C’est,
nous l’espérons, la fin d’un processus en Tunisie et le début d’un autre. Le
processus qui doit nécessairement finir est celui de la révolution et de ses
convulsions. Celui qui doit commencer est celui de la stabilisation et de la
refondation de l’Etat de droit.
Depuis
cet acte d’immolation qui a déclenché les soulèvements populaires de décembre
2010 à janvier 2011, depuis ce temps, bien des secousses ont failli perturber
la marche de la Tunisie vers la démocratie. Mais deux atouts au moins allaient
éviter au pays de sombrer : les acquis du Bourguibisme (de Habib
Bourguiba, le premier Président de la Tunisie indépendante) qui vont de la
scolarisation à l’émancipation des femmes en passant par le développement d’une
société civile active surtout d’un mouvement ouvrier dynamique ; et le
sens de la mesure adoptée par les Islamistes modérés au lendemain de la chute
de Ben Ali, en refusant de chercher à accaparer le pouvoir à eux seuls, les Islamistes
de Ennahda ont donné une chance à la démocratie en Tunisie.
Au
deuxième tour d’une élection présidentielle pluraliste chaudement disputée,
deux hommes s’affrontent : Béji Caid Essebsi, 88 ans, ancien premier
ministre, homme ayant appartenu à tous les régimes, et Moncef Marzouki,
Président sortant, ayant appartenu à l’opposition à Ben Ali. Le premier est un
peu le candidat de l’expérience, celui qui rassure les Tunisiens quant à la
méthode de gouvernement pour le futur. Le second se présente comme le candidat
du renouveau de la Tunisie pour ce qu’il symbolise en termes d’opposition à
l’ancien régime.
Le
premier défi pour les deux hommes est d’être capables d’accepter le verdict des
urnes. Il est demandé au gagnant d’aller au-delà des dérives verbales de la
campagne électorale, de rassurer, de s’imposer comme le Président de tous les
Tunisiens, d’éviter de confirmer l’image régionaliste qu’a donnée la campagne,
de s’approprier les avancées faites pendant la longue transition et de se
rappeler que le danger de l’extrémisme frappe déjà son pays.
Pour
le perdant, il s’agira d’accompagner le Destin qui se dessine pour la Tunisie
en imposant un système de veille démocratique. Le retour de la bête n’est
jamais à exclure dans nos pays qui sont fragiles et peuvent à tout moment
basculer dans le chaos.
Dans
nos pays, le péché originel des acteurs politiques a été de ne jamais
considérer que la démocratie est le fruit d’un long cheminement, d’une longue
transition, d’une grande accumulation qui se fait le temps… qui se fait à
travers heurts, échanges… un foisonnement qui fait pointer une lueur à
l’horizon jusque-là assombri.
Le
cheminement démocratique est une recherche constante de l’établissement d’un
système de valeurs à même d’assurer une meilleure utilisation des ressources
dans l’intérêt général des populations, une sorte de rénovation de l’Etat qui
devient effectivement celui de tout le monde, l’Etat qui émancipe, qui
contribue au bonheur de chacun et de tous, qui assure l’égalité, la justice,
l’équité…