vendredi 1 juin 2012

Fausses colères


Comme nombre d’entre vous, j’ai entendu la confrontation verbale – on ne peut pas appeler cela un débat – entre le Bâtonnier de l’Ordre National des Avocats (ONA), Me Ahmed Salem Ould Bouhoubeyni et le président de la Haute Cour de Justice, le député Sidi Mohamed Ould Maham (jeudi soir sur MFM). Comme nombre d’entre vous, j’ai déploré que des confrères du Barreau et du niveau de ceux-là, en arrivent là.
Comme nombre d’entre vous, j’ai craint qu’au sortir de l’émission les intéressés ne passent à l’action, l’un agressant l’autre. En fait, il ne leur restait que ça. J’ai oublié que les querelles de chez nous sont plus une sorte de faire-valoir qui se concrétise rarement. Heureusement d’ailleurs.
Comme tous les politiciens, les deux confrères sont sortis plutôt en bons termes. Nous est resté quant à nous toute la charge affective et émotionnelle qu’ils ont réussi à exciter en nous. N’est-ce pas ce qui est recherché ?
Quand je vois les députés de l’Assemblée nationale s’interpeller violemment, ou les leaders politiques s’invectiver sans retenue, je guette toujours le moment où ils redeviendront eux-mêmes et où ils traiteront sans véritable animosité, loin des regards. C’est à ce moment-là – un moment qui finit toujours par arriver – que je me dis que tout ça n’est pas sérieux. Que l’objectif unique est de nous faire monter l’adrénaline, à nous grand public, d’exciter en nous le capital de violence et donc de faire exploser les derniers ressorts de calme. Chacun de nous réagissant suivant ses relents les plus dominants (suivant le positionnement politique, la passion pour l’engagement qu’on a, l’appartenance ethnique ou tribale, les affinités sociales ou historiques…).
Une manière de plus de nous embrigader pour nous mener sur des champs de bataille qui ne sont pas forcément les nôtres. Parce que les «haines» affichées – exprimées parfois – sont feintes. Et si elles existent, elles ont toujours des raisons inavouables (et inavouées). Des raisons qui ne peuvent concerner que l’individu lui-même et pour lesquelles il est prêt – tôt ou tard – à marchander. C’est pourquoi nos protagonistes se ménagent toujours une marge de manœuvre pour se reprendre le moment venu. Cela fait partie des caractères cultivés dans notre société…
«Le président de la Haute Cour de Justice a refusé d’être ce qu’il devait être. Le Bâtonnier a aussi refusé d’être ce qu’il est». C’est, pour résumer, le bon commentaire d’un de mes confrères qui a eu la patience d’écouter jusqu’au bout le face-à-face de l’autre jour.