La
Oumra «officielle» est décidée pour la même soirée, vers 9 :30 heure
locale. Nous choisissons de la faire à part, jugeant que les officiels sont
toujours pressés par le protocole. Alors que le moment demande une grande présence,
une concentration exceptionnelle et une attention toute particulière. On a la
chance d’être là, on ne doit pas être pressé d’en finir. Tout le plaisir est
pour soi. Parce qu’il y a un réel plaisir à accomplir un devoir religieux aussi
significatif pour nous autres musulmans.
Le
fait de côtoyer des milliers de personnes, de voir s’agglutiner les millions
autour d’un monument de la taille d’une chambre, d’entendre toutes les langues
de la planète, de voir toutes les couleurs, tous les genres humains ici réunis,
comme «happés» par on ne sait quel courant invisible, tout cela relève du
miracle.
Viennent
toujours à l’esprit les prières du Prophète Ibrahim (Abraham) quand,
abandonnant les siens dans ce désert, ou quand élevant les fondations avec son
fils du monument qui allait devenir… la Mecque des Musulmans, il suppliait
Allah, le Dieu Unique, de bénir ces lieux, de fournir à leurs habitants biens
et grandeur et d’en faire une destinée pour les croyants. C’est fait. Là se
trouve le secret trésor de ces contrées.
Aujourd’hui
le pétrole permet de répondre aux demandes pour entretenir les Lieux Saints. Et
il faut dire que des dépenses énormes sont faites chaque année pour rendre plus
faciles les processions et pour permettre aux croyants d’accomplir les rituels
sans trop de difficultés. Il est difficile de répondre aux attentes de trois
millions de personnes qui convergent en même temps vers un même lieu. Mais tout
est fait cependant pour y arriver.
C’est
la Nuit du Destin, le lendemain de notre arrivée que je décide ma Oumra. Avec Abderrahmane
Ould Mini, nous nous dirigeons vers la mosquée Aïcha à la sortie de la ville, c’est
le Miqaat de ceux qui se trouvent déjà à La Mecque. Un parcours de combattant. Heureusement
que je suis en compagnie d’un combattant, celui qui a été le vrai cavalier du 8
juin 2003. Sans Ould Mini, il n’y aurait jamais eu de 8 juin 2003, ce sont les
chars et les hommes sous son commandement qui ont semé la panique dans tout
Nouakchott. Sans lui aussi, les dégâts auraient été beaucoup plus importants en
août 2004 quand les Cavaliers tentaient leur deuxième chance en introduisant
des armes et des explosifs dans la ville. Il avait choisi d’occuper les
services en leur livrant les cachettes au lieu de les laisser à la merci des
vandales dans les quartiers populaires. Ce n’est pas le moment d’en parler,
mais j’ai toujours soutenu – depuis juin 2003 – que ce mouvement n’a pas livré
ses secrets.
Nous
sommes dans des moments de grande dévotion, mais cela ne nous empêche pas de «digresser».
Mais toutes les digressions n’amèneront jamais Abderrahmane à abandonner cette
humilité qui le distingue déjà de ses compagnons d’armes qui cherchent chacun à
tirer la couverture à lui en se donnant le meilleur rôle… Passons.
Nous
avons la chance, Abderrahmane et moi, de prendre «l’allée des travailleurs de
Ben Laden». Il s’agit d’une route taillée dans la montagne qui entoure le Haram
(Mosquée autour de la Kaaba). Nous sommes dirigés par un cordon sécuritaire
vers la Kaaba. Nous accomplissons nos sept tours tranquillement avant d’aller
compléter le parcours entre Safaa et Marwa. Nous prenons le temps de faire
toutes les prières, de penser à nos proches, parents amis, compatriotes, à
aller au-delà du particulier pour l’ensemble de la communauté. On a la chance d’avoir
le temps pour accomplir les rites selon les prescriptions, tout en y mettant la
dévotion dont on peut être capable.
Il
me prend à témoin pour ses prières pour Messaoud Ould Boulkheir qui lui a
permis de faire ce voyage et pour lequel il implore la bénédiction du
Tout-Puissant. Je le prends à témoin pour la pensée aux miens, pour le pardon à
tous ceux qui m’ont fait mal dans ma vie, à tort ou à raison. C’est un moment
de vérité et d’abnégation qui vous illumine quand vous sentez que vous vous
êtes acquittés et bien acquittés de votre devoir envers votre Seigneur.
Sur
le chemin du retour vers Nouakchott, nous passons par Médine, la ville du Prophète
Mohammad (PSL). Tout respire ici la tranquillité et l’abnégation. Quand on est
à La Mecque on est frappé de plein par la Toute-Puissance divine, on est écrasé
telle ment l’on sent l’insignifiance de notre humaine condition. A Médine, on
sent la clémence : on est en présence de celui dont on espère l’intercession
le jour du jugement dernier. Ce sentiment vous accompagne dès que vous venez à
Médine. Il ne vous quitte pas. Et il fait votre bonheur d’être là.
Que
Dieu nous protège.