Le
Daily Telegraph a rendu public un document qui serait une lettre adressée par
Abdel Melik Droudkal alias Abu Mous’ab Abdel Wedoud, chef de Al Qaeda au
Maghreb Islamique (AQMI), une lettre adressée aux chefs des Katibas opérant
dans le Nord du Mali. Elle est datée du 18 mars 2012 et a été découverte dans
les ruines d’un immeuble de Tombouctou où les journalistes avaient le temps (et
le droit) de fouiner.
On
est déjà en pleine action de rébellion dans la région. Touaregs du MNLA
(mouvement national de libération de l’Azawad) et ceux de Ançar Eddine avaient
déjà entamé la prise des grandes villes du Nord, ensembles ou pas. La lettre de
9 pages dactylographiées, est un peu le compte-rendu de la 33ème
session du Conseil de la Shura de AQMI. Il s’agit d’un précis visant à cadrer l’action
des organisations jihadistes dans le tumulte qui va suivre. Le précis découle
de «la nécessité d’établir un plan pour commander et contrôler le Jihad»
dans la région.
Le
principe, selon le journal britannique, est de couvrir ses desseins en laissant
faire d’autres groupes dont l’engagement «islamiste» est moins prononcé.
Quitte à reprendre les choses en main plus tard.
Le
chef suprême de AQMI recommande la prudence et le sens de la mesure. «Nous devons prendre en compte l'environnement local qui rejette un islam
trop rigoureux». Avant de critiquer l’application stricte de la
Chari’a dans un environnement hostile et la destruction des mausolées. Il critique
aussi la guerre qui couvait entre Ançar Eddine et le MNLA, intimant à ses
partisans l’ordre de privilégier la coordination des actions avec les groupes
locaux pour permettre une meilleure insertion sociale des combattants et une
plus grande prise en charge de leurs revendications par les populations.
«Il nous faut, écrit-il, planter juste quelques graines dans un
sol fertile qui, grâce à des engrais, deviendront un arbre stable et vigoureux».
Termes sibyllins pour définir une stratégie mise en œuvre sans fracas. «Mieux
vaut apparaitre comme un mouvement local avec ses propres causes et ses
préoccupations. Nous n’avons aucune raison de mettre en avant notre projet
jihadiste et expansionniste». Une approche bien huilée chez les groupes
nourris par les idéologies extrémistes, obscurantistes et totalitaires.
La précipitation des combattants sur le terrain et les agendas des
différents intervenants (France, CEDEAO, Burkina, Union européenne, pays du
champ…) auront eu raison de cette stratégie qui visait à stabiliser l’occupation
par AQMI du Nord malien. Exactions, provocations, volonté d’aller plus loin
vers le sud…, les jeunes du MUJAO (mouvement pour l’unicité et le Jihad en
Afrique de l’Ouest) et ceux de Ançar Eddine n’ont pas attendu et ont préféré
créer le chao dans la région.
La première phase de la guerre, celle qui consiste à libérer les
villes du Nord, se termine. Avec autant de rapidité qu’elles avaient été prises
par les groupes jihadistes, elles leur sont reprises. La deuxième phase
commence. Elle est surtout une guerre de renseignements et de frappes ciblées. Dans
cette phase, le plus gros risque reste celui des bavures qui entrainera
fatalement le retournement de l’opinion contre les forces déployées à l’occasion.
Ce ne sera pas un Afghanistan, dans la mesure où nous n’avons pas
un pays qui pourrait jouer le rôle du Pakistan dans la région. Dans la mesure
aussi où le terrain, même les montagnes de l’Adrar des Ifoghas, reste un
terrain connu dont toutes les passes sont répertoriées et toutes les caches
facilement détectables.
Reste à savoir si l’Etat malien pourra renaitre de l’épreuve et si
la population et l’Armée auront assez de ressources pour éviter les
représailles qui contribueront nécessairement à renforcer la fracture entre le
Nord et le Sud.