Il
y a des habitudes qui sont ancrées et qui sont vieilles comme le temps. Par exemple
cette tendance chez les nôtres de changer de camp et d’appréciations «quand il le faut», elle est vieille.
Il
ya longtemps, très longtemps, l’un des Emirats de cet espace qui deviendra la
Mauritanie, connut un vide dans l’exercice du pouvoir : la prétention d’une
famille forte mais n’ayant pas la légitimité nécessaire, bloqua la succession. Chaque
jour, les Shuyukhs (Sages) de la Jemaa traditionnelle se réunissaient pour
trouver un consensus et légitimer cette prétention qui ne pouvait être contrée
pour le moment. Mais chaque fois que la réunion commençait, le même monsieur se
levait pour dire qu’il n’était «pas
question de donner le pouvoir à (untel),
parce qu’il n’est pas le plus indiqué : ni son statut dans la famille, ni
son sens du courage, encore moins sa geste ou sa prestance… rien ne le
prédispose à diriger notre communauté…»
Chaque
fois que ce qui est dit est dit, une gêne clouait les présents. Puis il se
trouvait toujours l’un d’eux qui proposait de lever la séance pour le
lendemain.
Au
quatrième jour des conciliabules – qui n’en étaient pas d’ailleurs -, la même
scène arriva. Mais rentré chez lui, le candidat à la chefferie choisit l’une
des plus belles juments de son écurie, les plus beaux et les plus complets de
ses harnachements, un fusil et une bandoulière pleine de munitions et
accompagna le tout de deux boubous, l’un blanc et l’autre bleu. Quand la «grande nuit» tomba et que personne ne
bougea plus, il amena le tout devant la tente du guerrier contestataire de sa
chefferie. Il le réveilla et lui dit : «c’est pour toi». Aucun mot de plus.
Le
lendemain, notre homme porta les boubous offerts, enfourcha la jument et prit
le fusil sur l’épaule. La Jemaa se retrouva pour discuter de la problématique
de la chefferie : à qui devait-elle revenir ? Comme d’habitude, c’est
le même qui prit la parole le premier : «Qui peut prétendre à nous guider en ces moments difficiles ? C’est
seulement celui qui se trouve être le plus courageux d’entre nous, le plus
téméraire, le plus juste, le plus noble, le plus digne, le plus prodigue, le
plus craint… il n’y en n’a pas deux. Seul (untel) peut nous guider en ces temps incertains où l’on a besoin de vrais
hommes…»
Quelqu’un
parmi les présents réfléchissant sans doute en haut : «mais ce ne sont pas tes paroles d’hier !».
et notre guerrier de répliquer : «ce
ne sont pas non plus mes boubous d’hier, ni ma jument d’hier, ni mon fusil…»
Morale :
le tlah-liih n’est pas d’aujourd’hui…