C’est
suite à l’appel de plusieurs partis organisés dans une coalition qu’on appelle
désormais «AP/CAP» (AP pour Alliance patriotique comprenant Adil,
MPR et RD ; et CAP pour Coalition
pour une alternance pacifique de APP, Wiam et Sawab), que des milliers de
manifestants ont convergé cette après-midi vers la place Ibn Abbass… Assez de
gens pour galvaniser les orateurs dont les discours tournaient autour de la
nécessité de faire converger Opposition et Pouvoir vers une table de
négociations pour assurer des élections apaisées.
Le
dessein est noble et indiscutable : tout ce qui vise à ramener à la Raison
et qui peut redresser les torts des politiques, toutes tendances confondues,
est le bienvenu. Mais il y a comme une gêne dans ce que nous voyons et
entendons.
Tout
tourne autour de l’initiative du Président de l’Assemblée nationale, Messaoud
Ould Boulkheir, président aussi de l’APP. Une initiative qui a été lancée il y
a un an, un peu plus si l’on prend comme date de départ sa sortie médiatique de
mars 2012 dans laquelle il exposait son idée de faire rencontrer les principaux
protagonistes. C’était au lendemain de la conclusion officielle, quelques
semaines avant, du dialogue entre une partie de l’Opposition dont son parti et
la Majorité au pouvoir. Lui-même a été le maître d’œuvre de ce dialogue, et
interface dans sa première saison, celle qui englobait toute la Coordination de l’Opposition Démocratique
(COD).
En
effet, depuis octobre 2010, c’est bien le Président Messaoud Ould Boulkheir qui
faisait la navette entre le Président de la République et sa Majorité et les
leaders de la COD. C’est bien le constat d’échec quant à la possibilité de les
faire converger qui l’a amené, lui et ceux qui l’ont accepté (Boydiel Ould
Hoummoid du Wiam et Abdessalam Ould Horma de Sawab), à abandonner leurs
compagnons et à ouvrir un dialogue qui aura duré le temps qu’il faut pour
arriver à un accord annoncé solennellement et dont toutes les conclusions ont
fait objet de mise en œuvre, de l’aveu même de Ould Boulkheir.
Il
ne s’agit pas aujourd’hui de savoir qui a trainé dans le processus de dialogue politique,
qui est responsable de l’exclusion – en fait de la marginalisation, il peut s’agir
d’une auto-exclusion – d’une partie de la COD, encore moins s’il y a lieu d’ouvrir
un nouveau dialogue… La grande question qui demande réponse est celle-là :
pourquoi tout ce temps n’a pas suffi à
savoir si cette initiative est réellement «une
proposition de sortie de crise» (de quelle crise d’ailleurs ?) ou d’une manœuvre politicienne visant à
faire perdre le temps à tout le monde… Car n’oublions pas que la seule
échéance qui vaille est celle des futures élections vers laquelle nous avançons
inexorablement.
Nous
savons, grâce à la CENI mise en place par les partis de la Majorité et ceux de
la Coalition (AP/CAP), que les élections législatives et municipales doivent se
tenir dans la fourchette entre le 15
septembre et le 15 octobre prochains. La CENI vient de signer avec l’Office
national des statistiques (ONS) un accord en vue de l’organisation d’un recensement
à vocation électoral qui doit être lancé dans les délais légaux. Toute l’opération
électorale relève désormais de la compétence – et uniquement de la compétence –
de la CENI. Et c’est le lieu ici de se demander à quoi sert un gouvernement d’union
nationale. Surtout que les expériences, ici et ailleurs, nous indiquent qu’une
telle démarche de consensus met la démocratie en danger sans assurer la bonne
marche des choses.
Nous
avons ici souvenance de ce qu’il est advenu au lendemain de la dissolution du
gouvernement d’union nationale chargé d’organiser la présidentielle de juillet 2009 :
le refus de reconnaitre les résultats pour la plupart des acteurs, de tous à
continuer dans le même esprit de convergence. Les inimitiés politiques relèvent
ici plus du ressentiment personnel que du positionnement idéologique ou de la
vision de propositions pour l’avenir. D’où le sentiment que tous les acteurs s’accrochent
au seul aspect «gouvernement d’union»
de l’initiative de Ould Boulkheir. Un peu si le souci était de ne pas rester à
l’écart, d’être impliqué dans la gestion des affaires publiques… C’est légitime
quand on n’a jamais fait que s’acoquiner avec les pouvoirs en place. Ce qui est
le cas de la majorité de ceux qu’on entend et voit le plus.