager la Centrafrique, que Boko
Haram sévit au Nigéria et au Cameroun, que l’Ukraine plonge dans le chao à
cause des milices néonazies (nationalistes ukrainiens) d’un côté et
néo-communistes (pro-russes) de l’autre… Le Monde est, comme on l’a laissé il y
a dix jours, secoué de toutes parts.
Des
lignes de fractures qui épousent les centres de démarcation entre les zones
d’influence de telle ou telle puissance. D’abord entre la Russie et l’Amérique,
comme puissances majeures véritables maitres du jeu, pour voir ensuite
les démarcations entre les puissances mineures (France, Royaume Uni,
Allemagne, Chine…), et au service des deux, les puissances régionales qui vont
de la Turquie, à l’Iran, en passant par les Corées, et toutes les puissances
dites émergentes…
Dans
notre zone arabo-islamique, c’est l’affrontement entre l’Arabie Saoudite, le
Qatar, les Emirats qui constitue le
moteur des évolutions internes des pays en crise. En Afrique, c’est la lutte
d’influence entre l’Afrique du Sud et le Nigéria, entre le Burkina Faso et le
Tchad, entre le Rwanda et le Congo, entre le Kenya et l’Ouganda… ce sont ces
luttes d’influence qui rythment la vie politique des pays de chaque zone.
Mais
quand on revient à la réalité de la vie, celle qui a été oubliée l’espace des
vacances, on ne peut que s’arrêter au remue-ménage politique local. Le
microcosme de Nouakchott donne le la d’une rentrée qui s’annonce fructueuse en
termes de soubresauts et probablement de réorientations qui ne manqueront pas
d’engager de nouvelles dynamiques.
Au
moment où la composition du nouveau gouvernement était annoncée, l’Institution
de l’Opposition Démocratique se donnait un nouveau Chef de file en la personne
d’El Hacen Ould Mohamed, Maire Tawassoul de Arafatt. Le parti islamiste qui
avait boycotté la présidentielle, renouait ainsi avec la reconnaissance des
Institutions et faisait un pas en avant vers la formalisation de ses
intentions. Il est sûr qu’avec l’Institution de l’Opposition en mains, les
Islamistes tenteront de sortir du blocage actuel. Eux qui ont une appréciation
relativement réaliste de la donne politique. Reste à savoir comment vont-ils
faire sans donner l’impression qu’ils laissent leurs compagnons du Forum
national pour la démocratie et l’unité (FNDU) sur le carreau.
En
fait, la redynamisation de l’Institution de l’Opposition va nécessairement
signifier une mise à mort du FNDU qui est lui-même né sur le cadavre de la
Coordination de l’opposition démocratique (COD, morte sans déclaration
officielle de décès).
Cette
redynamisation va aussi entrainer quelques remaniements dans le leadership de
l’Opposition. C’est bien ce constat qui explique le regain d’activisme d’une
personnalité comme l’ancien Chef de l’Etat Ely Ould Mohamed Val. Ses nombreux
communiqués et ses quelques sorties médiatiques sont une tentative de se
propulser au-devant d’une scène dont le leadership traditionnel s’éclipse peu à
peu. L’aigreur de ses propos le place aujourd’hui comme étant le premier
opposant au Président Mohamed Ould Abdel Aziz. Dans ses propos, il laisse
entendre qu’il a quelques jokers en main, ce qui en fait, aux yeux de certains
détracteurs du régime actuel, un vrai challenger. Mais les mots suffisent-ils à
eux seuls pour convaincre l’opinion opposante qu’il s’agit là pour elle de l’homme
providentiel ? Rien n’est moins sûr, surtout si le pouvoir s’abstient
de s’en prendre à lui de quelque manière que ce soit pour ne pas crédibiliser
ses propos.
N’empêche
que l’ancien colonel Ely Ould Mohamed Val a bien vu en se plaçant dans la
perspective de la conquête du leadership de l’opposition. Même s’il a oublié
qu’il devra compter avec la rude concurrence des frères ennemis de
toujours : les Islamistes ; et avec le prix à payer pour la
délégitimation du leader historique du Rassemblement des forces démocratiques
(RFD), Ahmed Ould Daddah jusque-là Chef de file de l’Opposition démocratique. A
sa droite comme à sa gauche, se trouveront toujours, au sein même de
l’opposition, des forces qui refuseront à Ould Mohamed Val l’accès au statut de
premier opposant et l’image de l’incarnation du changement.
On
imagine aisément un proche avenir où Pouvoir et Opposition institutionnelle
pourront trouver le chemin de la normalisation des rapports. A partir de là,
l’ouverture d’un nouveau dialogue pouvant mener à la reprise des élections
législatives et municipales pour permettre aux partis qui le désirent – ou qui
le peuvent encore - de revenir dans le jeu. Une telle perspective permettra
d’ouvrir le jeu, de dépasser les blocages réels ou supposés, d’asseoir la
légitimité du projet de renouvellement de la classe politique, de donner un
sens et un rôle au fait de s’opposer, de clarifier le jeu politique…