Encore
une fois je me retrouve sur la route du Tagant. Avec des amis, cette fois. Et comme
chaque fois, je commence à guetter les lointaines silhouettes des plateaux qui
apparaissent et disparaissent au gré des aléas de la pollution ambiante. Je m’imagine
Wul El Gaçri, revenant à son Tagant originel, celui de ses origines et qui le
voit alors qu’il lui restait encore du chemin à faire pour venir jusqu’à cette
terre «dont la beauté ne ressemble à nulle autre». Je me perds en essayant de m’imaginer
les conditions de vie de l’époque, les difficultés de se déplacer debout en
bout d’un territoire qui a su pourtant préserver les liens malgré tous les
éloignements (géographiques, linguistiques, sociologiques…).
Comment
faisaient nos ancêtres ? Eux qui n’avaient pas les routes bitumées, les
voitures, l’eau en bouteille, les thermos, le GPS, le téléphone, le tissu en
quantité…, comment faisaient-ils pour vivre ? Ils ne vivaient pas
seulement, mais ils étaient en plus heureux de vivre. Peut-on dire ça de nous
aujourd’hui, alors que nous trimons, nous nous plaignons de tout et de tous,
alors qu’il nous faut l’aisance pour voyager, alors que nous avons tout pour
nous faciliter la vie…
Est-ce
que, si les Européens n’étaient pas arrivés jusque-nous, nous serions allés
jusqu’à eux ? Est-ce que la voiture, l’ordinateur, le GPS, la pénicilline,
la radio, la télévision, le climatiseur, le téléphone… est-ce que tout ce qui
fait «aisance» aujourd’hui et qui fait qu’on est différent de nos ancêtres,
est-ce que tout cela était sur la route qu’on prenait ? Mais aussi, est-ce
que nous aurions eu besoin d’avoir tout ça, et si oui comment aurions-nous pu l’inventer ?
Ils
sont stupides ceux qui ne croient pas à un destin humain universel. Par des
réflexions pareilles, l’on se rend compte que tout le questionnement autour de
la civilisation de l’Universel avait du sens. Quand en terminale, nos enseignants
nous obligeaient d’aborder la question des heures et des heures pour en
dessiner les contours dans les petites têtes qui étaient les nôtres, ce n’était
pas un luxe, c’était une nécessité…
Savez-vous
que l’enseignement de philosophie dans nos établissements scolaires a été
déprécié, qu’il a même disparu pour un moment ? Comment créer chez nos
adolescents ce besoin de se poser des questions pour ne pas en rester à l’attitude
d’ingurgiter tout ce qu’on vous présente ? Comment construire un esprit
critique ? Comment encourager la réflexion et l’autonomie de la pensée ?
C’est
certainement l’enseignement de philosophie dans les lycées qui avait permis aux
générations qui sont les miennes et à celles qui en ont bénéficié en général, d’être
moins attentistes quand il s’agit de la compréhension du monde, moins indulgent
quand il s’agit de recevoir les explications qu’on offre pour expliquer et justifier
les misères du monde…
Comment réhabiliter la philosophie dans le système
scolaire mauritanien ? Une question que je pose au moment où démarrent les
consultations locales sur les Etats généraux de l’éducation.
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