C’est
en lisant une interview accordée par Jean-Christophe Rufin à un site
électronique étranger que je suis tombé sur cette information : «La
Mauritanie est aujourd’hui le porte-avion français dans cette région. La base d’Atar,
à l’ouest du territoire, qui concentre l’essentiel de notre aviation dans la
zone a rapidement constitué une alternative par rapport à la base de Dakar. Elle
a l’avantage d’être dans une partie reculée à l’abri de l’opinion publique».
Ce
bout d’information argumente le jugement de ce grand spécialiste de la région, spécialiste
pour avoir exercé dans certains pays comme le Sénégal, avoir écrit un roman qui
a eu un succès autour de la thématique du Jihadisme et avoir joué un rôle de
premier plan dans les pourparlers qui ont donné l’Accord de Dakar entre les
protagonistes de la vie politique en Mauritanie. Pour être aussi médecin, historien,
écrivain, diplomate et académicien.
Mais
ce bout d’information qui fonde tout ce qui a été dit sur les rapports
entre pouvoirs sahéliens – et notamment mauritanien – et la France de François
Hollande, ce bout d’information est faux du début à la fin. Rien n’est
vrai dans ce qui est dit ici avec autant de désinvolture et d’assurance
en même temps.
Atar
n’est pas à l’ouest de la Mauritanie, mais au nord-est, au nord si l’on veut
être plus précis. Elle n’a jamais concentré une aviation française pour
constituer une alternative à une quelconque base aérienne pour la France,
à plus forte raison celle de Dakar. L’aéroport d’Atar est situé dans la ville
et n’est donc pas une partie reculée à l’abri de l’opinion publique. Le mouvement
des avions se limite à quelques rotations d’avions de combat Tucano achetés
dernièrement au Brésil par la Mauritanie, ou encore à des arrivées et départs d’avions
de type CESSNA appartenant à l’Armée de l’Air mauritanienne. Dans les périodes
de formation des élèves officiers de l’Académie de l’Air d’Atar, ce mouvement
est un peu plus intense que la normal. Sinon, le rythme doit être celui de
trois à quatre rotations par semaine, sauf cas exceptionnel. On ne peut rien
cacher de ce qui existe sur cet aéroport, du reste très ouvert sur son
environnement. Alors la Mauritanie ne peut pas être le porte-avion français
dans cette région.
Jean-Christophe
Rufin doit revoir sa copie et trouver d’autres arguments pour corroborer ses
thèses sur les nouvelles relations de la France à l’Afrique. Pour ce qui est de
la politique de François Hollande dans la région, pourquoi oublier les déboires
des opérations Serval, Sangaris, Barkhane… ? Notre académicien aurait
trouvé de meilleurs arguments pour stigmatiser la politique du Président
actuel.
Nous
savons que ce qu’il a écrit ici sur Atar et le rôle de la Mauritanie pour l’aviation
française est faux. Alors qu’en est-il de tout ce qu’il écrit sur les autres
pays que nous ne connaissons pas ? C’est ici la raison du dépit, parce qu’on
a toujours lu Son Excellence avec intérêt, on a souvent adopté ses explications
sans réserves. Et maintenant ?
Par ailleurs, ces affirmations venant d’un spécialiste
peuvent bien justifier le ciblage d’Atar et de son aéroport par les groupes
jihadistes qui écument dans le Mali voisin. N’est-ce pas là une sorte d’excitation
de ces illuminés qui s’attaquent à tout ce qui peut relever des intérêts
français à leurs yeux ?