vendredi 26 septembre 2014

Claude K. nous quitte

Je l’ai connu en 2004 à Paris où je l’ai rencontré pour la première fois par l’entremise de mon ami Diop Moustapha, l’ancien chef de la Marine, ancien directeur de la Sûreté du temps de Ould Haidalla, devenu opérateur dans le secteur des pêches, à l’époque activiste politique persécuté par le régime policier de Ould Taya. Entre Diop et moi, une forte affinité s’était établie, occultant tout ce qui nous séparait et qui a fini par ne plus compter, tellement la relation personnelle et l’affection qui la nourrissait prenaient le dessus. «L’ami de ton ami est ton ami…»
Les deux hommes venaient de lancer le projet de la plate-forme CRIDEM et ils me démarchaient pour avoir mon soutien et la permission de publier mes textes. Je ne pouvais pas refuser.
Le soutien, parce que je suis un fervent militant de la liberté d’expression et je voyais dans l’arrivée sur la scène médiatique d’un portail comme CRIDEM, une chance de développer la presse et de la protéger contre les représailles du gouvernement. La permission de publier mes textes, parce que cela me permettra d’avoir un espace de plus.
Diop Moustapha me raconta les liens très forts entre les «enfants de troupes», me parla des colonels Eli Ould Mohamed Val, Baby Housseinou… Je les taquinais en les accusant d’agir comme s’il s’agissait d’une loge maçonnique, lui préférait parler de «fratrie». Je comprendrai plus tard qu’il s’agit de relations humaines profondes comme il est difficile d’en trouver en ces temps troubles de déshumanisation généralisée des rapports.
Ma relation avec Claude K. passait nécessairement par le filtre Diop Moustapha, plus tard, beaucoup plus tard, un autre ami essayera de nous rapprocher quand je lui reprochais de laisser passer des insultes et de la diffamation sous formes de commentaires des textes repris par son site. Malgré toutes les divergences qui nous séparaient, malgré le peu de contact direct qu’on avait, j’ai toujours respecté en Claude K. cette volonté de trouver une place dans un environnement hostile qu’il a fini par s’approprier en devenant un fils du pays par une alliance matrimoniale qui légitimait parfaitement sa mauritanisation. Il est devenu l’un des nôtres, quelqu’un d’incontournable dans l’espace médiatique de ce pays. Il avait sa place dans nos cœurs, une place qu’il a conquise lui-même. On avait fini par le chercher à toutes les occasions publiques (c’est bien parce que je ne l’avais pas vu à deux circonstances politiques publiques que j’ai demandé pour apprendre qu’il était malade).
A sa famille d’ici et de France, à ses amis et compagnons qui sont devenus ses frères, à tous nos confrères de CRIDEM, je présente mes condoléances les plus attristées.

jeudi 25 septembre 2014

Injuste, il est vrai

C’est l’histoire rapporté par un ami devant lequel un concitoyen vivant à l’étranger s’est plaint d’une injustice dont son fils aurait fait l’objet récemment. Son fils, Mohamed Lemine travaille à la SAM (société des aéroports de Mauritanie) depuis un an. En juin dernier, cette société a organisé un concours interne pour sélectionner l’un de ses travailleurs pour une bourse à Toulouse (France). Trois dossiers furent sélection sur la vingtaine des candidatures avancées dont le jeune Mohamed Lemine qui avait juste ses compétences et sa maitrise des langues de formation (Français et Anglais) pour atouts.
Le concours a été organisé par l’école de Toulouse qui a dépêché l’un de ses cadres sur place. Ce qui a permis de classer notre jeune homme à la première place, loin devant les deux autres qui pourtant avaient visiblement bénéficié du soutien de l’administration de la SAM.
Arrive le moment d’aller faire les formalités pour un visa auprès des services consulaires. Il remarqua la présence, en même temps que lui de quatre individus, tous envoyés soi-disant par la SAM : les deux qui avaient concouru en même temps que lui et deux nouvelles figures qu’il a fini par aider à remplir leurs demandes de visas (les deux ne parlant pas Français).
Pour avoir droit au visa, une prise en charge de la SAM était nécessaire. Mohamed Lemine sollicita la prise en charge auprès de son administration qui le traina quelques jours. Il se rendit vite compte que les autres candidats avaient bien reçu cette déclaration de prise en charge, ce qui leur a permis de déposer dûment leurs demandes et d’obtenir les visas. Lui qui était classé premier au concours d’entrée à cette école de Toulouse, on lui refusa le visa sous prétexte qu’il n’avait pas la prise en charge. Finalement sur les quatre «boostés» par la SAM, trois sont aujourd’hui en partance pour la France pour une formation pour laquelle ils ne sont pas outillés. L’un d’eux, appuyés par la direction de la SAM, a effectivement passé le test sans mériter la bourse. Les deux autres viendraient «de plus haut» ne parlent ni Français ni Anglais et n’ont aucune compétence particulière pour postuler à ce genre de formation. Alors ?
Le père, certes outré, se dit qu’il peut envoyer son fils faire les formations qu’il veut parce qu’il en a les moyens. Mais il veut bien penser à tous les jeunes Mauritaniens qui peuvent se retrouver dans la même situation et qui n’ont pas les moyens qu’il a lui et qui lui permettent de former son fils dans les meilleures écoles.
Si les concours pour l’accès aux emplois publics (fonction publique et emplois assimilés) ont connu une grande amélioration dans leurs organisations, leurs déroulements et la transparence de leurs résultats, des poches de malversations subsistent en matière de recrutements et de promotion à l’intérieur des administrations. Ces poches méritent d’être dénoncées chaque fois qu’on en décèle une… En voilà une.

mercredi 24 septembre 2014

Hervé Gourdel, une mort qui doit servir

Rien de ce qui a été dit, rien de ce qui sera dit, rien de ce qui peut être dit, rien absolument rien ne peut exprimer la douleur, l’effroi qu’on ressent face à cette mise à mort de ce Français, dont le seul crime est l’amour de la montagne, de la nature en général.
Des «experts du terrorisme» parleront longuement du processus de radicalisation. Ils parleront de l’Islam et des Musulmans. Du sentiment de frustration et d’impuissance devant les atrocités commises en Palestine. Des problèmes d’intégration des communautés musulmanes dans les sociétés occidentales.
Des politiques diront que c’est la faute au Président François Hollande qui a engagé la France dans une guerre qui n’est pas la sienne : le bourbier irakien étant une fabrication américaine, la France ne devait pas s’y engager. Ils profiteront de tous les déboires de la sécurité française et de l’administration française pour tenter d’enfoncer encore plus un Président déjà submergé par les tourments.
Rien de tout ce qui sera dit, de tout ce qui a été dit, n’importe ici. Parce que rien ne peut justifier cette mise à mort – l’appeler «assassinat» atténue à mon avis sa bestialité. Rien, absolument rien !
Reste pour moi le devoir de dire toute ma compassion, d’exprimer toute ma solidarité à la famille Gourdel.
Le devoir de rappeler que ces fous déshumanisés ont tué plus de Musulmans dans le Monde que de non musulmans. Ils sont les ennemis de la vie : c’est bien parce qu’ils ne sont pas capables de proposer un avenir, une vie, parce qu’ils sont incapables de construire qu’ils détruisent.
La mise à mort est ainsi orchestrée pour faire peur aux Français, aux Occidentaux en général, mais aussi aux Algériens, aux Mauritaniens, aux Musulmans en général. Le dégoût qu’elle suscite doit se transformer chez chacun de nous en une révolte, en un soulèvement pour refuser le diktat de l’horreur.
La mort tragique de l’homme Hervé Gourdel doit servir à nous rapprocher pour faire échec à l’ignominie et à la barbarie.
Humains de tous les pays, de toutes les religions, de toutes les cultures, de toutes les races… soyons solidaires le temps d’un deuil, faisons de cette solidarité un rempart contre les fanatismes, contre les extrémismes. Ces dangers-là nous menacent tous, où que nous soyons, qui que nous soyons.

mardi 23 septembre 2014

La révolution ratée (2)

Dans le cas mauritanien, l’intellectuel islamiste Mohamed el Mokhtar Echinguitty présente le coup d’Etat du 6 août 2008 comme étant l’acte «contre-révolutionnaire» qui a fait l’effet d’une IVG sur le processus politique mauritanien. On entend souvent certains de ses amis soutenir : «notre révolution nous a été volée». Pour expliquer ensuite que le renversement de Ould Taya en 2005 est la conséquence de la lutte menée par la mouvance islamiste contre le régime de l’époque.
Il est incontestable que les chefs de cette mouvance étaient bien en prison quand survint le coup d’Etat contre Ould Taya. Mais cela en fait-il «le mouvement qui a provoqué la chute du régime» ? Une analyse rapide de la situation d’alors nous permet de mieux apprécier.
Le 3 août 2005, deux à trois jeunes officiers forcent la main à leurs ainés pour les amener à accepter le coup de force contre le Président Maawiya Ould Sid’Ahemd Taya. Même s’ils compromettent leur projet en le «cédant» à une partie de la vieille garde militaire, c’est une «révolution tranquille» qu’ils proposent à l’espace politique à ce moment-là laminé, lessivé et à bout.
Par la voix du vrai auteur du coup, le colonel Mohamed Ould Abdel Aziz, la proposition faite tourne autour d’une transition qui va durer au maximum 19 mois et qui servira à élire des conseils municipaux nouveaux, une Assemblée nationale et un Sénat, pour clôturer le processus par une élection présidentielle. Le gouvernement aura pour mission de mettre en place les structures et institutions à même de garantir la régularité et la transparence de toutes ces élections. Le principe de l’absolue neutralité de l’administration ainsi que l’interdiction pour les hauts responsables de la transition de se présenter, sont autant de garanties pour arriver à cela. Tout comme la création d’une Commission électorale indépendante (CENI) et d’une Haute Autorité de l’audiovisuel et de la presse (HAPA).
Ce sont bien les militaires du CMJD (comité militaire pour la Justice et la démocratie) qui vont proposer et organiser des journées de concertations pour amener l’espace politique à fixer les nouvelles règles du jeu.
Concertations, neutralité et ouverture de l’espace pour assurer la pluralité sont autant d’éléments qui ont fait espérer une rupture profonde avec le passé.
L’interférence des ainés parmi les officiers dans le jeu politique va créer le phénomène des Indépendants qui gangrèneront l’espace politique le corrompant à jamais. Si bien que quand on arrive à la présidentielle, ultime étape du processus, le jeu est déjà affecté et corrompu.
Arrive le pouvoir civil qui est salué comme une étape de cette «révolution tranquille». Très vite il rompt avec le principe de la concertation. Il accuse des reculs notoires dans le domaine de la liberté d’expression. La manigance politicienne prend le dessus. Et dès la première semaine de la deuxième année, il marque un virage avec le grand retour d’une classe politique profondément marquée par les exercices du passé. C’est peut-être à ce moment-là qu’il faut situer le déclenchement de la contre-révolution avec notamment la restauration d’une nomenklatura qui est responsable des dérives qui avaient mené le pays dans l’impasse. Le 6 août 2008 n’est qu’une tentative de reprise en main par les auteurs du premier coup d’Etat, de leur projet initial. Ils ont eu finalement le courage d’aller au bout pour exercer par eux-mêmes le pouvoir. Non sans de solides soutiens au sein d’une classe politique qui a jusque-là fonctionné sans prendre l’initiative, toujours en se contentant de réagir sinon d’accompagner.
C’est bien cette classe politique qui a été incapable de faire front pendant près de 13 ans (janvier 1992-août 2005), préférant les divisions stériles, les voltes-faces et les traitrises au travail en commun.
Quand 19 candidats se présentent à la présidentielle de 2007, les deux premiers – Sidi Ould Cheikh Abdallahi et Ahmed Ould Daddah - sont des ministres du gouvernement renversé le 10 juillet 1978. Tous deux technocrates, étrangers au monde des politiques. En trente ans d’activisme, les groupuscules et mouvements politiques ont été incapables de présenter une figure consensuelle.
Quand le premier coup d’Eta (3 août 2005) intervient, les partis politiques se contentent de soutenir au lieu de proposer et d’imposer un agenda et un contenu à la transition qui s’ouvrait. Ils sont incapables de dénoncer et d’anticiper sur les conséquences du jeu politique qui se déroule, et participent même au lifting de l’ancien régime.
Quand le deuxième coup d’Etat (6 août 2008), l’Institution de l’Opposition démocratique offre son soutien et participe même aux Etats généraux de la démocratie qui préparent le terrain à la conquête «civile» du pouvoir par le Général Mohamed Ould Abdel Aziz. Lequel n’a aucun mal à ramener tous ses opposants à la table de négociation, à leur faire signer un accord qui ouvre sur le gouvernement d’union qui a pour mission d’organiser l’élection présidentielle, avant de les battre au premier tour d’une élection dont ils détenaient les clés (ministères de l’intérieur, des finances, de la communication, de la défense, la CENI…).
Nos hommes politiques ne sont pas des «révolutionnaires». Ils sont encore profondément marqués par les conservatismes et les mentalités héritées du monolithisme qui a façonné leurs esprits… ce qui explique amplement le ratage de «la révolution».

lundi 22 septembre 2014

La révolution ratée (1)

Selon Mohamed el Mokhtar Echinguitty, l’un des théoriciens et intellectuels de la mouvance islamiste mauritanienne qui est établi au Qatar où il enseigne, le «printemps arabe» a bien produit «une révolution», sinon «il n’y aurait pas eu de contre-révolution dans les pays concernés par ce printemps». L’on a envie de discuter cette perception des soulèvements sociaux de 2010-11 qui ont eu pratiquement la même destinée.
Le cas tunisien qui est encore en gestation et son issue reste incertaine au regard des risques réels que lui font courir les extrêmes (islamistes et athées, l’un et l’autre croyant détenir une Vérité à imposer aux autres). C’est donc une exception qui peut trouver son explication dans le niveau d’éducation en Tunisie, dans l’ancrage de l’Etat et le parcours historique qui fait qu’au milieu du 19ème siècle, ce pays avait déjà sa Constitution, comme il fut le premier – avant la France – à abolir l’esclavage. L’existence aussi d’un idéologue tunisien qui a fait toutes ses relectures pour enfin choisir d’inscrire son action et celle de son groupe dans le sillage de la bataille pour la modernisation de nos sociétés. Rachid Ghanouchy quoi qu’en disent ses détracteurs, a pesé de son poids pour éviter à la Nahda, le mouvement islamiste qu’il inspire et dirige, de verser dans le sectarisme. Trouvant une forme d’équilibre – temporaire peut-être – entre forces politiques et sociales permettant une transition qui va durer certainement le temps de trouver le système politique qui stabilise les institutions tunisiennes.
Mais qu’en est-il des autres pays ? De l’Egypte où la «voracité» des Frères Musulmans les a empêchés de regarder où ils mettaient le pied et sur quel trépied fallait-il s’appuyer pour faire les premiers pas. Le trop d’engagement en vue de pacifier les relations avec l’Occident – y compris en continuant à promouvoir la normalisation avec Israël – les a éloignés de leurs principes, les démystifiant du coup aux yeux de leurs soutiens et sympathisants. La volonté de tout accaparer tout de suite leur a fait commettre des fautes qui ont entrainé les fractures provoquant et justifiant le coup d’Etat de l’Armée. Remettant à jour la question de savoir si le monde arabe avait ou non atteint la maturité qui lui permettrait d’assumer un système qui conduit à l’alternance pacifique au pouvoir. N’oublions pas que toute l’Histoire de l’espace arabe n’a jamais vu le pouvoir passer d’une main à l’autre que par la force qui le prend ou par la légitimité du droit à la succession.

En Libye, l’interférence de puissances étrangères aux côtés des rebelles s’explique par le soutien accordé par certains pays pétroliers dont le Qatar aux opposants libyens affiliés à la confrérie des Frères Musulmans. Mais la stratégie adoptée qui fit de la destruction de la Libye un objectif à atteindre en même temps que la destitution du dictateur Kadhafi, cette stratégie a laissé derrière elle un chao dont il est impossible de sortir à présent. La guerre civile fait aujourd’hui des victimes, la partition du pays semble inévitable et aucune révolution n’a eu lieu.
En Syrie, les revendications légitimes des populations ont vite été récupérées par des organisations islamiques – modérées ou radicales – fortement soutenues par les mêmes monarchies pétrolières qui ont poussé vers la déstabilisation de toute la région. Les protestations pacifiques se sont vite transformées en affrontements armés. La Syrie est devenue le théâtre de guerres d’influences entre factions radicales de l’islamisme politique violent, chacune dépendant plus ou moins étroitement de l’une des monarchies. En moins de trois ans, la Syrie est effectivement détruite sans qu’il y ait une avancée démocratique.
Au Yémen, la situation est celle que nous suivons en ces jours où la faction des Huthiyine a réussi à occuper la capitale et à imposer la démission du gouvernement. Ce ne sont pas les gesticulations de l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU qui vont empêcher ce pays de sombrer une fois encore dans le chao.
En Irak, c’est bien la «révolution» promue et finalement réalisée par l’Armée américaine, c’est cette révolution qui a fait de ce pays une contrée du Tiers Monde où la misère et la malnutrition font désormais partie du quotidien des populations. La naissance et le développement du phénomène des bandes armées dont celles de l’Etat Islamique, font partie du plan de partition de la Nation irakienne. Le chao d’aujourd’hui s’explique largement par la bêtise qui a été à la base de l’action de «la communauté internationale» qui s’est contentée de suivre aveuglément George W. Bush dans son entreprise revancharde.
…A qui la faute ? Aux Occidentaux bien sûr qui ont à chaque fois privilégié l’utilisation sans discernement de la force à la réflexion profonde qui prend en compte toutes les problématiques qui pourraient surgir. A leurs alliés arabes : les Etats qui, pour masquer leurs situations intérieures (arriération, arbitraire, inégalité, injustice), ont adopté une fuite en avant en légitimant le recours à la violence des pays Occidentaux ; les avant-gardes politiques dont les Frères Musulmans et avant eux les Libéraux (toutes tendances confondues) qui ont cru qu’en accompagnant «la communauté internationale» dans ses aventures, elles trouveraient une place sur l’échiquier du nouvel ordre promis par les maîtres du jeu.
Les Islamistes, comme toutes les avant-gardes du Monde arabe, se sont trompés quand ils ont cru qu’un ordre plus juste, plus équitable importait vraiment quand il s’agissait de bouter Saddam Hussein du pouvoir. Ils se sont trompés nouvellement quand ils ont cru que le mouvement social qui a secoué les pays en 2010-11 serait promu par les Etats Unis et leurs alliés pour en faire une révolution et asseoir un système politique nouveau. Ils continuent de se tromper en nous servant «un projet révolutionnaire» concocté dans les cercles de réflexion financés et entretenus par des monarques rétrogrades servant les intérêts des plus forts.

dimanche 21 septembre 2014

Rentrées

Il y a d’abord la rentrée scolaire qui se prépare. Deux ans après la tenue des Etats généraux de l’éducation, nous attendons toujours la mise en œuvre de leurs recommandations. Avec le ministre actuel, Ba Ousmane, on espère que la réforme tant attendue (et espérée) prendra forme. Malgré la lourdeur de l’héritage et les difficultés à trouver par où commencer, le défi est bien celui de donner l’impression que quelque chose sera fait au plus vite. Des petites actions immédiates : mesures visant l’encadrement plus strict de l’enseignement privé, c’est par là qu’il faut commencer si l’on veut obliger à redorer le blason de l’école publique ; imposer la carte scolaire pour accompagner la politique de regroupement des populations ; exiger l’assiduité des personnels d’encadrement des établissements ; équiper les classes, les laboratoires quand il y en a ; s’assurer que les écoles ne sont pas inondées et qu’elles peuvent recevoir élèves et enseignants ; lancer un programme de restauration des cantines et internats…
Je me souviens que pendant des décennies, l’essentiel pour le ministère c’était de passer l’année sans mouvements de grèves ni chez les élèves ni chez les enseignants. Rien d’autre ne comptait. Ni le niveau qui baissait continuellement. Ni le système qui se délitait inexorablement. Ni les programmes qui disparaissaient fatalement. Ni la qualité qui avait fini par ne plus être recherchée. Des années durant, nous avons formé des cancres dont la plupart sont aujourd’hui sollicités pour essayer de remettre le train en marche. Tellement de choses à faire, à entreprendre pour envisager de penser à mettre en œuvre une réforme. C’est le challenge pour le ministère en cette rentrée scolaire.
La rentrée politique ensuite. Comme on ne sort jamais d’un cycle, on a toujours l’impression qu’il n’y a pas eu de trêve, de vacance. Même si j’ai entendu certains leaders prétexter les vacances pour expliquer leur absence de la scène, il est sûr que la rentrée n’a pas été préparée.
Pour l’Union pour la République (UPR, chef de file de la Majorité, parti au pouvoir) il n’y a pas eu de vacances parce que les semaines dernières ont vu la direction changer de président et de vice-président. Alors que l’Appareil exécutif est resté le même, avec notamment le nouveau Premier ministre comme Secrétaire exécutif, ce qui constitue quand même une anomalie. Le prétexte trouvé est la prochaine implantation du parti qui doit se dérouler en octobre et qui sera l’occasion de refonder l’UPR sur des bases nouvelles. Du coup, la réunion d’aujourd’hui servira à discuter de la situation générale et à donner la parole aux membres du Conseil national – du congrès extraordinaire – qui le voudraient.
De l’autre côté, le parti Tawaçoul peine à prendre la place qui lui sied depuis qu’il a l’Institution de l’Opposition démocratique en mains. Il a fait parvenir au Conseil Constitutionnel le nom et les qualités de son candidat au poste de Chef de file de l’Opposition. En attendant l’officialisation de cette désignation, on ne voit pas encore ce que fera le parti islamiste de l’Institution de l’Opposition, surtout par rapport à son engagement au sein du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), l’un excluant l’autre. En effet, le FNDU est né sur les cendres de la COD (coordination de l’opposition démocratique n’ayant pas survécu aux élections Législatives et Municipales) qui a été conçue pour contourner voire tuer l’Institution de l’Opposition Démocratique. La redynamisation de cette Institution passe nécessairement par la mise à mort du FNDU. Les leaders de Tawaçoul sont les premiers à savoir combien il est important pour eux de faire revivre l’Institution au moment où elle parait l’unique cadre de dialogue possible avec le Pouvoir. Comment vont-ils procéder ?
Pendant ce temps, la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP regroupant l’APP de Messaoud Ould Boulkheir, Wiam de Boydiel Ould Hoummoid et Sawab et Abdessalam Ould Horma) tente de reprendre l’initiative par un appel au dialogue. Sera-t-il entendu et par qui ?
De son côté, l’Union des forces du progrès (UFP) entame un nouveau processus de recherche d’un «compromis national» depuis la dernière réunion de ses instances dirigeantes. Même si les propos de ses leaders laissent entrevoir une nette tendance à la quête d’un apaisement, on s’abstient encore de faire le pas décisif qui signifiera la rupture avec le radicalisme dans lequel confinent les positionnements antérieurs.
Il faut compter avec toutes ces expressions inspirées par le communautarisme et alimentées par les problèmes du présent et les tares héritées du passé récent ou ancien. Ceux qui, au nom des revendications liées à la cohabitation des communautés, cultivent des discours qui prennent facilement l’allure de particularismes dangereux. Tantôt par la stigmatisation d’une ou de plusieurs communautés, tantôt par l’instrumentalisation de misères et de frustrations sociales réelles qui méritent d’être une cause pour tous et non pas un slogan pour quelques-uns.
La reconnaissance du RAG, bras politique de l’organisation IRA de Birame Ould Abeidi, et celle des Forces progressistes pour le changement (FPC, anciens FLAM) est nécessaire à la normalisation de ces expressions qu’on trouve souvent excessives. Par la formalisation de cet activisme, on pourra espérer alors qu’un dialogue serein autour de questions somme toutes fondamentales, que ce dialogue soit possible. L’unique manière de démystifier les dogmes et d’exorciser les vieux démons.

…Oui, les rentrées sont nécessairement risquées si le courage, l’abnégation, l’intelligence, la Raison et l’engagement ne sont pas au rendez-vous. A vos marques donc !   

samedi 20 septembre 2014

Reboiser encore

La relance de l’opération reboisement dans le cadre de la Grande Muraille Verte sahélienne, nous donne l’occasion de faire les constations suivantes :

  • Il y a quelques 25 ou 30 années, était lancé à Nouakchott le grand projet de la Ceinture Verte. Il doit avoir coûté quelques milliards sans compter les mobilisations gigantesques et théâtrales dans le cadre des Structures d’éducation de masses (SEM, organe politique du Comité militaire des années 80). Ce projet qui avait réussi quand même à stabiliser le front dunaire au nord de Nouakchott et sans doute à atténuer les effets de la sécheresse sur le microcosme de la capitale, ce projet a disparu aujourd’hui. A ses lieux et places toute cette zone qui prolonge Tevraq Zeina au nord et qui a fait partie de la contrepartie du marché de l’aéroport international en construction. On a rasé la ceinture verte pour permettre la construction de nouveaux quartiers résidentiels.
  • Depuis quelques années, le cycle hivernal plutôt heureux, a permis une régénérescence du couvert végétal à l’intérieur du pays. Dès qu’on sort de Nouakchott, on constate le retour d’une végétation qui promet d’être luxuriante et qui rappelle déjà le temps d’il y a longtemps, quand il était encore difficile de se mouvoir à cause des épineux qui couvraient le sol. Sur toutes les routes, celle allant vers les régions est, celle allant vers celle du sud, celles allant vers le Nord et le Nord-Ouest, partout vous remarquerez cette vie qui reprend et qui promet la restauration de l’environnement d’antan. Partout vous remarquerez aussi les constructions qui poussent dans le désordre, en dehors de tout plan d’urbanisation et au détriment de l’environnement.
  • Si le département de l’environnement veut rendre service à la Mauritanie, il se doit de classer des territoires entiers et de les interdire à toute habitation sédentaire. La réorganisation de l’espace est la condition sine qua non de réussite pour ces projets de regroupements des populations qui doivent servir à quelque chose.

vendredi 19 septembre 2014

C’est ce que les nôtres avaient redouté

En trois semaines, le contingent tchadien basé au Mali dans le cadre de la mission de maintien de la paix dans ce pays (MINUSMA) a perdu dix soldats. Suffisant pour que les autorités de ce pays dénoncent ce qu’elles considèrent désormais comme la conséquence d’un dispositif «discriminatoire» qui fait de leurs soldats une sorte de chaire à canon. Dans un communiqué publié à la suite du dernier attentat qui a coûté la vie de cinq soldats tchadiens, le gouvernement dit avoir constaté «avec regret que son contingent continue à garder ses positions au Nord-Mali et ne bénéficie d’aucune relève. Pire, notre contingent éprouve des difficultés énormes pour assurer sa logistique, sa mobilité et son alimentation». C’est que le gouvernement tchadien voit que son contingent est «utilisé comme bouclier aux autres forces de la MINUSMA, positionnées plus en retrait». Ce qui explique l’ultimatum adressé par les autorités tchadiennes qui promettent de «prendre les mesures qui s’imposent». Menace de retrait à peine voilée : «un délai d’une semaine est accordé à la MINUSMA pour opérer les relèves nécessaires et mettre à la disposition du contingent tchadien tous les moyens destinés à l’accomplissement de sa mission».
Cité par une dépêche de l’AFP, un officier tchadien a déclaré qu’«à la date du 24 août, il n’y avait même pas une radio à Aguelhok pour communiquer avec les autres localités. C’est grave. Nous vous demandons si c’est parce que sommes des Noirs que nous n’avons pas droit aux mêmes mesures de protection que les autres troupes». Avant de prévenir : «mais si ça continue, nous allons plier bagages».
Quand la France avait sollicité une participation mauritanienne à l’effort de guerre au Mali, la Mauritanie avait, dans un premier temps conditionné cet apport par une demande expresse du gouvernement de transition d’alors. Ce qui fut fait. Mais ce gouvernement s’était empressé d’ajouter qu’il voulait confiner l’éventuel contingent mauritanien dans la région de Douenza, non loin de la frontière avec le Burkina Faso, à des milliers de kilomètres des frontières avec le pays. Les Mauritaniens avaient alors refusé parce la région indiquée était trop loin de leurs bases arrières et ils savaient parfaitement qu’ils seraient plus exposés que toutes les autres forces africaines présentes.
D’une part parce que cette guerre les concernait à ce moment-là plus que les Sénégalais, les Burkinabés, les Togolais ou même les Tchadiens qui ont fini par payer le prix le plus lourd. Ce sont bien les Tchadiens qui vont palier la faiblesse voire l’incapacité des autres troupes africaines pour se retrouver à l’avant-garde du front terrestre, comme boucliers devant les troupes françaises engagées au sol. Pendant Serval et après Serval, pendant la MISMA (mission africaine) et avec la MINUSMA, ce sont bien les Tchadiens qui vont souffrir de leur engagement réel au combat.
Les Mauritaniens étaient d’autre part aguerris pour faire face aux troupes et méthodes jihadistes. En effet, l’Armée mauritanienne est sortie de sa confrontation avec AQMI plus forte, mieux équipée et surtout beaucoup plus mobilisée qu’elle ne l’était avant. Elle est la seule à avoir pris les devants, anticipant le projet de AQMI de faire des régions sahariennes, un Jihadistan comme cela se fera plus tard en Irak et au Levant (avec Da’ish et l’Etat islamique). Quand elle faisait face et qu’elle agissait, aucun des Etats riverains, y compris le Mali, n’a voulu lui porter main forte. Au contraire, le pays fut critiqué pour son engagement, certains des «amis» allant même jusqu’à le trahir en donnant des renseignements à AQMI et ses acolytes.
Quand il s’est agi de Serval, les Mauritaniens ont compris que ce n’était pas leur guerre. Ils se sont contentés de bien tenir leurs frontières. Quand il s’est agi des forces internationales – MINUSMA -, les nôtres ont compris que ce n’était pas encore le moment de se laisser entrainer dans un bourbier qui ne dit pas son nom. Aujourd’hui, les faits leur donnent raison : il serait arrivé à nos troupes ce qui arrive aujourd’hui aux Tchadiens (et même pire), avec ce sentiment d’être payés pour mourir à la place des autres.

C’est le lieu de saluer cette anticipation qui a permis au pays de ne pas s’engager dans une guerre qui n’est pas encore - ou qui n’était plus - la sienne. Même s’il faut surveiller ce qui se passe de très près tout en évitant d’y prendre part tant qu’il s’agit d’une guerre de prestige d’un Président, François Hollande qui en manque terriblement.

jeudi 18 septembre 2014

Les banques, encore les banques

Le retrait de l’agrément de Tamkeen Bank par le Conseil monétaire de la Banque Centrale de Mauritanie, relance les polémiques autour du système bancaire mauritanien et au-delà du système financier.
Les premiers commentaires n’ont pas manqué de rappeler le cas de la Maurisbank, absente depuis quelques semaines à la séance de compense de la BCM. Mais l’on a évité de parler de la source des dysfonctionnements de ce système qui est d’abord liée à la faiblesse de la direction de la supervision bancaire. Une direction qui n’a jamais, par le passé, pu (ou voulu) imposer son autorité aux banques primaires et institutions financières de la place.
C’est bien l’absence d’une telle autorité qui explique la multiplication exponentielle des agréments qui se chiffrent à une vingtaine pour les banques et à beaucoup plus pour les institutions financières spécialisées. Une autorité qui vient de s’exercer sur le cas de Tamkeen Bank dont le projet avait été initié par des opérateurs koweitiens, libanais et mauritaniens.
Le Conseil monétaire a, au cours de sa réunion du 11 septembre, «constaté que les actionnaires de la banque n’ont pas libéré le capital dans les délais prévus par la législation en vigueur». Par conséquence, il a retiré l’agrément. L’ordonnance 2007-20 réglementant les établissements de crédit explique en son article 18 que «le retrait de l’agrément est prononcé par la Banque Centrale, soit à la demande de l’établissement de crédit, soit d’office lorsque l’établissement de crédit concerné : a) ne remplit plus les conditions au vu desquelles l’agrément lui a été accordé ; b) n’a pas commencé son activité dans un délai de douze (12) mois à compter de la date de notification dudit agrément après mise en demeure non suivie d’effet».
Pour revenir aux causes profondes du «mal bancaire», il faut noter que la prolifération des institutions financières (entre banques et établissements) a été justifiée par le boom pétrolier et minier prévisible alors. Mais rien n’a été fait pour atténuer les effets de la crise de ces deux secteurs économiques et de la désaffection qui en a résulté. L’effet boomerang de la crise, mais aussi des dysfonctionnements dans la gestion des secteurs pétroliers et miniers est pour quelque chose dans la saturation du système bancaire. Trop de banques pour une activité qui ne suit pas forcément.
Autre source de crise, l’existence de systèmes financiers parallèles spécialisés dans le crédit. La manifestation de l’existence de ce système se trouve dans le phénomène dit «chipeco». Quand les parents des victimes de ce système de crédit manifestent pour réclamer la fin du régime de «la contrainte par corps», ils se trompent de cible. Ce qu’il faut combattre – et amener les autorités à combattre – c’est le système parallèle de crédit et les taux usuriers qui s’y pratiquent. C’est quand même un exercice illégal d’une activité réglementée et dans des conditions légalement réprimées. Aux autorités de combattre le phénomène en le ramenant dans le formel. C’est le moment pour le ministère de la justice d’agir, surtout que son locataire actuel Sidi Ould Zeine est un banquier qui connait parfaitement de quoi il s’agit.
La détention par des particuliers de fonds à même de servir dans des opérations financières, indique aussi que la bancarisation est restée faible malgré les nouveaux billets et les campagnes entreprises par la BCM pour obliger les détenteurs de gros fonds à les déposer dans les banques.
Il y a aussi l’effet de ce nouveau système bancaire d’inspiration islamique. C’est bien dans le cadre de l’encouragement de l’adoption de ce système que nombre de banques et d’officines ont eu l’agrément. Mais est-ce que la direction de la supervision bancaire a suivi cette explosion de «produits financiers islamiques» ? est-ce qu’elle s’est réellement dotée de moyens légaux pour assurer une réelle surveillance et un contrôle efficace du volet islamique de l’activité bancaire ? Dans le cas par exemple de la Maurisbank – parce que tout le monde semble se focaliser sur cet exemple – que peut la Banque Centrale quand cette institution a le droit d’invoquer l’interdiction pour elle de traiter les créances à intérêt ? En l’absence d’un contrôle efficace, le secteur financier islamique en Mauritanie, n’est-il pas devenu une simple formalisation des activités de blanchiment d’un argent «politique» avec des émetteurs et des destinataires occultes ?
L’on ne peut terminer ce rapide tour d’horizon – qui reste superficiel tant que des enquêtes ne sont pas menées sur le secteur bancaire – sans noter le poids de ce système sur la communauté nationale qui a plusieurs fois payé ses déboires. Sans retour dans la mesure où il peine à jouer le rôle qui doit être le sien dans le développement du pays. Si les banques «traditionnelles» ont failli, c’est que les autorités chargées de faire respecter les lois et règlements en la matière l’ont voulu si elles n’y ont pas franchement contribué. 

mercredi 17 septembre 2014

De l’ami Kane Hamidou Baba

A la suite d’un posting qui a visiblement suscité beaucoup de réactions – parfois des incompréhensions chez certains de mes amis -, j’ai reçu ce message de mon ami Kane Hamidou Baba, président du Mouvement pour la Reconstruction (MPR). Comme je fais d’habitude, je le partage sans commentaire, comme si je le traitais en droit de réponse. L’occasion de rappeler à mes confrères qu’un «droit de réponse» est nécessairement accordé à une personne ou une institution ayant jugé qu’elle a été citée dans un article sans lui donner la possibilité de se prononcer sur les questions soulevées, non à quelqu’un qui n’a pas été cité et qui se contente de prendre la défense d’un allié ou d’un payeur.
Je sais cependant que le texte ici est plus une réponse-clarification à un ami qu’un droit de réponse.

«Cher ami, Bonjour,
Je suis à l’étranger depuis quelques semaines et mon attention a été attirée par l’un de tes brillants éditoriaux relatif au Congrès des FLAM. La critique que tu as portée contre ceux qui dénonçaient la présence de Jemil O/ Mansour à cette manifestation est d’une lucidité implacable. Heureusement, qu’il y a encore des mauritaniens qui ont la tête sur les épaules! Seulement, au détour d’une phrase, tu classes le MPR parmi les « partis sectaires ». Dans une autre livraison, tu avais également affirmé que le MPR était un parti nationaliste négro-africain. Naturellement, tout en te reconnaissant, ta liberté de jugement, je ne suis d’accord avec aucun de ces qualificatifs. Sauf, bien sûr, à me dire qu’en Mauritanie, un parti politique dirigé par un négro-africain est nécessairement nationaliste et/ou sectaire ? Et là, je dis tout de suite, attention de tomber dans les stigmates que toi-même tu dénonces ! Il me semble que la ligne d’un parti se définit avant tout par son programme et par les actes que ses dirigeants posent ; et au premier rang desquels, le Président du Parti lui-même. En ce qui concerne le programme du MPR, que j’ai moi-même largement inspiré, ses quatre piliers sont : une politique active d’intégration nationale ; l’enracinement de la démocratie ; le respect des droits de l’Homme ; et le développement économique et social dans l’équité. Vaste programme, me diras-tu ! Sur la question de l’intégration nationale et qui est notre crédo, instruits par l’expérience malheureuse vécue, par la communauté négro-africaine dans son rapport à l’Etat, mais qui a déteint sur ses rapports avec la communauté maure, nous prônons un Nouveau Pacte de Confiance, reposant sur un double contrat : entre l’Etat et les communautés d’une part ; entre l’Etat et les citoyens d’autre part. Je n’entrerai pas ici dans les détails, mais ce qu’il faut retenir : Sans renoncer à l’objectif fondamental de citoyenneté pleine et entière, il faut faire des concessions aux groupes primaires, au sens sociologique du terme, composantes nationales et sociales, y compris haratines, parce que la gestion délicate de ces questions a été menée par des politiques inappropriées, passe-moi l’expression «imbéciles» !
Evidemment, sauf à se réfugier dans la contemplation de l’observateur froid qui analyse les contradictions sociales, nous autres politiques, sommes condamnés à rechercher et à trouver des solutions. Or, je sais que depuis la Conférence de Bakou (1921) et peut être avant, les questions nationales ont toujours interpellé les révolutionnaires et démocrates. Ces questions sont à l’origine de l’éclatement de l’Union Soviétique, des problèmes dans les Balkans et plus près nous des conflits encore ouverts en Afrique. Malgré notre situation en Mauritanie, observant tous ces phénomènes de guerre sans merci entre frères de même race en Afrique, le cas du Sud Soudan est à cet égard caricatural, j’en arrive donc à relativiser nos problèmes faussement raciaux, faussement ethniques. Mais, j’ai appris à Sciences Pô qu’une question n’est jamais éternellement principale ou secondaire, elle l’est, lorsque les contradictions sociales en font une question principale. Ma conviction est que si les negro-africains de Mauritanie se dotait d’un Etat, peut-être plus qu’une autonomie telle que réclamée par les FLAM, ils allaient vite s’entre-déchirer entre Pulaar et Soninkés, entre Pulaar et Wolof, ou entre Pulaar eux-mêmes, parce qu’à la base le fait ethnique a été surdéterminant dans la création de cet ensemble autonome. Il en serait d’ailleurs de même si on avait créé un Etat ou un ensemble maure. Le fait tribal, voire régional eut été surdéterminant. Voilà pourquoi je suis un défenseur impénitent de l’intégration nationale. Sur ce point, tous les régimes passés n’ont, au mieux  qu’incarner ce problème de notre pays, sans jamais le résoudre ; les hommes ordinaires que nous sommes, devront bien tentés de le résoudre.  
Enfin, en ce qui concerne les dirigeants du MPR, et au premier rang desquels moi-même, j’ai bien la prétention d’être un patriote, mais pas un nationaliste ! En 1995, quand je suis rentré au pays à la suite d’une longue mission de consultation à la BAD (2 ans), j’ai trouvé à mon retour que l’écrasante majorité des négro-africains avait quitté l’UFD/EN, je ne les ai pas suivi, malgré l’insistance de certains cousins. Je leur avais dit textuellement ceci : « Moi, vous savez que je suis l’un des auteurs de la Déclaration de politique générale de l’UFD, je me suis absenté du pays pendant deux ans et à mon retour, j’ai trouvé qu’on n’a pas changé une virgule de cette Déclaration ». Bref, je ne situe pas mon engagement politique dans une dynamique communautaire, mais de principe.
J’aurai pu aussi te parler de l’action personnelle que j’ai menée pour dissuader en 91 certains jeunes cousins et neveux sortis du mouroir de Walata et qui n’avaient qu’une idée aller rejoindre la lutte armée des FLAM. Je ne l’avais fait pour le compte d’aucun régime et c’est peut-être bien la première fois que j’en parle ! Tout le monde connait les liens particuliers qui m’unissaient à Saidou KANE (Paix à son âme), au-delà de la parenté ; et je peux dire sans fausse modestie que j’ai le plus contribué à sa décision de faire abandonner aux FLAM la lutte armée, de démissionner des FLAM et finalement de rentrer au pays ! je ne l’avais fait pour le compte d’aucun régime. Seule ma conscience m’avait dicté.
Quant aux autres dirigeants du MPR, ils viennent d’horizons divers : de toutes les communautés avec des ex-UFP, ex Plej, ex Flam, ex-Prds, ex-Baasistes, et bien sûr ex-RFD. Mais, il y a surtout des mauritaniens lamda qui veulent faire la politique autrement et qui m’accordent leur confiance. Ils savent aussi, qu’ils soient Maures ou Négro-africains, que je n’ai pas de couleur et que j’ai déjà sanctionné au sein du Parti les dérives sectaires qui risquaient de le miner, quitte à me séparer de certains soutiens de la première heure. Tu peux le vérifier auprès de Sidi O/ Kleib.
Enfin, enfin, ce n’est pas à quelqu’un de Mederdra à qui je vais apprendre que j’ai la conscience historique d’être un multi culturaliste, appartenant à une longue lignée où le brassage des peuples a été rendu possible par des stratégies matrimoniales et une intégration qui a permis à la tribu des Oulad Deyman de devenir les collecteurs d’impôts pour le compte de Elimane Seydou Hountou Racine dans ce Grand Dimar, Saidou Kane dirait Damashg, qui envoyait aussi ses enfants auprès des lettrés Deyman pour leur inculquer le savoir coranique.
 Ce que nous ancêtres ont fait, avec les moyens qui étaient à leur portée, nous pouvons faire mieux !
Si j’ai tenu à faire cette mise au point, je ne m’adresse pas au journaliste, mais à l’intellectuel pour lequel j’éprouve un profond sentiment d’estime et de respect. Ceci n’est donc pas un droit de réponse.
Cordiales salutations»
Hamidou Baba KANE, en vacances au Maroc.  

mardi 16 septembre 2014

Ebola, l’autre guerre

C’est une véritable guerre qu’il faut mener contre le virus Ebola qui continue à faire des ravages en Afrique de l’Ouest (et pas seulement). La mobilisation internationale et locale (dans les pays africains) prend l’allure d’un film sur grand écran, avec notamment la décision du gouvernement du Sierra Leone de «confiner» la population chez elle pendant trois jours, mais aussi l’envoi dans ce pays de plus de trois mille soldats américains.
En 1995, le réalisateur Wolfgang Petersen sortait «Outbreak», un film traduit en Français sous «Alerte !» avec entre autres grandes figures du cinéma, l’acteur Dustin Hoffman. Le film raconte l’itinéraire d’un virus arrivé en Californie par un petit singe venu d’Afrique et introduit frauduleusement aux Etats Unis. Il se propage à une vitesse qui laisse présager la fin de l’Humanité. La trame tourne autour la volonté des «bruts» qui préconisent une opération militaire contre la petite ville où le virus semble avoir sévi, et le colonel Sam Daniels (Dustin Hoffman) qui croit à une solution «scientifique».
Au cours de l’histoire, on apprend qu’il s’agit d’un virus «cultivé» dans le cadre de la guerre bactériologique envisagé par les Américains contre le reste du monde. Le virus aurait été cultivé en Afrique. Une souche de ce virus a contaminé des animaux de la jungle et notamment des singes qui servent dans des trafics avec l’Europe et l’Amérique. A un moment du film, on voit comment l’administration américaine avait décidé de détruire les villages et camps militaires où la culture du virus s’effectuait, pour faire disparaitre toute trace du méfait.
Depuis que j’ai vu ce film, je m’attends à une hécatombe du genre. Nous l’avons depuis les pays de l’Afrique de l’Ouest. Il ne s’agit pas ici de suggérer une quelconque possibilité de manipulation à grande échelle, même si avec ces gens-là il ne faut rien exclure. La situation est grave et mérite qu’on se mobilise tous pour expliquer, sensibiliser en espérant faire peur pour éviter la propagation de la maladie qui a fait des milliers de victimes en quelques mois.
Le virus Ebola – et non «Epola» comme prononcent certains journalistes des télévisions et radios privées – doit son nom à une rivière de la République démocratique du Congo, ancien Zaïre. C’est aux abords du cours de cette rivière que le virus a fait sa première hécatombe en 1976 (280 morts sur 318 contaminés). Plus tard, on saura qu’il s’agit d’une maladie fulgurante mortelle à 90% et pour laquelle il n’existe aucun traitement.
On sait que le virus passe de l’animal à l’homme (de la chauve-souris au singe puis à l’homme). Il se transmet par contact direct avec des liquides organiques comme le sang, le sperme, les excrétions, la salive et tout ce qui peut provenir de la personne malade. C’est ce qui explique la montée de la contamination dans le personnel médical traitant.
Il y a deux semaines, un prédicateur mauritanien a été atteint d’un accès de forte de fièvre. Il a été immédiatement isolé à l’hôpital Zayed où il a été transféré. Malgré la présence presque permanente du personnel médical, le médecin traitant a été surpris de le voir entouré de sa famille : sa sœur qui lui tenait la tête, son frère qui lui massait les pieds, quelques disciples qui essayaient de s’asperger de sa salive qui dégoulinait. C’est dire combien il est difficile de faire respecter les règles de sécurité dans des sociétés comme la nôtre où les règles de la convivialité font fi de la prévention.
Les rituels funéraires ont été pour beaucoup dans la propagation du virus dans certains pays. La question aujourd’hui est de savoir si les exégètes de la religion peuvent émettre des avis dispensant les morts du virus d’être traités comme des morts normaux.
Une montée soudaine de fièvre accompagnée de céphalées avec des maux de gorge, des diarrhées et des vomissements ainsi que des éruptions cutanées qui apparaissent très vite. Très vite aussi on constate que les reins et le foie sont affectés pour donner les hémorragies internes et externes. Dans 50 à 90% des cas, le décès intervient alors. Entre le moment de la contamination par le virus et sa manifestation (période d’incubation) on peut compter de 4 à 9 jours, alors que le temps de la maladie dure entre 6 et 16 jours.
La menace est grave pour tout l’espace ouest-africain, donc pour nous. Il est donc urgent et nécessaire de faire attention. Faire attention à tous les malades de fièvre qui manifestent des symptômes assimilables à ceux d’une fièvre hémorragique, n’importe laquelle. Faire attention aux parents et amis qui reviennent de pays à risques. Etre plus exigent quant à l’hygiène notamment l’hygiène personne : se laver les mains chaque fois que cela est possible. S’abstenir de toucher les malades soupçonnés d’être atteints.
Les partis politiques, les syndicats, les médias, les mosquées, les chefs de village… tout le monde doit se mobiliser pour sensibiliser les populations. Nous n’avons pas le droit d’attendre sans rien faire, sans rien dire. Cela relève du volontarisme et de l'engament personnel. 

lundi 15 septembre 2014

Ratage encore

L’organisation par le ministère chargé des affaires islamiques d’un colloque sur l’éradication de l’esclavage est un évènement important, même très important. C’est sans doute la première fois qu’un conclave de Ulémas et exégètes de la charia se réunissent pour réfléchir sur la question.
Il y a eu certes des polémiques juridiques entre ceux de l’autorité religieuse qui justifiaient la pratique et ceux qui, au contraire la condamnaient. Depuis le 16ème siècle, particulièrement à partir du 18ème et pendant le 19ème, les tenants de la thèse pour l’émancipation et condamnant la pratique esclavagiste avaient presque réussi à prendre le dessus. Mais la pratique sociale a été plus forte.
Quand l’Imam Nacer Eddine lance sa «guerre des marabouts» - c’est comme ça qu’on l’appelle de l’autre côté du Fleuve – c’est d’abord par des attaques contre les forteresses où l’on parquait les esclaves en partance pour les Amériques. C’est dire combien la question était au centre des préoccupations de l’élite de l’époque. Même si, plus tard, le mouvement de résistance lancé par Shaykh El Haj Omar Tall, accompagnera intensément la traite négrière dont il sera l’un des pourvoyeurs.
Aujourd’hui, au milieu du tumulte que suscite la question au 21ème siècle et au-delà du stérile débat autour des termes («séquelles» ou «pratiques»), cette réunion devait servir à faire accompagner les efforts du pays – partis, organisations civiles, simples militants d’une cause toujours d’actualité – pour détruire le prétexte religieux encore utilisé pour justifier et maintenir des humains dans l’asservissement.
C’est pourquoi, il n’y avait pas lieu de tergiverser. L’autorité politique et religieuse aurait dû éviter de s’arrêter sur le fait de savoir s’il s’agit de «séquelles» ou de «pratiques». L’énergie dépensée par les discoureurs officiels à vouloir s’en tenir à une terminologie qui a empêché toute avancée sur la question dans le passé, devait servir à faire preuve de courage, ne serait-ce que pour accompagner les efforts réels entrepris.
Quand le Premier ministre ou le ministre des affaires islamiques, quand les Fuqahas prennent la parole, le premier souci est de se tuer à faire la démonstration que ces pratiques n’existent plus. Alors pourquoi avons-nous besoin de ce genre de conclaves si la question n’était pas d’actualité ?
L’esclavage existe. On peut – si l’on veut – le rencontrer partout où l’on va. Mais pourquoi il existe encore alors que l’Etat moderne a déployé un arsenal juridique pour le combattre, depuis les circulaires des années 60 aux lois l’incriminant ces dernières années ? Parce que la résistance à l’application de la loi est trop forte. Entre certains maîtres qui refusent d’abandonner l’asservissement d’humains comme eux et des esclaves qui ne veulent pas de cette libération que leur procure la loi, le front esclavagiste est bien constitué. C’est souvent l’argumentaire religieux qui lui justifie son attitude et ses pratiques ignobles. D’où l’importance du conclave.
La rencontre devait émettre un avis sans appel contre la pratique esclavagiste, mais aussi contre toute attitude raciste, asservissante ou humiliante. Elle devait être le point de départ d’une nouvelle relecture se rangeant aux côtés des fondements de la Modernité. La promotion de l’égalité, de la citoyenneté, de l’équité, de la valeur du travail et du mérite, de l’humilité et de la justice… qui sont en définitive des valeurs promues par l’Islam.
Nous avons besoin d’une exégèse qui défende le faible, le démuni, non pas de celle qui est au service du plus fort. Une exégèse conforme à l’esprit et à la lettre de l’Islam originel qui a été la religion des démunis avant de rayonner sur le Monde. Partout, à la Mecque, à Médine, en Perse, à Byzance, en Ifriqiya, au bord du Sind, aux confins de l’Occident barbare, l’Islam a d’abord été la religion qui a permis de libérer les plus faibles, de rendre justice aux opprimés, d’instituer une équité qui reconnait la valeur de chacun, le droit de chacun. C’est cet Islam-là que nous voulons voir ressurgir des conclaves et des réflexions de nos Ulémas, de notre religieuse.

La méfiance et la timidité quand il s’agit de traiter une question aussi sensible et aussi grave que l’esclavage participent des conservatismes que nous devons combattre. Dans un pays où les autorités viennent de mettre en œuvre une feuille de route en vue d’éradiquer la pratique, il n’y a pas lieu d’hésiter à appeler les choses par leurs noms. L’esclavage existe, il faut l’éradiquer par l’application stricte des lois à travers la juridiction créée (devant être créée) à cet effet. Les inégalités existent et toutes les communautés en souffrent, il faut les combattre par l’assainissement de l’administration, de la justice. Les mentalités rétrogrades survivent, il faut les chasser à travers l’école, moule de la Mauritanie moderne.

dimanche 14 septembre 2014

Quel weekend pour nous ?

Autant vous dire toute de suite, je n’ai aucune prétention à traiter le bienfondé juridique (Charia) de la décision de remettre le repos hebdomadaire au dimanche au lieu de vendredi. Je ne prends pas le temps d’être précis dans les dates des décisions ultérieures concernant le weekend par le passé.
Je ne suis pas sûr si c’est sous la présidence du colonel Mohamed Khouna Ould Haidalla que la décision a été prise de fixer les journées de vendredi et samedi comme jours de repos. Je crois que oui, parce que c’est bien à cette période que la tendance islamiste avait pu forcer la main au pouvoir jusqu’à l’amener à organiser un simulacre d’application de la Charia : il y a eu exécution, lapidation et amputation sur la place publique. Les images existent encore et avec elles l’horreur du moment. Cela participait aux tendances autoritaristes violentes du régime de l’époque.
Trois fois, les autorités revinrent sur la décision depuis les années 80. La dernière fois, c’était en 2008 sous le régime civil qui avait estimé que le coût était exorbitant pour le pays. C’est bien sous l’actuel Président, alors chef de l’Etat et du Haut Conseil d’Etat, que l’on reviendra à vendredi. Ce qui entrait dans le cadre d’une démarche politicienne qui visait à exploiter un sentiment dit «national». avec la rupture des relations diplomatiques avec Israël – même si cette décision était autrement plus courageuse, plus significative et plus porteuse -, celle de ramener le weekend au vendredi plaisait à une frange de la société. Le tollé que la décision actuelle suscite, mérite qu’on s’y arrête pour faire quelques remarques :
  • Le weekend a longtemps été fixé par simple arrêté parce qu’il couvre l’organisation du travail. En 2004, il a été introduit dans le Code du travail alors que tout le monde savait que cela ne devait pas relever du domaine de la loi. Cette infraction n’a pas été relevée et n’a pas été corrigée. Elle est donc restée.
  • Chaque fois que le pays a voulu changer les jours de repos, les autorités ont fait appel aux Ulémas et Exégètes du Fiqh malékite. Chaque fois, les élites religieuses ont répondu dans le sens que voulaient les autorités. Parce que toutes les interprétations sont possibles.
  • Le Khalife Omar Ibn Al Khattab est le premier à instituer un repos hebdomadaire au profit des élèves des écoles coraniques. Ce repos a été fixé du mercredi après-midi à vendredi en milieu de journée. Donc l’après de mercredi, la journée de jeudi et la matinée de vendredi. Rien à voir avec ce que nos élites religieuses prétendent aujourd’hui.
  • Le Khalife Omar dont le règne coïncide avec l’apogée du premier Etat musulman – en termes d’épanouissement, d’organisation, de structures étatiques fonctionnelles, de centralisation, de gestion, de rigueur, de probité, de justice, d’équité -, ce Khalife n’a pas pensé instituer un repos hebdomadaire pour l’administration de l’Etat qui fonctionnait tout le temps sans relâche.
  • Le travail dans la matinée de vendredi n’enlève en rien le côté sacré (ou studieux) de cette journée. Cela dérange seulement les personnes qui concluent que parce que les Juifs ont un jour de repos qui est le samedi et les Chrétiens le dimanche, les Musulmans doivent obligatoirement avoir un jour de repos qui ne peut être que le vendredi. Discutable, même très discutable…
  • Nous appartenons à un environnement, à une région où il existe d’autres pays musulmans comme nous : le Sénégal, le Mali, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie pour ne citer que les plus proches de tous les points de vue, ont tous leur weekend samedi et dimanche. L’alignement sur l’Arabie Saoudite, l’Egypte, le Qatar ou la Jordanie ne fera pas de nous autre chose que ce que nous sommes : un pays partagé entre un Maghreb Arabe et une Afrique de l’Ouest qui s’imposent à nous malgré les réticences des plus idiots d’entre nous.
Last but not least, quand l’Etat moderne est sorti des sables et qu’il a fallu lui définir ses fondements, ce pays était peuplé de Ulémas autrement plus pieux, autrement plus pourvus, autrement plus authentiques, autrement moins portés sur leurs intérêts personnels, autrement plus engagés et plus courageux à défendre les préceptes religieux, autrement moins aigris, autrement plus tolérants, plus intelligents, plus humains… Est-ce que feu Mohamed Ali Ould Addoud a récusé le weekend d’alors ? feu Abbe Ould Khtour, el Haj Ould Vahfou (que Dieu le préserve), Bouddah Ould Bouçayri, Meyeye Ould Bebbaha, Guerraye Ould Ahmed Youra, Abdoul Aziz Sy… qui des dizaines d’une élite véritablement détachée des choses de la vie ici-bas, qui de cette élite a trouvé que cela méritait un tollé ? Personne. Alors que ceux qui nous empestent aujourd’hui et qui ne sont rien par rapport à ceux-là, qu’ils se taisent, qu’ils soient au moins plus mesurés dans leurs appréciations. On ne peut pas se taire, parfois justifier, les crimes, les exactions, le pillage des ressources nationales (y contribuer parfois), l’exercice de l’arbitraire, le racisme, le népotisme, le déni du droit…, et s’offusquer de la manière pour une affaire de jour de repos. Ce n’est pas essentiel et ce ne le sera jamais.    

samedi 13 septembre 2014

La réponse de Ould Tah

Elle ne pouvait pas être formulée autrement la réponse du ministre Sidi Ould Tah à l’ancien chef de l’Etat de l’époque du Comité militaire pour la justice et la démocratie (CMJD). Juste ce qu'il faut. D’abord savoir à quoi devait répondre Ould Tah.
Dans l’une de ses sorties médiatiques récentes – sur Radio Nouakhchott-info – l’ancien colonel s’est défendu d’avoir trempé dans une quelconque combine concernant l’ocrtoi d’une troisième licence à l’opérateur soudanais Sudatel, ce qui donnera Chinguitel. Il a affirmé que l’investisseur a été ramené en Mauritanie par l’actuel ministre du développement, que les négociations ont menées par l’ancien président de l’Autorité de régulation, Moustapha Ould Cheikh Mohamedou et sous l’égide du Premier ministre de l’époque Sidi Mohamed Ould Boubacar. «Demandez à trois personnes, ce qu’elles diront de l’affaire, je l’entérine». On était loin de croire que l’une de ces personnes allait répondre. Toutes trois ont un grand sens de la responsabilité et savent ce qu’est un devoir de réserve. Toutes trois aussi n’ont jamais vraiment été impliquées par l’opinion publique dans cette affaire.
Finalement, c’est sous la pression des journalistes venus cueillir les impressions après le dernier Conseil que le ministre Ould Tah s’est trouvé dans l’obligation de répondre. Il a d’abord précisé qu’il était à l’époque des faits un simple citoyen mauritanien travaillant pour le compte d’un établissement étranger au Soudan. Ses relations personnelles avec les milieux d’affaires soudanais lui ont permis de les intéresser à la Mauritanie. Mais dès leur arrivée ici ils furent «récupérés» par l’autorité en place qui confia le dossier «à un proche». Bien après la conclusion de l’octroi de la licence, indique le ministre Ould Tah, «je fus contacté par le Président Eli Ould Mohamed Val qui m’annonça qu’il avait eu 10% du capital de la nouvelle société et qu’il m’en cédait 0,5%. J’attends depuis de formaliser ce généreux geste».
Pour beaucoup d’observateurs, c’est bien pour faire passer la pilule que le Président du CMJD fit appel à Sidi Ould Tah comme Chargé de mission à la présidence à la fin de la transition.
La réponse de Sidi Ould Tah, si elle est entérinée comme promis par Ould Mohamed Val, nous donne des renseignements supplémentaires sur l’affaire de la licence accordée à Sudatel et qui était ressentie d’abord comme un coup contre le premier opérateur mobile du pays, la MATEL.
Il faudra donc pour l’ancien chef d’Etat, Ould Mohamed Val plusieurs sorties pour apurer définitivement cette question avant de passer à autre chose.

vendredi 12 septembre 2014

Pour le prix d’un asile

J’ai lu la semaine dernière un récit qui m’a choqué. C’était la reprise d’une information parue dans un journal français (La Montagne ?) concernant un Mauritanien. «P., un jeune mauritanien, est venu chercher la sécurité en France. Il y a atterri en février 2014». Je ne sais pas pourquoi on choisit de donner seulement l’initiale de son nom (ou prénom) dans la mesure où il est déjà en France où il semble être en sécurité.
L’article – de quel journal ? – nous raconte  que «P. est arrivé en France avec un pied nécrosé, une blessur à la matraque infligée par les militaires». Le récit rapporté site la personne : «Il y a eu des problèmes. Si tu n’as pas les papiers de ta mère et de ton père, tu ne peux plus être Mauritanien». Qui a dit ça et depuis quand c’est comme ça ?
Et le journal d’expliquer en se référant aux propos du personnage : «il s’agissait d’exclure une partie de la population, les Maures noirs, à l’approche des élections». Parce que «P. fait partie de ceux qui ont été déchus de leur nationalité». P. raconte : «Chez nous, beaucoup n’ont pas les certificats de décès. Ma mère est morte en 2000, mon père, en 1989 (les dates choisies sont bien sûr significatives). Le journal reconnait quand même que le récit de la fuite de P. de son pays «pourrait figurer dans un film d’espionnage». Et de décrire qu’il était sorti de prison «vêtu de vêtements militaire», avec «une voiture qui l’attend dehors» et le «départ en bateau». Bien sûr que P. ne savait pas où il allait, «un type m’a mis dans une petite chambre ; il m’a dit de ne pas sortir». Dans le bateau ou ailleurs ?
«(Mon) pays d’origine, c’est fini. Ici, au moins, je suis moi», affirme P. qui selon le journal est «arrêté lors des manifestations, en 2011, liées au recensement national, qu’il couvrait pour une chaine de télévision». TVM, peut-être ?
C’est à la fin qu’on comprend le pourquoi de ce tissu décousu de mensonges : P. a entrepris le processus de recherche d’un statut d’exilé politique en France. Le journal nous apprend enfin : «L’Etat français n’a pas encore statué sur son dossier. P. attend toujours sa convocation». Si c’est un article pareil, même repris par un organe mauritanien, qui va permettre le traitement judicieux de son dossier, il faut reconnaitre que l’Office français chargé des réfugiés et apatrides (OFPRA) n’a aucune faculté de discernement. Au-delà de l’OFPRA, il y a tout le système français et européen en général qui est pourri par des démarches pareilles. Ne parlons pas des Etats Unis où les jeunes mauritaniens affluent ces derniers temps sous prétexte qu’ils sont persécutés pour raisons religieuses (des Chrétiens ou Juifs menacés) ou sexuelles (menace d’homophobie). Tout ça passe. Tant pis.

jeudi 11 septembre 2014

La folie qui provoque la folie

On ne peut pas résister à la tentation de commémorer l’évènement. De se rappeler ce coup porté au cœur de l’Amérique. Même si l’on se remémore les milliers de morts des tours newyorkaises, on n’a pas le droit d’oublier les centaines de milliers de morts à la suite de l’expédition punitive américaine en Afghanistan, en Irak, au Yémen, en Syrie, partout dans le monde. Je ne parle pas ici des combattants des organisations terroristes, mais des civils qui ont fini par se compter en centaine de milliers. Mais qui s’en occupe ?
Il est sûr que la folie meurtrière des Jihadistes d’Al Qaeda a provoqué la folie guerrière d’une Amérique au summum de son arrogance et de sa force destructrice.
Treize ans après, nous sommes en droit de nous demander si le Monde va mieux depuis que l’Amérique a mené cette guerre. Ce ne sont pas les assassinats ciblés de dirigeants d’Al Qaeda qui ont mis fin à son activité. Encore moins la mort de son chef historique, Usama Ben Laden. Ce n’est pas la destruction de l’Afghanistan, puis de l’Irak qui ont circonscrit l’action des groupes terroristes. Pas un lieu dans le monde qui ne soit sous la menace aujourd’hui. Pas un ressortissant américain ou occidental en général n’est véritablement en sécurité en son fort intérieur. En plus de foyers de tensions multiples.
En Europe, le reflux des combattants jihadistes revenus de Syrie et du Levant pose un sérieux problème. Il peut même entrainer la remise en cause des principes de liberté parce qu’il entraine des excès. Dans la plupart des pays Balkans, dans les républiques islamiques de l’ancienne URSS, dans les minorités nationales, les frustrations sont telles qu’elles ne peuvent que s’exprimer avec violence. Un jour ou l’autre.
En Afrique, il y a eu les Shebabs de Somalie, Al Qaeda au Maghreb Islamique, aujourd’hui Boko Haram… toutes ces organisations sèment la mort et la désolation. Il faut y ajouter des foyers qui ne manqueront pas d’alimenter les organisations extrémistes de nouvelles recrues (Centrafrique, Kenya, Libye, Egypte…). Nous allons vers une guerre globale qui intéresse peu dans la mesure où elle se déroule en terre africaine. Certes il y a eu les réactions françaises au Mali et en Centrafrique. Mais ces réactions ont compliqué les donnes au lieu de trouver des solutions aux problèmes posés.
Mais le plus significatif est ce qui se passe au Moyen-Orient, avec cette guerre que livre le nouvel Etat Islamique d’Iraq et du Levant (EIIL). N’est-ce pas là la preuve de l’échec patent de la politique américaine dans la région ? Après des années d’occupation, de lutte contre les groupes terroristes, l’Armée américaine s’est retirée en laissant derrière elle un pays éclaté, divisé en mille factions. En laissant surtout un groupe qu’elle a soutenu et armé dans un premier temps, et qui nargue aujourd’hui la communauté internationale. Ce groupe, l’EIIL n’a dérangé que quand il a commencé à s’attaquer aux minorités chrétiennes et yazidies. Pourtant, il a commencé par assassiner les Sunnites et les Chiites d’Irak. Mais cela ne dérangeait personne. Il a tué en Syrie où il a bénéficié d’une complicité certaine des alliés des Etats Unis.
Treize après les premières expéditions punitives des Tuniques bleues, la situation n’a fait qu’empirer. Moins de deux ans après leur retrait historique d’Irak, les «boys» sont obligés de revenir sur les lieux pour soi-disant finir le travail. Un cercle vicieux, très vicieux d’ailleurs. Tant que les Américains sont là, les guérillas se nourriront de cette présence.
La même logique qui a fait intervenir une nouvelle fois les Américains en Irak, devait ramener l’OTAN en Libye. Ce pays dont la destruction a été assurée par l’organisation militaire occidentale sous la pression de la France. Ce pays aujourd’hui en proie à la guerre civile et au bord de l’effondrement. où est passé le Messie Bernard-Henry Lévy ? où sont passées les envolées lyriques de l’époque ? où est passé l’amour pour la Libye et son peuple ?
…Le 11 septembre 2001, quelques dix-neuf personnes – toutes formées en Occident – orchestrent un coup sans précédent. Leur acte inconsidéré allait servir à l’Amérique de George W. Bush, en mal de légitimité, pour imposer un nouvel ordre qui s’avérera un désordre, une sorte de dérèglement du Monde et de ses mécanismes.
Cet acte a aussi été une catastrophe pour les Musulmans. Ces gens ont tué plus de Musulmans que de Chrétiens ou de Juifs. Ils ont mis en quarantaine une communauté, contribuant à la stigmatiser partout où elle se trouve.
Ces gens n’avaient rien à proposer, n’ont toujours rien à proposer que la mort comme projet. Ils ne pouvaient pas, ne peuvent toujours pas incarner l’espoir. Ils sont juste une justification de légitimation d’une violence aveugle exercée par les plus forts, les plus riches, ceux qui, depuis trois siècles pillent, tuent, exploitent, détruisent sans discernement.