Dans
sa troisième édition, le festival des dattes de Tijigja n’est pas mieux
organisé que pour les deux éditions du passé. Certes beaucoup plus de monde. Surtout
les étrangers.
D’abord
la guerre des places. Chacun essayant d’être dans les premières rangées, d’y
installer son hôte et de le prendre comme prétexte pour rester à ses côtés. Tout
le monde, y compris les organisateurs, cherche des chaises pour ensuite les
installer. Quelqu’un vient même offrir cinq mille ouguiyas pour avoir un siège.
A la foire des dattes tout est à mettre sur le marché apparemment.
Notables,
cadres, anciens ou actuels haut dignitaires de l’Appareil d’Etat, tous se
démènent pour être au-devant de la scène. Il s’en suit ce que la maire de la
ville, Mohamed Ould Biha a appelé «une petite pagaille» et pour lequel il s’est
excusé au moment de prendre la parole.
Cette
«petite pagaille» prend toutes les formes. Sociologique : les filas de
grandes tentes qui ne veulent pas se retrouver à l’arrière de la scène ;
politique : les chefs et cadres de partis qui veulent donner l’impression
que c’est pour eux et par eux que la cérémonie est ; économique : les
opérateurs, parrainant ou non la fête, qui doivent être les plus en vue…
Je
parle avec le député de Bababé, Bâ Aliou Ibra du souci de chaque Mauritanien de
faire la démonstration publique qu’il n’existe que lui. Cela se traduit à mon
sens par le mépris qu’il tient à afficher à l’ordre et la préséance. Il va te
marcher sur les pieds sans s’excuser, t’enfumer, te bloquer le passage,
peut-être prendre ta place si tu ne fais pas attention… toujours avec une
attitude désinvolte qui doit être ressentie par toi comme une marque de
puissance de celui qui met en marche toute une mécanique pour te prouver qu’il
est le plus fort, le plus beau, le plus influent…
C’est
ici un cousin du Président qui tient à se mettre bien en relief comme pour dire :
«Je vous l’ai dit, c’est grâce à moi que cette fête a lieu et ma présence est
un message fort pour dire la légitimité d’un tel rassemblement». Le trafic d’influence
dans tous états.
C’est
ici un chef de parti sans existence réelle sur l’échiquier national, et pour
qui se présente l’opportunité de «laisser comprendre» qu’il est dans son fief. C’est
là un cadre, un opérateur qui veut imposer l’idée qu’il est l’intermédiaire
incontournable pour «mobiliser», «rallier», «embrigader»… la région et ses
populations.
Au
cours de la soirée, j’ai été abordé par un homme respectable qui tenait à me
faire le reproche de ne jamais parler assez de la scène politique et de ses
occupants, surtout pour en dénoncer les incapacités. «La scène est occupée par
les plus incapables, les moins formées, les moins légitimes… c’est à vous
journalistes de jouer un rôle de régulateur pour empêcher cela…»
Je retenais de tout ce qu’il disait le caractère «frivole»
du politique et l’absence d’exigence de compétence particulière pour l’ascension
sur la scène politique. Je n’étais pas d’accord sur le rôle qu’il donnait aux
journalistes qui sont en fait une partie du problème plus qu’ils ne peuvent
jouer dans la solution. Et de prendre comme exemple, les dizaines de «journalistes»
qui, au nom d’un noble métier, arnaquent les notables à des occasions
pareilles. Il pouvait me dire que ce n’est que justice si des gens se sentent
assez coupables pour être obligés d’obtempérer aux chantages les plus
vulgaires.