La démission – forcée ou pas – de Modibo Diarra de son poste de
Premier ministre et son remplacement par Diango Cissoko ouvre de nouvelles
perspectives au Mali. Le nouveau Premier ministre est un homme d’expérience. Vieux
routier de la politique malienne, il possède une assise sociale assez solide
pour lui permettre de mettre à contribution tous les acteurs, y compris ceux de
la société civile, et d’actionner les ressorts de la réconciliation nationale,
condition sine qua non de la refondation de l’Etat malien. D’ailleurs le
gouvernement qu’il a formé est déjà l’expression de la volonté d’aller dans ce
sens avec notamment plus de portefeuilles aux ressortissants des régions
concernées par la rébellion. Reste pour le Mali l’épineuse question de la
remise à l’ordre d’une Armée dont la restructuration a été confiée à un comité
dirigé par un capitaine mutin puis putschiste par la force des choses.
Le mouvement qui a conduit le capitaine Sanogo à la tête du pays a
eu pour cause le refus de faire la guerre et toutes les décisions prises par la
junte après la chute du régime de Toumani Touré ont cherché à reculer l’échéance
du déclenchement de cette guerre pourtant inévitable si le Mali veut récupérer
sa partie nord et instaurer l’ordre chez lui. La première mission du nouveau
gouvernement est certainement de permettre la mise en œuvre du plan
initialement prévu par la communauté internationale qui n’a fait qu’entériner
le plan proposé par la CEDEAO et l’UA. Ce plan est-il réalisable ? la
communauté internationale est-elle prête à l’appliquer ?
Les chefs d’Etats Majors ouest-africains ont arrêté mardi le plan
pour une opération militaire au Mali. Selon le chef d’Etat Major ivoirien cité
par l’AFP, le «concept d’opération harmonisé» a été parfait par les
participants à la réunion qui se tenait ce samedi à Abidjan. Les chefs
militaires ont ainsi adopté une «planification un peu plus poussée» de l’opération
initialement prévue, sans pour autant y changer des éléments fondamentaux. On parle
toujours de 3.300 hommes qui viendraient épauler l’Armée malienne qui aura fait
le ménage en son sein, ainsi que d’un appui très fort de la communauté
internationale (Union Européenne, Etats-Unis, pays du champ…). La «Mission
internationale de soutien au Mali sous conduite africaine» (MISMA) devra
attendre que les vrais promoteurs de la guerre – la France et les Etats-Unis –
s’accordent sur le comment et le quand.
Les réserves émises récemment par le secrétaire général des Nations
Unies, Ban Ki-Moon trouvent leur justification dans les divergences clairement
exprimées par l’un ou l’autre des intervenants.
«It’s crap», aurait affirmé la représentante américaine aux
Nations Unies parlant du plan français d’intervention au Mali. Si Susan Rice
qualifie de «merde» ce plan, c’est qu’il préconise d’aller vite en besogne. Sans
prendre en compte la nécessité de remettre de l’ordre au sein de l’Armée et du
gouvernement maliens, encore moins les possibilités de ces troupes mobilisées dans
la précipitation et ne tenant pas compte du rapport de force entre les
belligérants qui devront se faire face prochainement.
«Cette appréciation de l’émissaire
américaine reflète les doutes sérieux
autour des effectifs et des capacités de l’armée malienne, soutenue par une
coalition de 3300 troupes issues de 15 pays d’Afrique de l’Ouest menée par le
Nigeria, à lutter contre une insurrection qui sait faire la guerre et a
l’expérience du combat dans le désert impitoyable du Sahel. La franchise de
Rice est aussi un revers pour le long et interminable effort de la France et
des pays d’Afrique de l’Ouest pour obtenir du Conseil de sécurité un mandat
pour une force régionale d’intervention au Mali.» (source : lemonde.fr)
D’autres
journaux français commencent à douter de la possibilité d’une guerre imminente
au vu des divergences et des capacités des Etats africains concernés. Cité par
la presse, un Général français a soutenu que «sur le plan militaire, il ne se passera rien,
parce que c’est extrêmement difficile et que personne n’en veut. Mais surtout
parce qu’on ne traite pas le terrorisme, la faillite politique des États de la
zone et le développement du trafic de drogue, des armes et des êtres humains
par une intervention militaire». Ajoutant: «On a laissé cette situation
se détériorer, tout en sachant qu’on risquait de le payer très cher et très
longtemps».
«Impliqués
dans le trafic de drogues, d’armes et d’êtres humains, explique l’un des
responsables du service Action de la DGSE, la plupart d’entre eux ne
souhaitent pas qu’on vienne perturber les bonnes affaires qu’ils continuent à
faire avec certains groupes islamistes et les contrebandiers qui dominent
désormais le Sahel».
Sans oublier
la méfiance des pays du champ qui voient dans toute intervention militaire de
la CEDEAO un risque de faire prendre au conflit une dimension ethnique
préjudiciable aux objectifs légitimes de départ (restauration de la
souveraineté malienne sur l’ensemble de son intérêt et renvoi des filières des
crimes organisés du Sahel). La guerre n’est pas pour demain.