L’excuse – pas au sens de la reconnaissance de son erreur
et du repentir, mais au sens du (faux) prétexte pour justifier la faute – est une
spécialité de l’homme mauritanien qui n’arrive jamais ou pratiquement jamais à
reconnaitre son erreur.
L’autre jour, je m’apprêtais à passer un feu qui a viré au
vert au moment où je l’atteignais, une petite (et vieille) voiture a failli me
percuter parce que le chauffeur avait brûlé le feu. Situation anodine à
Nouakchott où le respect du code de la route est une valeur absente. Seulement,
je fus choqué par la voiture qui arborait fièrement les plaquettes de «l’auto-école Tijikja». Ma relation
sentimentale avec l’une des plus vieilles cités de Mauritanie, une cité qui a
donné beaucoup de cadres qui ont loyalement servi ce pays, une cité où le taux
de diplômés est certainement supérieur à la moyenne des autres régions…, cette
relation avec la ville m’interpella. Surtout qu’il s’agissait d’une auto-école,
là où l’on apprend aux autres à conduire les voitures, là où l’on enseigne les
règles du code de la route… Je ne devais pas laisser passer. Je fais en sorte d’être
au niveau du chauffeur pour lui demander : «Comment un maître d’auto-école peut brûler un feu rouge ?» et
lui de répondre : «Je ne l’ai pas vu».
Aqbahu maa qiila
vil i’tidhâri, l’une des plus moches
excuses qu’on puisse avancer en pareil cas. Mais le Mauritanien ne se gêne
jamais : ce n’est jamais de sa faute s’il commet une bourde, s’il enfreint
une loi, s’il commet une injustice… C’est toujours «mahu ibghardhi» (cela ne découle pas de ma volonté). Vous n’entendrez
jamais : «Pardon, c’est de ma faute»,
«toutes mes excuses, je n’ai vu que je
commettais une faute»… mais plutôt «tu
étais trop prêt», «je n’ai pas vu
mais je suis déjà là», «tu m’as
perturbé»…
C’est bien parce que nous ne reconnaissons pas nos fautes
que nous les répétons. C’est parce que nous répétons les mêmes fautes que nous
avons l’impression que l’Histoire bégaie et qu’elle nous fait constamment
revenir sur nos pas. Et c’est bien parce que nous revenons constamment sur nos
pas que nous n’avançons pas.