Comme
d’habitude, je me suis réveillé très tôt ce matin-là. Vendredi matin, les
courses obligatoires, devenues routinières : Mosquée, boulangerie, retour
à la maison. Télévision. J’apprends plusieurs nouvelles qui font naitre chez
moi plusieurs sentiments. Je partage avec vous quelques-uns de ces sentiments.
Soulagement et réconfort.
Les Moulin-Fournier, cette famille française enlevée au Cameroun par la secte
Bokou Haram, les Jihadistes du Nigéria qui ont fait allégeance à Al Qaeda.
Parmi les victimes du rapt, quatre enfants. Les images publiées par les
ravisseurs pour faire pression avaient scandalisé la communauté musulmane.
Parce que rien, absolument rien, ne pouvait justifier une telle barbarie. Même
pas les raisons fallacieuses avancées par eux.
Après
d’âpres négociations, les Français ont réussi à libérer les leurs. Un
dénouement qui permettra au Président François Hollande de redresser sa
notoriété, lui qui paraissait si malmené par les sondages. Mais qui ne résout
rien de la problématique du terrorisme qui a fait de la France une cible
privilégiée.
Le
gouvernement français soutient qu’il n’a pas versé de rançon et qu’il n’a pas
accédé aux doléances des terroristes ravisseurs en aucune manière. Il préfère
louer la coopération avec les pays concernés (le Cameroun et le Nigeria). Le
croit-on ? difficilement.
Selon
toute vraisemblance, une rançon a été versée soit par un pays tiers (le
Qatar ? le Burkina ? les deux pays ont des passerelles avec ces
organisations), soit par la société qui emploie le père de famille. Le Cameroun
aurait libéré des membres de la secte. Tandis que le Nigéria préparerait une
loi d’amnistie qui en concernerait d’autres.
Révolte et déception.
J’ai prié tous ces jours pour que l’attentat de Boston n’ait aucun lien avec
l’Islam ou les Arabes. Finalement, la deuxième grande information du jour après
la libération des otages français, est bien la cavale des deux auteurs de
l’attentat. Il s’agit de deux frères d’origine tchétchène arrivés aux
Etats-Unis en 2001 ou 2002, dont l’un était parfaitement intégré, obtenant la
nationalité en 2012.
Le
plus âgé des frères Tsarnaev s’appelle Tamerlan… un prénom de destinée parce
qu’il s’agit de ce turco-mongol qui a semé la terreur dans la partie oriental
de l’Empire musulman au XIVème siècle, avant de fonder une principauté autour
de Samarkand. Le Tamerlan d’aujourd’hui, c’est celui qui visiblement avait de
l’ascendant sur son frère cadet, Djokhar – le premier avait 26 ans, le second
19. Bons musulmans – plutôt musulmans fervents -, les deux jeunes ont été
embrigadés à travers les réseaux sociaux. Ils ont bien préparé leur coup.
Aux
Etats-Unis, l’incompréhension est grande. Comment des jeunes se comportant
comme tous les jeunes de leur âge, peuvent-ils basculer de la sorte ?
Surtout que Tamerlan avait une fille d’une citoyenne américaine qu’il avait
convertie à l’Islam. Les analystes et les commentateurs semblent avoir oublié
que les deux Tchétchènes transportaient avec eux leur haine de l’Occident, du
libéralisme, de l’Autre en général quand ils sont venus s’installer au
Massachussetts. Leurs déboires sur place n’ont fait qu’exacerber ce qui était
déjà là et qui pouvait provoquer à n’importe quel moment un accès de folie
meurtrière. Pas besoin d’aller loin dans les enquêtes se rapportant au cursus
de chacun : la haine qu’ils avaient trimbalée en eux a été entretenue et
excitée par les sites faisant l’apologie de la violence, aboutissant à ces
explosions de Boston.
Surprise et honte.
C’était sur I-TV, une chaine française d’information continue. Une édition
spéciale consacrée à la libération de la famille Moulin-Fournier. Deux
journalistes interrogent le spécialiste maison de l’Afrique et des groupes
terroristes, un certain Olivier Ravanello que j’avais entendu plusieurs sur le
Mali et dont les connaissances – du moins sur la région - me paraissaient très
approximatives. Aujourd’hui, il s’agit de commenter cette libération d’otages…
Le
«spécialiste» qui a certainement pris
le temps de préparer cette «expertise»
se lance dans une longue litanie où il parle de «forces kenyanes» qui seraient
remontées vers le Nord «du Kenya»
pour mater la «secte kenyane» qui
veut imposer l’application de la Charia «à
tout le Kenya». Les «relations de la
France avec le Kenya», de la France «avec
le Cameroun» ont permis de dénouer la situation. En quelques minutes,
l’expert aura prononcé le nom du Kenya au moins six fois. Ce qui est
surprenant, ce n’est pas seulement la confusion dans les propos du spécialiste,
mais aussi et surtout le silence des deux journalistes qui sont en face de lui.
Cela
m’a rappelé que quand il a voulu s’excuser pour ses propos sur le Président
mauritanien, le député français Noël Mamère avait prétexté qu’il s’agissait
d’un défaut de langage, qu’il pouvait dire «le Président de l’Algérie, du Mali,
du Niger…», n’importe lequel… Comme le mépris que cette élite française affiche
est sans limite. Entre le Kenya et le Nigéria, quelle différence ? Tous
deux des pays africains. Olivier Ravanello, le spécialiste de la question
aurait pu citer l’Ouganda, l’Egypte ou le Botswana… quelle différence ?