Les mémoires du célèbre prisonnier Mohamedou Ould Sellahi sont parues
cette semaine sous le tire de «Carnets de Guantanamo». Premier du genre,
ce livre retrace l’expérience douloureuse de notre compatriote, torturé par la
police de son pays, parfois sous la supervision des agents du FBI et de la CIA,
avant d’être livré par les autorités aux Américains qui ont dû être
convaincus de l’utilité pour eux d’accepter ce cadeau.
Nous sommes en octobre 2001 quand le jeune ingénieur Mohamedou Ould
Sellahi est arrêté par la police politique mauritanienne pour une deuxième
fois. Cette fois-ci, alors qu’il participait à une réunion tribal qui préparait
l’une des visites carnavalesques du Président Moawiya Ould Taya à l’intérieur
du pays.
La première fois, ce fut au lendemain de son retour de l’extérieur où il
avait pourtant été longuement interrogé par les polices du Canada et de
l’Allemagne sur son implication éventuelle dans la préparation des attentats du
11 septembre 2001. Toutes les polices du monde avaient fini par le laisser
tranquillement rentrer chez lui. Mais ici, il arrivait à un moment où le
pouvoir cherchait à tout prix à trouver des excroissances aux réseaux
terroristes pour justifier l’autoritarisme qui occasionnait des répressions
périodiques contre telle ou telle mouvances.
C’est en août 2002 que Ould Sellahi est remis aux Américains et c’est
seulement en octobre de la même année qu’il arrive à Guantanamo. Où a-t-il été
quand il a quitté la Mauritanie, et surtout comment les Mauritaniens ont-ils
convaincus les Américains de le prendre avec eux ? Selon lui, il a fait un
séjour en Jordanie et un autre en Afghanistan avant d’être à Guantanamo.
Une première tentative a vu venir à Nouakchott des éléments du FBI qui
ont participé à l’interrogatoire de Ould Sellahi par la police. Un
interrogatoire où l’utilisation de la torture a été systématique chaque fois
que le prisonnier semblait ne pas vouloir collaborer. En présence ou non des
agents américains, les policiers ont longuement interrogés Ould Sellahi. Sans
résultat apparemment parce que les agents du FBI repartiront sans être
convaincus par les révélations.
Puis vinrent des agents, probablement de la CIA, habitués eux aux
méthodes des polices arabes et musulmanes en général. Ce sont eux qui
finalement accepteront d’amener Mohamedou Ould Sellahi.
Agé de 32 ans à l’époque, Mohamedou Ould Sellahi semble avoir été
contraint à collaborer dans un premier temps. Ses mémoires nous diront jusqu’à
quel niveau il a pu tenir.
Douze ans après les événements, le voilà qui consigne son expérience dans
des carnets qu’il publie dans vingt pays. Tous les droits ont été donnés au
journal The Guardian qui a d’ailleurs publié des extraits du journal
intime de notre compatriote.
Nous ne savons pas pour notre part combien de passages sont réservés à
la partie mauritanienne de sa mésaventure qui a tourné au drame. Séparé de sa
famille, notamment de son épouse palestinienne et de son enfant vivant depuis
en Allemagne sur le compte de compatriotes amis, puis de sa famille
mauritanienne, il apprendra la mort de sa mère à laquelle il vouait un grand
amour, alors qu’il est retenu contre son gré dans la prison américaine de
Guantanamo.
Reste pour nous le droit de demander des explications aux autorités de
l’époque : au Président de la République, au Premier ministre, au ministre
de l’intérieur, au directeur général de la police, au directeur de la police
politique… Pourquoi avoir livré un compatriote aux Américains, même s’il était
demandé par eux ?
Et si réponse il y a, ils devront rendre compte de ce
qu’ils lui ont fait subir de tortures et de mauvais traitements. Il faut que
quelqu’un paye et il en est temps.