L’affaire
dont on ne sait encore ni les tenants ni les aboutissants a pris une dimension
politique avec le limogeage de Cissé Mint Boyde jusque-là ministre de la
culture et des sports. Rappel.
Depuis
72 heures, le microcosme nouakchottois est pris de frénésie suite à l’arrestation
de trois personnes qui sont : le mari de la ministre, un jeune officier de
la Marine, le président de la Commission des marchés du département de la
culture et un entrepreneur, directeur d’une société qui avait bénéficié du
marché de la construction du stade de Nouadhibou. Tout le monde a lié ces
interpellations à ce marché et à son processus. Et chaque jour qui passe nous
permet d’en savoir un peu plus, surtout que l’affaire a pris cette ampleur
politique qui a conduit au limogeage d’un membre du gouvernement.
En
mars dernier, la ministre de la culture aurait été avertie par le président de
la fédération nationale de foot que le marché de construction du stade de
Nouadhibou a été octroyé à une société qui a produit de faux documents. Elle écrit
au Premier ministère pour signaler la fraude et demander l’enclenchement d’une
procédure d’annulation. Naturellement, c’est le ministère de l’urbanisme qui
est saisi par le cabinet. Lui-même demande à l’autorité compétente en la
matière, l’Autorité de régulation des marchés, de faire le nécessaire. Tout ça
se déroule en avril-mai. Et dans les règles.
Dans
une première étape, l’Autorité se contente d’exiger les originaux des documents
présentés par la société pour répondre à la problématique de l’expérience «spécifique», celle qui a été réalisée
dans le domaine du marché. Pour répondre à cette exigence, la société avait
fait appel à une entreprise sénégalaise qui a produit photos et certificats de
construction de différents stades dans la région. Le concurrent immédiat avait
réussi à avoir les preuves qu’il s’agissait de faux documents et avait donc
porté plainte. D’abord de façon informel, ensuite formel en suivant les
procédures.
D’étape
à étape, on arrive enfin à l’annulation du marché. Un marché qui, je vous l’ai
dit dans le posting précédent, relève du ministère de l’urbanisme et est
octroyé par la commission des marchés couvrant «les infrastructures». Un marché dont le rejet a été provoqué par
une lettre du secrétaire général du ministère de l’urbanisme. Donc rien à voir
avec la culture et les sports.
Pourtant,
dès les premières interpellations, c’est bien la ministre de la culture et des
sports qui est visée. Puis, c’est elle qui écope de la sentence la plus extrême :
le limogeage. Si les prisonniers doivent (et peuvent) s’expliquer devant les
enquêteurs, Cissé Mint Boyde n’a fait l’objet d’aucune enquête, d’aucune
sollicitation pour comprendre… et d’ailleurs comprend-on ce qui lui arrive ?
sait-on seulement la réalité de ce qu’on lui reproche ?
Ce
ne peut être la question du marché de Nouadhibou, parce qu’elle n’a rien à voir
là-dedans et parce qu’elle est la première à avoir soulevé l’anomalie. On ne
peut non plus croire que des entrepreneurs mauritaniens soient assez naïfs pour
tenter de corrompre quelqu’un qui n’a pas autorité en matière d’octroi du
marché : Cissé Mint Boyde n’est ni le ministre de l’urbanisme, ni la
commission des infrastructures, encore moins l’Autorité de régulation qui a
mission de contrôler la régularité de l’adjucation. Par ailleurs, si le marché
de construction du stade de Nouadhibou est réellement l’objet de l’affaire,
pourquoi l’enquête n’a pas touché l’un des responsables du processus suivi par
le marché ?
Conclusion :
soit il y a autre chose que les autorités doivent devoir expliquer maintenant
que l’affaire a pris une tournure politique, soit il n’y a rien du tout… en
tout cas la version servie jusqu’à présent par les média – les mêmes finalement
qui nous imposent la culture de la rumeur -, cette version manque de sérieux
pour convaincre.