On avance de plus en plus vers un schéma qui va mettre autour
d’une table «trois pôles politiques mauritaniens», comme ce fut le cas
en 2009 à Dakar. Avec cependant un changement d’acteurs.
Le pôle de la Majorité sera presque le même, avec l’Union
pour la République (UPR) comme chef de file et quelques nouveaux partis ayant
pu profiter de l’absence de l’opposition aux dernières élections pour faire
leur entrée sur la scène publique avec notamment des élus à l’Assemblée et dans
les mairies.
Le pôle de la Coalition pour une alternance pacifique (CAP)
est constitué des partis ayant accepté de participer au dialogue ouvert en
2011-2012 : Al Wiam de Bodyiel Ould Hoummoid (10 députés), l’Alliance
populaire progressiste (APP) de Messaoud Ould Boulkheir (7 députés) et Sawab,
le parti Baath dirigé par Abdessalam Ould Horma qui n’est malheureusement pas
représenté au Parlement.
Enfin le pôle du Forum national pour la démocratie et l’unité
(FNDU) que composent Tawaçoul, le parti islamiste arrivé en tête des partis
d’opposition lors des législatives avec seize députés, la Coordination de
l’opposition démocratique (COD) où se retrouvent les anciens partis
d’opposition (Rassemblement des forces démocratiques, l’Union des forces
progressistes…) bien entourés d’un rassemblement hétéroclite d’anciens soutiens
du régime de l’avant août 2005 et de celui de l’après.
Le FNDU vient juste de présenter, par la voie de son
président Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine, de présenter ses propositions de
dialogue au Premier ministre Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf. On ne sait pas
encore si cette rencontre, survenue la semaine dernière, sera «le début de
quelque chose» ou si l’on va revenir à la formule d’avant, celle qui
consistait pour le Premier ministre à recevoir individuellement les leaders des
partis. Les deux procédés ne pouvant aller ensemble, il va falloir rapidement
faire le choix entre l’un ou l’autre.
La CAP quant à elle semble évoluer vers l’acceptation d’un
dialogue inclusif après l’avoir publiquement refusé. La CAP a toujours
considéré que ce qui devait être dit et fait a été dit et fait, qu’il n’est pas
de leur faute si leurs amis de la COD ont raté le train.
La Majorité est poussée par la volonté personnelle du
Président de la République qui se déclare prêt à tout discuter avec
l’opposition. Tout ? Non, tout sauf de deux questions : le recul de
l’élection pour ce qu’il demande de révision des textes constitutionnels, et la
constitution d’un gouvernement d’union ou d’ouverture pour ce qu’elle parait inutile
dans un système où la CENI prend totalement en charge l’organisation et le
déroulement des scrutins. La recomposition de la CENI n’est pas à exclure dans
la mesure où elle fait l’objet d’une demande express.
Quand on prend les pôles un à un, on se rend rapidement
compte que leurs intérêts divergent à telle enseigne qu’on voit mal comment ils
pourraient se retrouver autour d’une table pour discuter d’un avenir commun.
La Majorité a tout intérêt à garder le statu quo car elle
n’est jamais sûre de faire les mêmes scores qu’elle a fait au cours des
dernières élections. Encore moins de faire le score espéré pour la
présidentielle (passage au premier tour). Il vaut mieux pour elle, tout en
déclarant sa disponibilité à faire toutes les concessions nécessaires, de
laisser le temps passer pour donner l’impression que la partie adverse fait
blocage.
Pour la CAP, laisser la COD au bord du chemin sert
certainement dans la démobilisation de ses militants et pourquoi dans leur
débauchage éventuel. En attendant, sa mise à l’écart permet d’assouvir au moins
quelques vieux ressentiments.
Pour le FNDU, la diversité des intérêts et des stratégies
déployées par les uns et les autres ne laisse pas entrevoir une communauté de
destin. Même au sein de la COD, les calculs ne paraissent nullement les mêmes.
Entre l’UFP et le RFD, pour ne citer que les partis qui pèsent, les
préoccupations sont différentes. Pour le parti de Mohamed Ould Maouloud,
l’heure est à la reprise de la ligne originelle perdue avec le boycott. Pour le
RFD de Ahmed Ould Daddah, tout doit servir à compliquer la situation en
espérant qu’un bouchon explosera quelque part. Parallèlement à ces deux grands
partis dont la position est déterminante, les groupes d’influence manœuvrent
plus ou moins ouvertement pour trouver l’occasion d’un placement.
Autre composante du FNDU qui doit avoir son agenda propre,
Tawaçoul qui n’aspire pas à présenter un candidat aux prochaines élections.
Elles importent peu pour le parti islamiste qui déclare pouvoir soutenir un
candidat unique de l’opposition, sans plus. Que le boycott soit ou non décidé,
cela importe peu.
Et comme, par le passé, pendant
qu’on essaye de lire, de surprendre une déclaration ici ou là, de voir une
position significative, le temps continue d’avancer. La date du 7 juin
s’approche inexorablement. Faut-il s’attendre à un remake du processus de 2013,
celui qui a vu les délégations discuter 72 heures durant, sans résultats malgré
le satisfecit affiché des deux côtés sur «l’atmosphère dans laquelle se
déroulaient les négociations» ? à quoi sert une «bonne atmosphère»
si elle ne permet pas d’avancer d’un pas ?