On raconte que quand feu Hammam avait fini son fameux
livre-encyclopédie sur la Mauritanie, il avait présenté le produit en première
lecture à un groupe d’amis qui parurent offusqués en voyant la photo qui
illustrait la partie consacrée à l’éminent poète de tous les temps, Mohamed Wul
Ebnou Wul Hmeyden. Il avait choisi de mettre l’image d’un homme sombre dont les
cheveux en boucles cachaient mal la calvitie qui s’annonçait déjà, et dont le
nes, légèrement épaté rompait l’harmonie d’un visage émacié. Le contraire de
Wul Ebnou Wul Hmeyden décrit par ses contemporains comme un homme d’une haute
stature, plutôt élancé, le visage ouvert et large, les yeux vifs… tout ce qui
lui donnait cette prestance qu’il dégageait à mille pas.
A la vue de la photo choisie, les amis de Hammam s’empressèrent de
le critiquer : «Pourquoi as-tu choisi cette photo, alors que tu sais
qu’il ne s’agit pas de notre ami Mohamed ? comment as-tu osé ?».
Impassible, le génial Hammam qui maitrisait parfaitement le sens de la répartie
répondit : «Pauvres de vous ! Dans vingt, trente ans, vous serez
tous morts, tous ceux qui ont connu Mohamed Wul Ebnou seront morts. Alors cette
photo sera incontestablement celle de Wul Ebnou Wul Hmeyden, celui que nous
avons tous connu autrement. C’est l’Histoire et c’est comme ça que vous les Marabouts
lettrés vous la faites… Dans vingt, trente ans vous ne serez plus là pour dire
qu’il ne s’agit pas de cet homme…»
Cette leçon d’un précurseur visionnaire comme Hammam peut nous
servir aujourd’hui à comprendre que le silence devant ce qui s’écrit et se dit
est dangereux quand on sait qu’il est excessif, voire faux. J’ai soif de savoir
quelle réaction officielle à la suite de ce reportage tendancieux et stupide de
la chaine américaine Fox-News. L’ambassade mauritanienne a-t-elle réagi et
comment ?
Dans quelques années, un chercheur tombera sur ce documentaire
qu’il prendra pour sérieux. Il croira alors que Boko Haram est une création de
la Mauritanie et que l’organisation est dirigée par l’ancien président Moawiya
Ould Taya. Que les combattants d’Al Qaeda au Maghreb Islamique sont formés et
entrainés dans le paisible village de Maata Moulana, un havre de paix et de
sublimation de soi. Que le peuple mauritanien couve et couvre les organisations
jihadistes de la région.
Alors que Boko Haram est une secte nigériane qui
n’a rien à voir avec la Mauritanie. Qu’AQMI est responsable de crimes odieux
sur le territoire mauritanien. Que le peuple mauritanien rejette naturellement
toute violence faite au nom de la religion.