jeudi 28 mars 2013

La déprime qu’on nous impose


Pas pire déprime que celle que notre classe politique et médiatique nous impose depuis un certain temps. Dans notre pays, il est désormais malsain de dire que «quelque chose va bien». Il est désormais très difficile pour l’un de nous de faire un raisonnement qui conduit à l’espoir de pouvoir prendre une route pouvant probablement mener quelque part.
Le «politiquement correct» est ici fait de discours entretenant l’angoisse au présent, l’incertitude pour le futur. La désespérance est en fait le facteur déterminant qui permet à certaines idéologies, à certains courants politiques, ceux qui ne sont pas vraiment porteurs de projets, de se mouvoir et d’arriver à tenir la société.
Ce n’est pas par hasard si les acteurs politiques refusent de rompre avec la virulence des propos, si des médias rompent avec la mesure et si tous cherchent à discréditer les institutions et les symboles sans respect et surtout sans recherche : on ne s’aménage pas une marge de manœuvre pour demain, parce qu’on a décidé de se lâcher en utilisant ses dernières cartouches, celles qu’on estime les plus meurtrières.
La violence des discours, l’approximation dans les propos avec notamment l’exagération de l’aspect négatif de notre réalité, expliquent largement l’état de tension actuelle. A force de rumeurs et d’analyses catastrophiques, la tristesse donc le désespoir sont entretenus par les «bienpensants». Ceux qui vivent à Nouakchott et qui ne dépassent pas les trois cents personnes… c’est déjà six mille doigts… pour manipuler un millier de claviers… et inonder le seul espace public dynamique en Mauritanie : l’Internet.
En réalité, la gestion passée a produit des agressions qui ont conduit à la destruction des espaces publics traditionnels. Le lotissement répondant toujours à la volonté intéressée des administrateurs a fini par privatiser tous les espaces publics dans les villes. Les asphyxiant encore plus et empêchant surtout la jeunesse des quartiers de trouver des lieux d’épanouissement, de rencontres et d’échanges. Où est le quartier de Nouakchott, de Nouadhibou, de Kaédi, d’Aïoun, de Néma, de Boutilimitt, de Sélibaby… où est, dans toutes nos villes, l’espace public qui permet de souffler, de sortir, de se rencontrer ? On sait que les «espaces publics» ont été attribués par les administrateurs aux plus offrants. Et quand les voisins sont assez influents pour empêcher cette «privatisation», ces espaces sont affectés pour la construction des mosquées. La seule soupape devient celle-là pour une société de plus en plus étouffée par la promiscuité.
Les organisations de la société civile qui auraient pu servir de cadre d’épanouissement, les partis, les journaux, l’internet… tout fut investi et infesté pour en chasser justement tout ce qui peut ressembler à une velléité d’épanouissement.
Les «années de braise» ne furent pas seulement terribles pour l’Unité nationale, pour l’expression politique, pour l’économie du pays, pour les valeurs…, elles le furent aussi pour le bien-être mental. Conséquence de cette gestion catastrophique : le recul de la joie qui a été fatal pour l’expression individuelle et collective du bonheur. On a fini par ne plus s’émouvoir…
Aujourd’hui, on tente de nous maintenir dans cet état d’esprit qui fait de nous des zombies. C’est pourquoi on a envie de crier à la figure de ceux qui nous dépriment tout l’espoir qu’on nourrit de voir le pays évoluer.
De voir se reconstruire les fondements qui furent à la base de l’ambitieux projet de Mauritanie. Un Etat pour tous et qui demande la participation de tous. Une société égalitaire et juste. Equitable surtout. Un citoyen libéré des jougs anciens, accompli, ambitieux pour lui-même et pour son pays, refusant l’exclusion pour lui et pour les autres, attentif aux douleurs de ses frères, solidaire avec les démunis…
C’est encore possible. C’est surtout possible actuellement. Il suffit de le vouloir pour forcer le cours de l’Histoire. Pour ce faire de redonner espoir et de renoncer à vouloir nous maintenir dans un état de désespérance qui est préjudiciable à l’existence même du pays. La conquête du pouvoir ne justifie pas qu’on travaille à l’effondrement d’un Etat.