C’est l’objectif fixé par le Président de la République à un comité
interministériel mercredi dernier. Il faut arriver, au plus tard le 31 mai
prochain, à une situation où le phénomène gazra n’existe plus. Ce deadline arrive
quelques jours seulement après la nomination de Ba Yaha au poste de ministre de
l’urbanisme en remplacement de Ismaël Ould Bodde. Il intervient aussi à un an
environ de la fin du mandat présidentiel qui prend fin en juillet 2014.
Le phénomène de la gazra est un phénomène urbain né au début des années 80,
même si l’on peut considérer que depuis le temps de «hellet sharwita» (le
premier bidonville de Nouakchott en tentes de tissus d’où le nom) dans les années
70, les centres urbains ont toujours connu une situation de laisser-aller qui a
donné cet accroissement exponentiel des villes. Dans l’anarchie la plus totale,
créant de nouvelles problématiques urbaines dont la moindre est sans doute l’absence
d’infrastructures et de plans d’urbanisation.
Au début des années 80, le phénomène prend une ampleur nouvelle et surtout
un nom : la gazra. Un mot qui recouvre le sens du squat en plus du refus
déclaré de se soumettre à une quelconque règle. Pour nombre d’observateurs, c’est
ici qu’il faut peut-être situer le premier relâchement de l’autorité publique
qui va s’effondrer devant la volonté populaire.
On ne parle plus de «kebba», mot qui a désigné les bidonvilles construits
en général en baraques en bois ou en tôles dans les périphéries de Nouakchott. «Kebbas»
signifie par altération de langage «poubelles». Ces regroupements se sont
construits à la suite d’une action publique visant à dégager le côté hideux de
la capitale, puis des grandes villes de l’intérieur. Des habitants pauvres pour
la plupart, sans revenus fixes et surtout n’ayant pas accès à la propriété.
La gazra a d’abord désigné un habitat volontairement construit parfois pour
assurer à son propriétaire une résidence secondaire loin du tintamarre de la
ville. Comme les premières gazras ont fini par provoquer l’établissement de
grands quartiers (Arafat, Carrefour, Toujounine, Bouhdida, Aïn Talh, Dar Naim…),
les pouvoirs publics ont été obligés d’organiser des lotissements chaque dix
ans. Mais la corruption de l’appareil administratif, le favoritisme régnant et
l’interventionnisme ont fait que ce sont toujours les plus riches, les plus
forts, les plus introduits qui en ont bénéficié. Si bien qu’il existe aujourd’hui
des générations de Mauritaniens qui sont nés, qui ont grandi et qui se sont «construits»
dans ces univers glauques où la promiscuité pourrit les êtres.
Dans ses discours de campagne et dans ses envolées contre les régimes
précédents, le Président Ould Abdel Aziz a toujours pris l’exemple de la gazra
pour fustiger l’incapacité des pouvoirs publics à répondre aux besoins du
citoyen. Il avait donc promis, dans l’une de ses premières visites de terrain à
Hay Essakin, l’un des hauts lieux du phénomène à Nouakchott, de mettre fin à toutes
les gazras de Mauritanie.
La situation a été maitrisée à Nouadhibou où il ne subsiste plus d’habitat
lié à la gazra depuis que tous les habitants des anciens bidonvilles ont été
pourvus de lots grâce à l’extension de la ville.
A Nouakchott par contre, même si des efforts énormes ont été faits, la
situation avance moins vite. Il faut cependant louer les réalisations tels ces
quartiers qui poussent dans la périphérie de Nouakchott et qui ont tout de
quartiers modernes : électricité, eau, routes, parcs et espaces… Il est à
noter que chaque fois qu’un lotissement est réalisé, les immeubles commencent à
émerger. Comme quoi ce n’est pas la pauvreté qui forçait ces gens à habiter
dans les conditions précaires de la gazra, mais le fait de ne pas avoir accès à
la propriété. C’est justement l’accès à la propriété qui a été privilégié dans
l’opération au lieu de construire des ensembles comme la SOCOGIM, SOCIM…
Seulement, la décision des autorités a attiré l’arrivée massive de
populations de l’intérieur dans l’espoir d’avoir un lot qui pourra être
marchandé après. Même si des mesures ont été prises pour éviter les abus, il n’y
a que l’état civil qui peut mettre fin définitivement au trafic qui se fait
autour.