La
Coordination de l’opposition démocratique (COD) a organisé une marche suivie
d’un meeting… on va dire «qui a pris du temps», un meeting qui a duré le temps
nécessaire pour permettre à tous les leaders et chefs de partis de dire ce
qu’ils avaient envie à dire, pour permettre que tout soit dit. Sans
discernement parfois, sans retenue souvent. Toute la nuit. Entre deux heures et
trois heures du matin et après concertation, les chefs de la COD ont décidé de
se retirer sans confrontation. La semaine d’avant ils avaient été «surpris» par
l’offensive policière et préféré vider les lieux sans se battre.
Les
explications données sont (très) recevables : en fait c’est pour éviter à
la Mauritanie les dérives et les affrontements inutiles. Noblesse d’esprit à
louer d’autant plus que tous les leaders ont répété cette explication des
faits. Mais pourquoi ne pas avoir le même souci avant même d’enclencher le
processus qu’on voulait déterminant pour le départ du pouvoir de Ould Abdel
Aziz ? C’est là où l’opposition pèche.
Le
«dégage» de Tunisiens – parce que c’est lui que nous empruntons – n’a pas fait
partie des slogans des premiers jours. Si l’on considère que la «révolution
tunisienne» - insurrection populaire qui a abouti à faire partie la tête du
système – a duré un mois (du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2012), on peut dire
que le slogan «dégage» a été le leitmotiv des dernières 72 heures. On a
commencé par des revendications de changement, d’amélioration, de pluralisme,
de justice… et devant l’entêtement du régime qui n’a pas hésité à tuer pour
réprimer, on est passé à la vitesse supérieure. Même démarche en Egypte…
Ici,
les partis de la COD sont passés du stade de l’opposition «conciliante» ou
«bienveillante» ou encore «constructive», vers le slogan «dégage». Trois qualificatifs
pour utiliser une situation où les partis s’empressaient à rompre le processus
du rejet du pouvoir issu des élections de juillet 2009, pour chercher à
s’acoquiner avec lui plus ou moins franchement.
Si
ces partis ont pour la plupart refusé de reconnaitre les résultats de juillet
2009, on a vu leurs leaders autour du Président Ould Abdel Aziz de juillet à
décembre 2010. On les a entendus reconnaitre sa légitimité (et ou sa légalité),
engager avec lui un rapprochement très rapide. Avant de les voir à nouveau
virer pour aller le plus loin possible… et aboutir, dès les premières
hésitations de la révolution, au slogan «dégage»…
Certains
parmi les acteurs souhaitent voir le dialogue reprendre pour inclure ceux de la
COD. Tous ceux qui l’ont exprimé appartiennent à des formations qui ne font pas
partie du regroupement de l’opposition. Celle-ci ne l’a pas exprimé, d’aucune
manière. Et si l’on s’en tient à ce slogan «dégage», la perspective d’une
participation à un nouveau dialogue n’est pas envisageable. Ce n’est pas pour autant qu’il faille rester à
attendre de voir les protagonistes s’user sans faire quelque chose qui puisse
faire avancer la situation.
Première
urgence, mettre en pratique les lois fruits de l’accord entre les partis ayant
accepté de participer au processus de dialogue de 2011. Mettre en place, et au
plus vite, la Commission électorale indépendante consensuelle. Cette mise en
place de la CENI permettra de déplacer le débat vers la participation ou non
aux élections futures. A la place du slogan «dégage» qui bloque la situation
politique aujourd’hui, il faut espérer une dynamique de discussions autour des garanties
données sur la régularité des élections pour permettre une grande
participation. Cette dynamique participera à désamorcer la tension entretenue
actuellement en ouvrant des horizons devant les opérateurs politiques.
En
attendant des mesures concrètes qui participeraient à l’apaisement de la scène,
profitons de l’accalmie, résultat de la fin heureuse du meeting d’hier.