C’est une histoire qui m’a été racontée par un
ami récemment. L’Emir Ahmed Ledeid Ould Sidi, le résistant que l’Histoire a
retenu come le héros de Legweyshishi un certain 28 novembre 1908 et dont la
date a été choisie par les premiers bâtisseurs du pays comme jour
d’indépendance, cet Emir fut atteint d’une forte fièvre que médecins
traditionnels et marabouts détenteurs des secrets cabalistiques n’ont pu
guérir. Un accès palustre très probablement qui semblait venir à bout de ce
guerrier intrépide, de ce résistant hors norme… Autour de lui s’étaient
rassemblés tous les proches, espérant que les invocations communes pouvaient
aider à conjurer le sort qui frappait inexorablement…
Un jour, vint au campement Mohamed Ould Ngdhey,
ce grand griot qui a marqué son époque plus connu sous le nom de «La’war» (le
borgne). Grand poète aussi, Ould Ngdhey demanda à prendre la place du marabout
qui s’était confortablement installé au niveau de la tête de l’Emir, pour mieux
lui servir les incantations et autres formules consacrées pour guérir. Et comme
on ne pouvait rien refuser à Ould Ngdhey, il s’assit près de l’Emir et
s’inclina vers sa tête, comme pour lui dire quelque chose à part. L’Emir
s’étira et murmura. C’était la première fois qu’il réagissait depuis qu’il
avait eu cette fièvre. Il ne tarda pas à demander à boire pour émerger de sa
longue absence…
Tous étaient curieux de savoir quelle
incantation avait guéri l’Emir, quel secret avait dit Ould Ngdhey, quelle
formule… Mais Ould Ngdhey déclara qu’il ne livrera son secret que sur ordre de
son Emir. Et quand tout redevint normal, quand l’Emir recommença à marcher et à
discuter, il demanda publiquement à Ould Ngdhey de dire ce qu’il avait murmuré
à son oreil.
«mighwaasak yalli baasht assma’
yasaghnaay illi yantq ibshi
yahmad Liddayd yammaakr itma’
yalli ilaa mshayt blaa imilshi
aji’lu yaa rabbi himt isba’
yithaawug u yitmaqat u yimshi»
(Que ta maladie, ô seigneur de la notoriété/toi
qui enrichis tout celui qui parle/toi Ahmed Leddeid trésor du quémandeur/toi
qui n’a pas d’égal/…soit la fièvre du lion, il baille, s’étire et s’en va)
Cette traduction est approximative.
Depuis, l’on croit, dans le sud-ouest, que
l’art a ses vertus. Notamment celle de guérir. Encore faut-il que ceux qui
l’entendent soient au niveau de l’apprécier.