Moustapha Ould Mohamed Salek n’est plus. Le
premier président de l’ère militaire a été emporté par une longue maladie qui a
finalement été plus forte que la volonté d’un homme qui a marqué son époque.
L’un des premiers officiers de la Mauritanie indépendante, après avoir été
enseignant comme la plupart, sera aussi l’un des premiers chefs d’Etat Major de
l’Armée. Il reviendra à ce poste la veille du coup d’Etat de juillet 1978. Ce
qui lui permettra d’être le chef des putschistes du 10 juillet.
Homme
de consensus, ayant une expérience du pays, un sens de la mesure, Ould Mohamed
Salek était le seul parmi les officiers supérieurs à pouvoir faire l’unité de
toute la classe des officiers de l’Armée, les conspirationistes et ceux qui
devront prendre le train en marche. A ce titre il fut le président du premier
Comité militaire de redressement national (CMRN) qui prit le pouvoir le 10
juillet 1978. Trahi par certains de ses compagnons qui avaient cru pouvoir
l’utiliser comme ils voulaient, il résista aux pressions énormes en créant un
Conseil consultatif national qui devait être l’embryon de la démocratisation du
pays.
Manigances,
tergiversations, manque de solidarité… Le colonel Ould Mohamed Salek se
retrouve seul devant ses compagnons dont la plupart sont ses cadets. Il se
résout à accepter leur diktat. Le CMRN devient CMSN, S pour «salut» et la
présidence perd son autorité, le Premier ministre devenant tout puissant. Une
situation qui ne peut durer. La disparition tragique du colonel Ahmed Ould
Bousseif en mai au large de Dakar, ouvrira la porte de sortie devant le père du
10 juillet qui s’en alla tranquillement.
Plusieurs
fois victime de l’arbitraire, notamment sous Haidalla qui l’avait accusé de
vouloir revenir au pouvoir, Ould Mohamed Salek acceptera de vivre humblement
comme un citoyen mauritanien qui a certes ce qui le distingue mais qui est
profondément marqué par son ancrage social et culturel. Des mouvements
politiques pourront le remettre sur scène en le présentant en 1992 à la
présidentielle, mais il revient vite à son exil intérieur. Il tire la leçon
avec humilité, sans extravagance et se retire de la vie politique. Ce qui
explique en partie le respect dont il jouit dans les milieux politiques et
sociaux mauritaniens.
Le
fait d’avoir donné au pays, sans demander de retour, sans fracas, le fait
d’avoir dirigé sans dommage pour la société et pour les acteurs, de s’être
retiré sans prétendre à être le sauveur… tout cela, en plus des caractères qui
l’ont fait (humilité, candeur, attention…), explique largement que nous
acceptons tous aujourd’hui de porter son deuil.
Qu’Allah le Tout-Puissant l’accueille en Son Saint
Paradis, qu’Il allège les souffrances des siens.