...Le nombre de fois que cela demandera pour éviter de dire ce qu’il
ne faut pas en pareilles circonstances. Il serait très aisé de prendre à partie
la communauté internationale pour son intervention au Mali, de dénoncer «l’entreprise
d’occupation» de l’ancienne métropole coloniale, de crier à la complicité des
pouvoirs locaux… et de là d’accuser les uns et les autres de félonie, de
subordination vis-à-vis de puissances extérieures… ce sera très facile. Pourtant
ce doit être évité.
Notre élite – je parle ici pour la Mauritanie – a tendance à parler
sans préjuger de la portée de ses propos. Cette élite a prouvé par le passé
qu’elle ne croit pas que ce qui est dit peut porter à conséquence. On dit n’importe
quoi. Comme on fait n’importe quoi parce que nous avons comme l’impression que
nous ne rendons jamais compte de nos actes.
La guerre qui vient de commencer au Mali suscite une inquiétude
légitime des Mauritaniens. Les acteurs politiques ont d’ailleurs anticipé pour
condamner, à l’avance, toute volonté de participation de notre pays. Même si la
question ne se posait pas et comme pour éviter de regretter tout ce que ces
acteurs ont dit des frappes opérées par l’Armée mauritanienne contre cet ennemi
qui avait fait du Nord malien une base de refuge, ces acteurs ont choisi de
monter au créneau contre une intervention étrangère dans la zone dont les populations sont
prises en otage, les économies détruites, les fondements des Etats sapés… les
mêmes qui réclamaient une intervention pour la Libye, qui la réclament pour la
Syrie, la dénoncent et la refusent pour le Nord malien tombé entre les mains de
groupes criminels.
En pareilles circonstances, nous avons besoin d’un consensus qui
pourrait conduire au renforcement du front intérieur. Cela demande des efforts
de tous. Mais d’abord une relecture de la situation de la part des acteurs
politiques. Permettez-moi de partager avec vous cette conclusion du quotidien
malien Le Républicain éditorial signé Adam Thiam au lendemain de la prise de
Konna par les Jihadistes :
«Le jeu politicien
n’est pas l’ennemi de la décence. Quand l’armée est au front comme il l’est
aujourd’hui, quand des pères et des mères risquent le deuil ou le vivent, que
les batailles à livrer scellent le sort de millions de nos compatriotes, rien
d’autre ne devrait compter que la nation. Nous en sommes là. Konna nous l’a
brutalement rappelé hier.»