«Thelatun tajli ‘ani ilqalbi il hazen :
El ma u wal khadra u wal wajhu il hasen»
Depuis tout temps, le paradis des nomades que nous sommes
commence par la verdure, le mélange avec l’eau pour s’accomplir par la beauté
des visages.
Les gens du désert ne demandent pas beaucoup, n’exigent
rien quand la nature est clémente. Quand la pluie est au rendez-vous, quand le
sol est couvert de verdure, quand les arbres reprennent leurs couleurs… Nous n’avons
pas besoin ici des fleurs qui éclosent, juste que l’herbe verdoie.
La saison d’hivernage, si elle est riche, participe à l’apaisement
des ressentiments, à l’étouffement de rancœurs, à l’ouverture des esprits. Le moment
n’est pas aux confrontations, aux diatribes… «elkheyr ekheyr mne ehlou»…
le bien est bien mieux que ses détenteurs… littéralement. En d’autres termes, la
prospérité arrive à bout de tous les égoïsmes. C’est forcément le moment du
partage : le mieux pourvu pensant obligatoirement au prochain qui n’a pas
les moyens. Cela se traduit par «lemniha», une sorte de prêt de bête de
traite pendant la période de traite. Tout un chacun est disposé à offrir une
partie de ce qu’il a, parfois tout ce qu’il a pour satisfaire le désir de l’autre,
étancher sa soif, calmer sa fin.
Pour les gens de la ville – surtout une ville comme
Nouakchott – de fuir la promiscuité, la cupidité, l’égoïsme, l’urgence
diabolique… fuir tout ce qui stresse et déséquilibre. Les Nouakchottois sont
les premiers à quitter la ville qui les rend fousla ville qui entraine le pays
dans sa folie.
Imaginons – acceptons plutôt – que 99% des discours
violents, des lectures pessimistes de notre présent, des attitudes nihilistes,
des positions irréfléchies, des haines irraisonnées exprimées çà et là… que 99%
de ce qui inquiète est diffusée à partir de Nouakchott, dans le quartier de la
capitale, l’ancien Nouakchott.
Acceptons que le commerce de la contrefaçon commence dès
les abords du marché de la capitale, qu’il essaime partout ailleurs,
transmettant maladies et intoxications.
C’est dans les salons de Nouakchott que la paresse est
cultivée, que l’humanisme est dévoyé, que la solidarité est sacrifiée… C’est
ici qu’on se plait à intoxiquer l’opinion, à partager son anxiété et son
stress, à les déverser dans les alentours en espérant fonder un changement sur
la base d’une violente et dévastatrice secousse…
Une vérité qui vaut encore plus pour les nomades que nous
sommes : «les hommes sont comme les pommes, ils pourrissent quand on
les entasse».
C’est pourquoi à Nouakchott, la pluie n’est pas synonyme de
bonheur et d’espoir. Parce qu’elle pourrit la pestilence déjà établie, corrompt
les sens pour les empêcher de savourer la réalité de la nature. La pluie à
Nouakchott, fait ressortir ce qui affleure déjà chez tout habitant de cette
ville : la pourriture.
Ailleurs, partout ailleurs en Mauritanie, la saison des
pluies est celle du bonheur.