C’est finalement l’Armée qui a fait la différence en se
rangeant du côté de la rue. Du coup l’opération de démantèlement de la
confrérie des Frères Musulmans a commencé. Et avec elle une nouvelle ère dans
la transition politique ouverte par la révolution du 25 janvier 2011.
Pourtant, les Frères Musulmans avaient tout fait pour verrouiller
les portes de l’accès au pouvoir. Allant jusqu’à démettre les chefs militaires
qui ont accepté de leur remettre le pouvoir après une élection plus ou moins
libre et transparente. Pour les remplacer par de jeunes officiers supérieurs d’obédience
islamiste. Mais quand est venu le moment crucial, l’Armée a fait son choix en
demandant au Président élu, Mohamed Morsi, de dégager. Au-delà de l’évènement
que nous suivons tous à travers les média internationaux et les plus brillants
commentateurs, je crois qu’il ya lieu de soulever quelques remarques.
La première est liée à la révolution elle-même, une
révolution dont l’aboutissement ne pouvait pas être celui-là : le passage
d’un autoritarisme à un autre pour revenir à celui de départ.
La seconde est liée au parrainage de cette révolution
fortement soutenue à partir du Qatar. Avec l’engagement de la machine de
propagande qu’a fini par être Al Jazeera et le prédicateur Youssouf Al
Qaradawi, en plus du soutien politique de l’ancienne équipe. Le changement à la
tête de l’Etat du Qatar a son rôle dans le développement du processus égyptien.
La troisième est liée à la situation en Syrie devenue
insoutenable pour les opinions publiques arabes qui y voient la volonté de
détruire ce qui reste de la Résistance face à l’Etat hébreux.
La quatrième remarque découle de celle-ci : la
deuxième révolution égyptienne devrait marquer le renouveau du nationalisme
arabe : les photos du chef des Armées côtoyaient celles de Abdel Nasser.
Pour résumer, je dirai que nous assistons au retour de
manivelle contre les manipulateurs des révolutions. Le zèle et l’excès de
confiance dans le poids politique ont leurré les Islamistes qui ont vite oublié
l’exigence d’un résultat et au plus vite. Ils ont continué à vouloir installer
l’Egypte dans un cycle d’instabilité, de promesses imprécises, de futurs
fuyants… cela s’est retourné contre eux.
Comme chez nous, la classe politique traditionnelle n’a pas
compris que les changements «techniques» - changements des têtes des
systèmes – signifiaient l’ouverture d’une ère de transition qu’il faut
accompagner pour la faire aboutir un jour à quelque chose de viable,
démocratiquement parlant. Ils ont voulu tout et tout de suite.
Une deuxième erreur largement partagée ici et ailleurs :
le mépris du rôle des militaires. Il est facile de contester le rôle de l’Armée
dans nos sociétés émiettées et fracturées, mais il est difficile de ne pas
payer le prix de cette attitude.
C’est le lieu ici de repenser à cette société
arabo-musulmane qui n’a jamais connu la dévolution pacifique du pouvoir et où la
demande despotique est encore très prononcée. De se poser la question :
quelle démocratie pour nous ? et comment travailler pour y arriver ?