vendredi 31 octobre 2014

Mauritanie, mon amour

«Dr Yahya Ould Mohamed Abdallahi Ould Hacen» pour les connaisseurs de gens qui doivent être connus, «Docteur Hacen» pour ceux de ma génération qui ont grandi avec ce modèle d’engagement, de professionnel et de rectitude, «Petit Hacen» pour les plus nostalgiques et les plus proches, «Yahya Hacen» pour les compagnons qui sont restés à distance, ou tout simplement «Yahya Ould Hacen» pour les officiels et pour ceux d’aujourd’hui… Tous ces noms désignent l’un des premiers médecins du pays, de la génération des rebelles invétérés, ceux qui ont mis leur savoir au service du plus faible, qui ont cru pouvoir changer le monde dans lequel ils ont vécu, le forcer à plus d’égalité, de justice, d’efficacité… La jeunesse qui fut celle de Yahya est insoupçonnable aujourd’hui que nous sommes pris par cette léthargie que font peser tous ces conservatismes sur nos consciences et nos imaginaires… A l’âge adulte, cela s’est transformé par un engagement à toujours dénoncer l’injustice, la corruption, l’incompétence. La retraite n’a fait que donner de nouvelles dimensions à cet engagement. Avec, en plus, une plus grande amertume de voir la société conserver ses cloisonnements malheureux, de voir les politiques continuer à se compromettre, de voir l’administration gérer le pays avec désinvolture et parfois irresponsabilité. Assez pour maintenir une attitude «sceptique» (pour user d’un euphémisme qui convient à ce que peut être l’attitude d’un homme de la stature de Yahya). J’ai fait ce rappel, juste pour avoir la mesure de ce qui suit.
Ce matin, Dr Yahya Hacen venait de terminer le gros du travail qui lui était confié. Il avait quitté le ministère de la santé où il avait, avec d’autres collègues dont des étrangers, une consultation sur le point d’être achevée après quelques semaines de rude labeur et d’intense réflexion. Comme d’habitude, il se proposait de déposer l’un de ses collègues à son lieu de résidence. Il avait rangé son ordinateur machinalement sur les sièges arrière du véhicule. Les routes de Nouakchott connaissaient à ce moment-là une circulation particulièrement dense.
Plongé dans les amabilités échangées avec son collègue qu’il déposa sans encombre là où il allait, Yahya arriva devant chez lui. Il s’arrêta et tendit le bras pour prendre son ordinateur… l’ordinateur avait disparu… Il revint dans les bureaux du ministère de la santé, refit son chemin, demanda à son collègue, à tous ceux qu’il a croisés en cette matinée… Rien ! l’ordinateur s’était volatilisé.
Il n’y avait pas que l’ordinateur dans le sac, mais aussi les disques durs, les documents précieux, tout ce qui constitue «la fortune» de Yahya Ould Hacen qui a toujours cru que la seule richesse qui vaille est celle qui sert les hommes dans leur entreprise de modernisation, de développement, d’émancipation, celle qui permet de préserver la dignité de l’homme : le savoir, le courage d’assumer…
En bon croyant, Yahya décida de s’en remettre à Allah – baqiya Allahu wa Kavaa -, de se reposer un moment avant de dire aux commanditaires de la consultation qu’il renonçait à la faire.
Au moment où il plongeait dans une sorte d’engourdissement qu’on pouvait confondre avec le sommeil, Yahya fut brusquement réveillé par le téléphone. Quelqu’un lui demanda s’il était bien Yahya Ould Hacen, puis s’il avait perdu quelque chose. Yahya s’empressa de lui faire l’inventaire de ce qu’il avait perdu. «Vous pouvez passer nous voir au commissariat de police de Tevraq Zeina II, l’ancien 4ème arrondissement, juste en face du PNUD…» Là, l’attendaient les éléments de l’antenne de la police judiciaire. L’ordinateur était déposé sur le bureau de leur chef qui s’empressa de l’inviter à contrôler s’il manquait quelque chose.
Malgré l’émotion du moment, Yahya demanda des explications : comment avez-vous trouvé cet ordinateur, où et avec qui ? Les policiers expliquèrent que les éléments circulant en civil avaient suivi des délinquants connus qu’ils soupçonnaient d’être sur le point d’agir. Ces délinquants ont profité de l’embouteillage et d’un moment d’inattention des occupants du véhicule pour ouvrir la portière-arrière et prendre le sac. C’est au moment où ils pensaient avoir réussi le coup un peu plus loin, que les éléments de la police les ont arrêtés. Un dernier vœu de Yahya fut exaucé par les policiers : voir les malfrats. Deux jeunes qu’il lui était difficile de trainer en prison. Il mit du temps avant d’accepter de déposer plainte : seule la plainte pouvait permettre aux policiers de les mettre hors d’état de nuire.
En rendant le précieux butin à son propriétaire, les policiers de Tevraq Zeina venaient de provoquer un sentiment d’amour profond pour ce pays qui a toujours été l’objet de suspicions de la part d’un militant invétéré et exigent. Un moment d’extase qui accompagne ces moments où l’on est sublimé par un sentiment profond d’appartenir finalement à cette Mauritanie qui se cherche et qui a des difficultés à se retrouver. Un sentiment qui permet au moins de tempérer ses critiques, de relativiser ses appréciations vis-à-vis de l’appareil qu’on voudrait plus perfomrant.
Yahya Hacen vient, à l’image du voyageur perdu dans un désert rocailleux et hostile, de tomber sur une oasis extraordinaire et qui vaut ce que peut valoir un paradis sur terre. La vie est ainsi faite : un petit quelque chose peut vous réconcilier avec ce pays pour lequel vous avez tout donné. C’est ce que j’ai perçu chez Docteur Hacen quand je l’ai rencontré alors qu’il venait de vivre cette aventure. 

jeudi 30 octobre 2014

Satisfecit du FMI

La mission d’évaluation du fonds monétaire international (FMI) vient de terminer sa visite en Mauritanie. Cette mission dirigée par Mme Mercedes Vera Martin, responsable du département Moyen-Orient et Asie Centrale, a présenté les résultats de cette évaluation devant la presse.
Dans son mot d’introduction, la présidente de la mission a indiqué que les indicateurs du développement économique de la Mauritanie restent au vert malgré «la détérioration des termes d’échange», avec notamment la baisse des prix des matières premières comme le fer et l’or. La croissance économique sera maintenue à 6,4% en 2014. Alors que le taux d’inflation est resté au seuil des 3,5%. Le niveau des réserves extérieures se maintiendra au niveau actuel, soit la valeur de 6,5 mois d’importations. Le budget ne sera pas affecté par la baisse des prix des matières premières. La mission du FMI a ainsi loué les efforts du gouvernement en matière macro-économique avant de répondre aux questions des journalistes.
Le Gouverneur de la BCM a démenti les rumeurs faisant état d’une décision de son Institution visant à plafonner le niveau des transferts pour les opérateurs économiques mauritaniens. «Pourquoi le ferions-nous ? Le niveau des réserves extérieures, comme l’atteste la mission, est resté aux environs du milliard de dollars. Il ne sera aucunement affecté par la baisse des prix des matières premières».
Il a indiqué qu’il existe effectivement des problèmes au niveau de certaines banques, «mais cela n’a pas obligé la BCM à mettre l’une d’elle sous son autorité directe». Pour le Gouverneur, la multiplicité des banques est un bon indicateur quant à la bancarisation qui a été boostée ces dernières années.

Il a nié toute décision d’un investisseur de se retirer du secteur minier. «Tout cela relève de la rumeur plutôt que de l’information».

mercredi 29 octobre 2014

Compaoré, son vrai visage

Il a fallu tout ce désordre pour que le Président Blaise Compaoré comprenne enfin que son peuple en avait marre. Des morts inutiles, parce que tout cela pouvait être évité. Des destructions inutiles parce que le Président Compaoré aurait pu savoir, dès le début, que sa présence ne pouvait plus être tolérée.
J’imagine d’ici les proches – parents et conseillers – s’activant autour de la personne du Président, essayant de le convaincre qu’il reste l’homme providentiel pour un Burkina au bord du précipice, le convainquant que les opposants sont juste aigris incapables d’action concertée, que le monde libre sera avec lui passé le premier moment des condamnations peu appuyées, que l’Armée est de son côté parce qu’elle est tenue par ses fidèles, que rien ne peut affecter son pouvoir…
On a oublié le peuple burkinabé dans toutes les évaluations faites par les spécialistes, les proches, les parents ou les conseillers. Comme on avait oublié le peuple tunisien quand on parlait de la situation dans ce pays, le peuple égyptien quand on croyait dresser la liste des risques qu’encourrait le pouvoir de Moubarak…
L’homme qui a dirigé plusieurs intermédiations dans des conflits compliqués, qui a pu ramener de nombreux protagonistes à la table de négociations, celui qui se présentait comme le modèle d’une nouvelle Afrique, le Président blaise Compaoré n’a pas pu anticiper la réaction de son peuple et partir dignement. Il a fallu qu’il passe par toutes les étapes suivies par Zeine El Abidine ben Ali : la répression sanglante et aveugle, la phase du «je vous ai compris», puis la tentative de tricher en promettant de partir mais seulement après avoir mis en place une transition… et enfin le coup d’Etat «monté» comme pour calmer la situation en attendant un retour possible… Après 27 ans de pouvoir autoritariste, Blaise Compaoré est obligé de faire ses valises et de quitter précipitamment son pays.
Comme tous les dictateurs, il laisse un pays exsangue : la classe politique essoufflée par la répression est incapable d’unité, l’Armée est traversée par les clivages ethniques, les Institutions étatiques sont travesties… Blaise Compaoré ira se la couler douce sous la protection de l’un de ces hommes arrivés au pouvoir grâce à lui. Il pourra alors consommer les biens amassés d’une trentaine d’années de mauvaise gouvernance à la tête du «pays des hommes intègres». Les intermédiations et les facilitations rapportaient aussi.
Pendant que Blaise Compaoré vivra heureux, le Burkina Faso se débattra longtemps encore dans les problèmes liés à une transition qui ne finit pas de commencer.

mardi 28 octobre 2014

Moi ou le chaos

L’échec des élites mauritaniennes n’est plus à démontrer : incapables d’agir sur la communauté de destin, elles sont aujourd’hui prisonnières de vieilleries idéologiques qui donnent tous ces égoïsmes et polluent l’atmosphère générale dans le pays.
Les appeler «vieilleries» permet la mise en exergue de l’acte de rumination – terme cher au sociologue-anthropologue et historien, Abdel Wedoud Ould Cheikh -, un acte né de l’incapacité à innover, à créer, et même à proposer. Le terme permet aussi de démystifier la prétendue aspiration à l’incarnation de la Modernité et du Progressisme. La rumination et la mystification annihilent toute possibilité de voir clair dans le passé, le présent et fatalement donc dans le futur. On ne peut pas qualifier de «moderniste» ou de «progressiste», une vision du monde qui se contente de reproduire les faits et gestes du passé sans les rénover, sans les améliorer, encore moins les changer.
Evacuons tout de suite l’économie, la culture…, la première pour être restée à l’état primitif de la cueillette, ce qui a donné une société de consommation boulimique qui n’apporte rien à son environnement si ce n’est l’érosion qui contribue à le détruire. La deuxième parce que nous nous contentons d’entretenir l’illusion d’un «paradis perdu» d’un espace de savoirs et de créations : nous dormons ainsi sur un tapis faits de manuscrits que nous n’avons pas écrits – ni lus (le plus souvent) ; nous ruminons des histoires que nous remanions selon les circonstances et qui nous permettent de plonger dans un sommeil profond et destructeur (le sommeil est d’habitude réparateur, celui-là est destructeur).
Il ne nous reste que la politique que nous pratiquons sans exception et sans discernement. Chaque Mauritanien est un politique en puissance : son système de pensée est sous l’emprise de la politique qui est ici perçue plus par ses côtés «tromperies», «manœuvres dilatoires», «trahison». Si bien qu’il n’existe pas – ou presque pas – de professionnels de la politique, c’est-à-dire de gens dont la vocation première est la participation dans la conception et la gestion des affaires publiques.
La «duplication» a eu raison de l’industrie en Mauritanie : dans un pays où l’exiguïté du marché est déjà un frein au développement industriel, il est rare de voir réussir quelqu’un dans un domaine sans lui créer de multiples concurrences. Ce fut le cas du lait Tiviski, de l’eau Benichab, des pharmacies, des boulangeries, des usines de poisson, des pâtes Famo…
Dans le domaine des médias, l’explosion des années 90 a permis aux autorités de noyer le meilleur de la presse dans la multitude synonyme de médiocrité et de déchéance morale. Les mots «journaux» et «journalistes» avaient fini par ne plus vouloir dire toute la noblesse d’un métier.
Le même sort a été réservé aux partis politiques dont le foisonnement a répondu à une volonté de banaliser l’action politique et de discréditer la parole et l’engagement. Il y a certes une volonté politique plus ou moins exprimée officiellement, mais il y a aussi et surtout le comportement des acteurs eux-mêmes qui a contribué à déprécier l’engagement politique. Aujourd’hui, nous sommes en face d’une scène qui nous dit que l’homme politique se cherche une place à l’ombre du Sultan. Quand il y est, il fait partie de la Majorité au pouvoir qu’il défend de la pire des manières. Quand il n’y est pas, il se classe dans les rangs de l’Opposition et commence à nous abreuver de belles paroles et de principes humanistes qui finissent par nous faire croire qu’il s’agit d’une autre personne.
Toujours en quête de légitimité, le politique est souvent poussé à faire des dérapages. Comme il n’est pas comptable de ce qu’il dit ou fait, il peut tout se permettre. Faisant passer sa roublardise pour du courage, il insulte, invective, trafique le passé, ment et surtout promet tous les malheurs à ce pays, à ce peuple si… si… si…
S’il ne reprend pas les affaires… s’il n’accède pas à une portion de pouvoir… si on ne lui reconnait pas une notoriété, une utilité… si on ne lui octroie pas une prébende…
On nous prépare des guerres civiles parce que des hommes politiques sont en disgrâce, parce que le pouvoir en place ne les a pas honorés, ne les a pas associés.
Pour revenir à cette citation de Gramsci qui a dit : «Le vieux monde se meurt. Le nouveau est lent à apparaitre. Et c’est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres».

lundi 20 octobre 2014

Timbuktu ou le chagrin des oiseaux : Un film qui va loin

Après le succès de l’avant-première à Nouakchott, le film Timbuktu de Abderrahmane Sissako continue sa route vers la consécration mondiale. Il a obtenu depuis cette représentation à Nouakchott, le Bayard d’Or du meilleur film et celui du meilleur scénario au 29ème festival international du film francophone de Namur. Une consécration qui doit le booster dans sa marche vers le podium des Oscars.
En effet, avec le film de Sissako, la Mauritanie fait partie des 83 pays sélectionnés par l’Academy of Motion Pictures Arts and Science pour concourir aux prochains Oscars qui auront lieu le 22 février 2015 à Los Angeles aux Etats Unis. Une campagne médiatique devra être lancée pour la promotion du film et de son réalisateur pour permettre sa sélection parmi la dizaine de films qui passeront le cap en décembre prochain. Ce qui explique l’absence prolongée du réalisateur qui sera pris par cette promotion les mois à venir.
«C’est important pour tout cinéaste de donner de la visibilité à son film, explique Abderrahmane Sissako dans une interview chez nos confrères de QDN. Les festivals de Cannes, de Londres… donnent de la visibilité. Mais les Oscars, c’est important, c’est mondialement connus avec une sélection extrêmement rigoureuse. Timbuktu a été choisi par la Mauritanie et nous pouvons prétendre à une nomination pour les Oscars. Je pense que le film a vraiment ses chances car il s’inscrit dans une problématique très importante aujourd’hui».
Présenté au Festival de Cannes en mai dernier, le film Timbuktu ou Le chagrin des oiseaux avait obtenu le Prix du Jury œcuménique et le Prix François-Chalais qui récompense les valeurs du journalisme. C’est que le film raconte une chronique, celle d’une ville millénaire qui étouffe sous l’emprise de la barbarie et de l’intolérance.
A l’image des chroniques historiques des vieilles cités sous nos latitudes, la chronique de Abderrahmane Sissako raconte le destin tragique d’une ville qui a été la splendeur de l’espace sahélo-saharien avant de devenir le fief d’une idéologie qui se fonde sur la négation de la vie. 
Timbuktu, une ville-martyre, abandonnée peu à peu puis brutalement à son sort. Destruction des monuments historiques dans une (vaine) tentative de nier cette Histoire pleine d’enseignements allant à l’encontre de toutes les lectures et postures des apostats qui se revendiquent pourtant de la Religion. Répression de toute émotion chez une population oubliée de ses frères, de ses amis, de ses semblables… Plus le droit de sortir, de fumer, de s’aimer, de jouer, d’apprendre, de chanter, de danser, de manifester, de parler librement, même de parler sans rien dire…
«Ce qui s’est passé à Timbuktu a été un traumatisme, pas seulement pour les gens du Sahel. Cette ville est un symbole de tolérance, de culture avec les grandes universités du 13ème siècle… Timbuktu, c’est une façon de vivre, un esprit. Quand cette manière de vivre est attaquée, que l’on vienne de Tmbuktu ou pas, du Sahel ou pas, on se sent concerné. Le film, au-delà de la question du terrorisme, montre une population sous le choc d’une vision contraire à ses traditions, a sa culture…»
Comment l’une des merveilleuses cités de l’Islam médiéval, l’un de ses plus grands centres culturels ayant rayonné sur le Monde, l’un des trésors de l’Humanité a-t-il été pillé, comment a-t-il été abandonné, comment ses populations ont-elles vécu le drame de l’occupation… ? L’art au service des questionnements… en laissant le spectateur libre de juger, on essaye, à travers ce qui n’est plus une fiction, de partager la douleur, la souffrance de la communauté musulmane vivant dans le Nord malien. La même souffrance est bien sûr vécue en Irak, en Syrie, en Lybie… partout où ces bandes de Jihadistes prennent le pouvoir pour, disent-ils, «instituer un Califat islamique». Bien avant les Yazidis ou les Chrétiens, bien plus qu’eux, ce sont d’abord les Musulmans, Sunnites et Chiites, qui ont souffert dans leur chaire la folie de ces groupes. «C’est d’abord l’Islam, explique le réalisateur, qui est pris en otage depuis un certain temps. C’est une situation terrible pour moi en tant que musulman. Et, en tant qu’artiste, je ne veux pas que la vision de cette religion soit seulement celle qui est véhiculée dans les sociétés occidentales. La référence pour ces sociétés, c’est le 11 septembre, les attentas, ceux qui égorgent des gens au nom de l’Islam. Des personnes qui se sont approprié l’Islam pour commettre des crimes barbares et inacceptables» (interview QDN).
La présence à Cannes n’est pas une première pour Abderrahmane Sissako qui avait été accepté sur la sélection officielle «Un certain regard» en marge du prestigieux Festival en 1993 avec son film Octobre qui raconte l’histoire d’un amour impossible entre un Africain et une Russe.
Puis en 2006, Sissako présente Bamako hors compétition à Cannes. Ce film est une révolte contre le diktat de la Banque Mondiale qui y est décriée comme la source des grands problèmes de l’Afrique. Le cinéaste a tout simplement donné la parole aux populations pour en juger.
En fait, la relation avec les festivals commence pour Sissako en 1991 avec Le jeu qui fait une entrée remarquée au Fespaco de Ouagadougou. Le succès est relatif parce qu’il est finalement acheté par Canal+ (c’est son argent qui sert à tourner Octobre. C’est bien au Fespaco qu’il signe son plus grand succès avec En attendant le bonheur (Heremanco) en 2003 où il obtient le grand prix Etalon de Yenenga qui est la plus haute distinction du festival du cinéma africain.
S’abstenant de verser dans la facilité, le cinéaste se refuse à produire la fiction pure, peut-être parce que les réalités africaines sont déjà assez émotives pour créer cette communion entre le public et le produit artistique, nécessaire à tout succès du cinéma d’aujourd’hui. Ce succès dépend d’abord de la capacité du récit à rendre l’image et tout l’accompagnement technique (cadrage et reste), à en faire un langage universel qui parle aux cœurs et à la Raison. D’où ces notes de réalisme, ce soucis de coller à la réalité des événements relatés, tout en suggérant l’affection, la mélancolie, l’émotion provoquée par le beau… Des fresques qui vous font voyager et rêver tout en vous invitant à partager les misères du Monde.
En attendant le bonheur a servi à fixer les désillusions d’un jeune mauritanien qui, après des années d’exil et de séparation, retrouve les siens dans des conditions de vie difficile. Bamako, c’est le procès à la Banque Mondiale et à l’Ordre mondial inique.
«J'ai le sentiment, explique Sissako, que celui qui regarde me ressemble». C’est certainement ici qu’il faut trouver la première raison du succès de notre compatriote : cette capacité à se mettre dans la peau de l’autre, à l’inviter à partager malgré lui, à se reconnaitre malgré lui dans le regard que le cinéaste jette sur notre vécu.
Autre raison du succès, c’est l’absence du désespoir : «on ne pas parler de la barbarie sans espérer», nous dit le réalisateur. C’est plus que cela : on ne peut dépeindre les misères du Monde en voulant les changer, sans donner goût au futur. D’ailleurs, c’est bien la désespérance qui mène cette jeunesse droit vers la mort. C’est bien parce qu’ils n’ont pas de projets de vie, que les groupes extrémistes magnifient et subliment la mort. C’est pour cela que le projet de non-vie qu’ils proposent est fondamentalement une négation de l’Humanité, mais aussi fatalement une dérive de la voie de Dieu qui est d’abord Bonté et Miséricorde.
«Tous les extrêmes ont leurs sympathisants. Des gens désespérés qui tombent de ce coté. Des gens qui, a un moment, ont basculé faute d’écoute. Et, ceux qui basculent ainsi sont nos frères, parfois nos sœurs, nos voisins. Il ne faut donc pas créer cette sorte de frontière terrible qui fait du djihadiste le monstre dont il faut à tout prix couper la tête. Leurs actes sont barbares, inhumains. Des jeunes de 20 ans vont de ce coté car il y a un horizon complètement bouché. Il faut aller à la recherche de ces gens pour les conduire vers plus lumineux».

Timbuktu a été présenté en avant-première à Nouakchott en présence du Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz. Le réalisateur tenait à le présenter à ses compatriotes avant d’aller en France. Une manière pour lui de remercier les autorités de son pays qui l’ont accompagné dans son projet. Pour le film, la route de la gloire semble tracée. Elle passera par Toronto, Sydney, Paris…

dimanche 19 octobre 2014

Pourquoi les rappeler ?

Une décision qui fait désordre : le rappel des enseignants détachés par le ministère de l’éducation. D’abord vu le nombre, la décision vide des départements entiers de leurs fonctionnaires. C’est le cas – ou presque – du ministère des affaires islamiques, de celui de la communication… Ensuite, elle ramène au secteur de l’éducation un personnel qui n’a pas pratiqué depuis des décennies le métier d’enseignant. C’est donc un fardeau plus qu’une solution. Mais revenons aux causes de ce phénomène.
La loi autorise le détachement des fonctionnaires dans des secteurs qui ne sont pas les leurs. Mais elle fixe un plafond de 10% à cet effet. C’est-à-dire qu’on ne peut pas aller au-delà de 10% de l’effectif total des enseignants à détacher. Au cours des trente dernières années, la loi – toutes les lois – n’a jamais été respectée. Le détachement est devenu la règle pour tous ceux qui veulent prendre à eux des cousins qu’ils n’ont pas pu affecter à Nouakchott, pour les faire travailler dans leurs départements et leur permettre éventuellement de vaquer à d’autres occupations. Il s’agit là de l’un des phénomènes dangereux promus et exploités par le système pour des raisons de clientélisme politique souvent. C’est comme avec le Personnel non permanent (PNP) qui a fini par devenir la règle, ou encore celui des pigistes dans les organes d’information qui ont fini par devenir les véritables employés des boîtes concernées. Il fut un temps ou un pigiste de la télévision, de la radio ou de l’agence touchait plus qu’un employé officiel. Il est vrai que parmi ces pigistes, il y a ceux qui produisent réellement.

Ce sont les erreurs du passé dont nous héritons les effets négatifs. Mais fallait-il aller dans le sens de récupérer les fonctionnaires en détachement ? Non ! Les problèmes que cela crée dans les administrations ainsi vidées et au niveau de l’éducation qui doit faire face à un effectif pléthorique et inutile (ils ne peuvent pas enseigner), ces problèmes auraient dû nous résoudre à choisir la voie qui consiste à laisser la situation ante en l’état où elle est tout en engageant une réelle politique de lutte contre le détachement. Mieux vaut décider d’arrêter l’hémorragie que de vouloir récupérer les effectifs perdus qui ne servent plus à rien, en tout cas pas dans l’exercice du métier d’enseignant. 

samedi 18 octobre 2014

Acte de rébellion ?

La décision du Gouvernement de fixer les journées de samedi et dimanche comme weekend n’a pas été du goût de tout le monde. Tous ceux qui croient que dans l’espace islamique, c’est la journée du vendredi qui doit être chômée, refusent d’obtempérer. Cela se traduit par des commerces qui ferment vendredi pour rouvrir samedi et dimanche. Mais aussi des institutions privées dont des écoles ont adopté cette formule. Boutiques, pharmacies et même des sociétés ferment vendredi mais ouvrent les autres jours.
C’est comme tous ceux qui refusent de se plier aux décisions de la Commission nationale de l’observation du croissant quand elle décide que la fête est tel jour ou tel autre. Vous en trouvez qui font la fête en même temps que le Sénégal ou le Maroc, ou même l’Arabie Saoudite.
Comme ceux qui refusent les fatwas du Conseil de l’Ifta dirigé par Mohamed el Mokhtar Ould Mballe tout en préférant s’adresser à Ulémas que la communauté n’a pas investis de cette mission.
Ce refus de reconnaitre l’Autorité procède de la nature séditieuse du Mauritanien. Il est prompt à rejeter l’institutionnel auquel il préfère l’informel. C’est une forme de résistance à l’Autorité de l’Etat, une résistance qui s’apparente facilement à rébellion du moins à une insoumission. C’est pourquoi l’Autorité doit sévir contre toute manifestation du genre.

vendredi 17 octobre 2014

Le décompte macabre

Alors que les chauffeurs étaient en grève pour protester contre l’application des nouvelles dispositions du code pénal engageant la responsabilité directe de celui qui conduit, pas moins d’une dizaine d’accidents ont été enregistrés en moins de quarante-huit heures. Avec un bilan de cinq morts et plusieurs blessés graves.
J’ai alors pensé qu’il serait opportun de faire le bilan de la route, mais c’était impossible. Mais je viens de lire un article complet sur la situation chez nos confrères de L’Authentique. J’en profite pour revenir sur la question.
L’article nous dit que lors des «Journées Portes ouvertes de la Gendarmerie nationale» de décembre 2013, on a dénombré pour la seule année 2013, 598 accidents qui ont fait 101 morts et 1001 blessés dont plusieurs graves avec séquelles irréversibles.
On parle aujourd’hui d’un bilan sur une dizaine d’années qui aurait fait 1641 morts et 14.056 blessés au cours de 9251 recensés par la Gendarmerie nationale. Lundi 13 octobre, un 4x4 arrivant de Zouérate s’est renversé non loin d’Akjoujt faisant trois morts et une dizaine de blessés. Là où un mois avant le même scénario avait provoqué la mort de huit personnes dont 5 Sénégalais. Il y a quelques jours, vingt-deux blessés dont quelques-uns dans une situation grave ont été enregistrés sur la route de Néma. Cinq personnes dont mortes vingt-quatre heures plus tard sur la route de Mederdra. Et le journal de rappeler qu’une campagne avait été lancée par les autorités en 2012 sous la supervision du ministre des transports de l’époque, Yahya Ould Hademine, aujourd’hui Premier ministre. Entre avril et juin de cette année 2012, on a dénombré 1622 accidents causant plusieurs dizaines de morts et dix milliards de dégâts matériels. La campagne avait commencé au niveau des écoles où l’on avait parlé de la circulation routière et des dangers qu’elle présente.
Cette campagne n’a visiblement servi à rien, du moins pas à grand-chose si l’on s’en tient au décompte macabre qui continue sur les routes de Mauritanie.
La première cause des accidents routiers est l’imprudence des routiers qui se sentent irresponsables dans la tenue de la route. Ils oublient qu’ils la vétusté du parc qu’ils utilisent, le mauvais état des routes, les animaux incontrôlables, l’irresponsabilité des autres usagers… Ils oublient tout et roulent comme ils veulent avec comme seule intention d’arriver au plus vite là où ils vont. Une course folle qui prend des envergures graves. C’est ainsi que les routiers de R’Kiz ont institué une amende contre celui d’entre eux qui arrive en dernier lieu : il est tenu de payer le déjeuner à tous les autres.
Les postes de contrôle installés sur les routes de Mauritanie ne sont pas là pour faire respecter les règles de la circulation. Pas là pour demander la visite technique des véhicules, l’assurance, le permis, pas là pour contrôler le nombre des passagers, la qualité des pneus… ils sont là juste pour collecter des sommes prélevées sur les usagers : 500 UM pour les camions, 200 pour les taxis… le reste n’est pas important…
Si à l’inconscience professionnelle des agents de la sécurité s’ajoute l’impunité des routiers qui veulent geler l’application du Code pénal, bonjour les dégâts !

jeudi 16 octobre 2014

Rééquilibrages ou simples redéploiements ?


On apprend aujourd’hui que le dispositif sécuritaire a subi quelques changements dans ses commandements. C’est ainsi que le général de brigade Mesagharou Ould Sidi devient Chef d’Eta Major particulier du Président de la République en remplacement du général de brigade Dia Amadou mis à la retraite. Ould Sidi gagne ainsi un poste de confiance pour sa proximité du centre du pouvoir. Mais il quitte ainsi le Groupement général de la sécurité routière (GGSR) qu’il a eu pour mission de créer. Son nom sera toujours lié à ce nouveau corps que les Mauritaniens appellent : «terkit Mesgharou» (les enfants de Mesgharou). Au-delà du sens profond de cette appellation qui exprime d’abord un refus populaire de croire aux institutions, le Corps du GGSR mettra du temps à se libérer de cette paternité. Son remplaçant, le colonel Lebatt Ould Maayouf revient d’un «exil» à New York où il faisait office d’attaché militaire auprès de l’ONU. C’est lui qui a joué le rôle de coordinateur des actions mauritaniennes dans le cadre des opérations du maintien de la paix dans le Monde. Avant cela, il est connu pour avoir subi un arbitraire constant pendant les 20 années de règne de Ould Taya. Ould Maayouf fait partie des premiers officiers réservistes formés en temps de guerre. Il sort rapidement de la réserve mais son franc-parler et son penchant rebelle l’écartent de la voie des promotions de l’époque. Il en profite pour parfaire sa formation militaire à travers les stages et les cours qui lui sont offerts pour le mettre hors-jeu. Il attendra le coup d’Etat de 2005 pour se voir réhabilité comme officier digne de confiance de ses supérieurs.
Le général de brigade Mohamed Ould Meguett quitte les services de sécurité extérieure et de la documentation (ancien BED) pour la Direction générale de la sûreté nationale en remplacement du général Ahmed Ould Bikrine admis à faire valoir ses droits à la retraite. Ould Meguett est remplacé au BED par le général Mohamed Ould Znagui, ancien Chef d’Etat Major adjoint.
Parallèlement, deux nouveaux ambassadeurs sont nommés : le premier aux Emirats Arabes Unis, le second au Qatar. C’est ainsi que Sidi Mohamed Ould Hanenna, jusque-là Ambassadeur-directeur au ministère des affaires étrangères va à Abu Dhabi où il devra renouer des relations anciennes et profondes. Alors que c’est Sidi Ould Mohamed Laghdaf, jusque-là Chargé d’affaires à Téhéran, qui va à Doha.
Les deux hommes partagent l’appartenance au corps des diplomates. Ils sont tous les deux formés pour exercer dans la diplomatie et ont jusque-là suivi un cursus qui les menait fatalement à occuper de grands postes dans la diplomatie.
Ces nominations sont les plus significatives depuis la formation du dernier gouvernement. En effet, les attentes sont grandes dans les milieux d’observateurs. L’on croit que le Président Mohamed Ould Abdel Aziz hésite à engager son mandat : il a mis du temps pour prêter serment, pour former son nouveau gouvernement, «et maintenant, il prend son temps pour procéder à l’inévitable réaménagement de son dispositif». L’on attend ici du Président réélu de marquer le début d’un mandat qui doit être le dernier. Soit en mettant en place un système politique et administratif capable de lui survivre et donc de laisser en héritage à la Mauritanie un système à même de lui permettre d’asseoir une démocratie et une stabilité sans faille. Soit en rassurant sur l’avenir en prenant le contrepied des prophètes du malheur qui nous promettent mille dislocations, mille chaos, et en nous donnant un espoir qu’un futur prometteur est possible. Cela commence par le choix des hommes de son entourage immédiat. C’est ce qui est attendu.

mercredi 15 octobre 2014

Deux villes, deux réalités ?


Quand on suit l’actualité sur une radio ou une télé occidentale, on nous parle d’une ville kurde, à la frontière entre la Syrie et le Turquie, une ville où se déroulent des combats violents entre les combattants de l’Etat Islamique et les milices d’autodéfense kurdes. On nous fait des parallèles entre les bandes islamistes surarmées et bien organisées et les milices kurdes qui n’ont que le courage pour faire face à la barbarie.
Sur une chaine arabe, la ville s’appelle Ayn-el-Arabe (l’œil des Arabes). Les habitants ne sont pas seulement kurdes. Sur les chaines d’obédience saoudiennes ou qataries, on nous parlera surtout des réfugiés et du rôle des rebelles «modérés» qui se battent pour faire tomber le pouvoir de Bachar Al-Assad. Sur les autres chaines, on donnera la parole aux habitants qui parlent un Arabe syrien et qui soutiennent Al-Assad et demandent l’intervention de l’Armée arabe syrienne (al jaysh al-araby essoury) et pas celle de l’Occident. Sur ces chaines, les Kurdes qui prennent la parole ne revendiquent pas l’indépendance par rapport à la Syrie. Au contraire, ils mettent en garde contre toute tentative de partition du pays. «C’est l’Armée syrienne, le gouvernement syrien qui peuvent nous sauver et non les frappes aveugles des puissances étrangères dont celles ennemies de notre pays et de notre peuple».

Qui croire ?

Plus que par le passé, la manipulation des médias fait désormais partie de la guerre menée en vue de la conquête du Monde. Seulement, elle est plus évidente, plus vulgaire aujourd’hui parce que le zapping nous permet de faire la comparaison entre les informations qui sont données par telle ou telle partie. On se souvient encore de ces reportages dont l’objectif était de nous faire croire que ce sont les «pauvres israéliens» qui sont à plaindre, eux qui subissent les attaques ininterrompues de l’armada terroriste des Gazzawis (habitants de Gazza). On se souvient encore de cette image du secrétaire général de l’ONU, psalmodiant quelques excuses devant le Premier ministre israélien sous les ordres duquel l’Armée était en train de détruire Gaza, y compris les écoles ouvertes par le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU. Le voilà aujourd’hui qui essaye de se rattraper en dénonçant le trop de violence dont a été victime l’enclave palestinienne. Est-ce suffisant ? est-ce trop tard ?
Le monde est ainsi fait : la communication est devenue une arme déployée en même temps que les missiles et les légions. Elle est même une arme plus dangereuse que toutes les autres pour ce qu’elle peut produire de destruction du moral et de manipulation de la réalité.
En attendant de savoir qui dit vrai, des milliers de civils sont pris au piège d’une guerre qui ne les concerne pas, une guerre qu’ils subissent sans discernement. De partout leur tombent sur la tête bombes guidées, obus, roquettes, missiles «intelligents»… Des milliers de morts dont on parle rarement. Des milliers de réfugiés. Un chao total qui enfonce encore la région dans l’inconnu.

mardi 14 octobre 2014

Les disgraciés sont-ils des enragés ?


C’est un débat autour d’un nouveau livre de Georges-Marc Benamou, journaliste, écrivain et essayiste français qui propose dans ce livre un témoignage sur son expérience personnelle de la proximité du pouvoir. L’auteur explique comment il a été «happé» - c’est le mot qui sied – par l’attrait de l’exercice du pouvoir. Quand, un jour de 2006, le candidat Nicolas Sarkozy lui dit : «J’ai besoin de toi, de ta sensibilité». Pour ensuite être pris dans le tourbillon de la campagne avant de se retrouver au cœur de l’Appareil entre 2007 et 2008 alors qu’il est nommé conseiller aux affaires culturelles du nouveau Roi.
En 2008, les intrigues à l’intérieur du système, mais aussi l’incapacité du journaliste à s’adapter à la logique de cour lui font perdre son poste. Le monde s’effondre autour de lui. Il commence une chute qu’il essaye de rendre dans sa «Comédie du pouvoir : choses vues au cœur du pouvoir». Le débat autour du livre et avec son auteur m’ont rappelé l’état psychique et le parcours tortueux de tous ceux qui tombent en disgrâce chez nous.
Les dictionnaires définissent la disgrâce comme «la perte de la faveur dont on jouissait auprès d’un protecteur», sinon «la perte de l’estime, du crédit dont quelqu’un ou quelque chose jouissait auprès de quelqu’un, d’un public». Dans le temps, les monarques se contentaient d’un geste – une gifle, un regard…- ou d’un mot pour faire d’un courtisan un étranger à la Cour. La disgrâce équivalait à la disparition de quelqu’un de la circulation. Il était réduit à devenir néant. C’est pourquoi elle s’apparentait à la laideur, à l’indignité.
Le concept et l’état de disgrâce ont inspiré des chefs-d’œuvre (romans et films). A l’exemple de La Disgrâce, roman de Nicole Avril publié en 1982. Ce roman raconte la vie d’une fille qui se croyait aimée par ses parents et qui vivait un bonheur qui lui semblait inaltérable jusqu’au jour où elle surprit son père dire : «Elle n’est pas seulement laide, ma pauvre petite fille, elle est sans grâce, et c’est pire». Commence pour elle une descente aux enfers qui fait la trame de la tragédie racontée.
Pour les politiques, la disgrâce est encore plus tragique parce qu’elle est vécue sous les regards d’un public friand de lugubres destins. Surtout quand les disgraciés ont rempli le paysage dans l’exercice arrogant de la portion du pouvoir qu’ils croyaient la leur (à jamais). Comme le dit l’auteur Benamou, «la fascination névrotique du pouvoir» conduit fatalement à une tragédie parce que ses victimes guérissent difficilement de leur maltraitance qui se traduit par un trauma profond qui donne cette aigreur, cette haine de soi d’abord, des autres ensuite.
Dans notre pays, les disgraciés de l’époque du premier pouvoir civil de feu Moktar Ould Daddah se démènent encore sur la scène d’aujourd’hui pour régler son compte à celui qu’ils estiment responsable de leurs déboires politiques et professionnels. Certains des survivants de l’époque continuent à se débattre, vaines tentatives de se refaire une histoire qu’ils n’ont pas eue, un destin qu’ils n’ont pas vécu.
A l’époque de Ould Taya, on ne désespérait pas vraiment d’une réhabilitation. Le système mis en place donnait l’impression aux disgraciés qu’ils avaient toujours la possibilité d’être «récupérés». L’exercice du pouvoir avait institué une sorte de règle qui faisait de la disgrâce une mesure transitoire répondant à un aléa passager qui pouvait disparaitre quand le Souverain le décidait. L’arbitraire des «mesures individuelles» et des «décrets en date de ce jour» caractérisait un exercice dont on pouvait espérer n’importe quoi, n’importe quand. C’est bien pendant cette période – qui a quand même duré 21 ans – que nos opérateurs politiques ont appris à partir et à revenir de l’un à l’autre des camps en présence.
L’avant 2005, critiquer permettait de se mettre en valeur pour se rappeler au souvenir du Prince, parfois cela provoquait des entrées –sonnantes et trébuchantes – pour leurs auteurs. L’après 2005, la première transition n’aura pas duré le temps de fixer de nouvelles règles. Mais l’avènement du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz va créer une nouvelle approche. Au lendemain de son coup d’Etat d’août 2008, il arrive à s’assurer le soutien de jeunes et de moins jeunes, prétendant à une notoriété avec ou sans raison, mais aussi de partis politiques ayant une histoire relativement récente mais bien établie. Il arrive aussi à se débarrasser de ces soutiens qui devenaient rapidement encombrants en leur collant des passifs qu’il leur est difficile aujourd’hui de faire oublier. A l’image de l’usage du kleenex qu’on jette après l’avoir sali de notre morve. Les «victimes» n’en sortent que plus meurtries, plus aigries, plus traumatisés et donc plus haineuses et plus instables. Décidément, on guérir difficilement des effets de la disgrâce…
Gramsci a écrit : «Le vieux monde se meurt. Le nouveau est lent à apparaitre. Et c’est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres». Patience.

lundi 13 octobre 2014

La presse agonise

Le ministère de la communication n’existe plus. Depuis la formation du dernier gouvernement, il a été remplacé par le ministère des relations avec le Parlement et la société civile. Pourtant ses nombreuses directions ainsi que les trois institutions qui font la communication publique – Agence mauritanienne d’information, Radio Mauritanie et Télévision de Mauritanie – dépendant encore de ce ministère. On a ainsi inversé les rôles : les relations avec le Parlement gérées jusque-là par une direction sont devenues le titre principal, alors que les directions de la communication en sont l’appendice.
Cette mesure visiblement mal préparée trahit le peu d’intérêt que les autorités accordent au secteur de la communication. Même si par ailleurs on explique que la libéralisation effective de l’audiovisuel en plus des avancées réelles en matière de liberté d’expression imposent un désengagement de l’Etat qui doit se limiter à son rôle de régulateur à travers la HAPA. On oublie que l’image du pays reste du ressort de la communication officielle, que le secteur n’est pas arrivé à maturité pour laisser entrevoir une telle révolution, celle de la disparition d’un ministère de la communication. On oublie surtout que la HAPA n’a pas été dotée de prérogatives légales à même de lui permettre de jouer le nouveau rôle qu’on lui assigne. On oublie enfin toute la résistance que déploient les fonctionnaires du secteur pour que telles avancées, si elles existent, n’arrivent pas à bout.
Dernièrement, le ministère a organisé une journée de réflexion autour de la question de l’aide publique à la presse. On avait cru qu’il sera question des moyens envisagés en vue d’augmenter l’enveloppe pour inclure l’espace audiovisuel parmi les bénéficiaires. Il a été surtout question d’ouvrir le comité de gestion à toutes les organisations de presse, les plus factices les moins significatives en termes de représentativité. L’objection raisonnable des vrais professionnels de la question n’y fera probablement rien. Il est clair que l’objectif est de «noyer le poisson» en prétendant proposer une réforme qui s’avère être un piège visant à assécher les finances déjà insuffisantes pour donner un souffle à la presse.
Jusqu’en 2005 – le coup d’Etat – et surtout depuis la fin du régime de la surveillance à partir de 2006-7, la presse est laissée à elle-même. Elle ne bénéficie plus du soutien du lectorat qui tenait à aider à la survie de la liberté d’expression. Cela s’est aggravé à partir de 2008, quand les nouvelles autorités ont décidé de libérer tous azimuts l’exercice du métier de journaliste. D’où l’obligation pour les pouvoirs publics de mobiliser un fonds d’aide destiné à aider à la survie d’un secteur agonisant. Malgré toutes les tentatives et les astuces déployées par le ministère et la HAPA, les deux institutions ayant en charge la gestion du fonds, les organisations syndicales imposeront leurs représentants au sein du comité de gestion qui réussira quand même à apporter un soutien, certes insuffisant, mais relativement utile. Jusqu’à présent, et surtout qu’avec la nomination d’un nouveau président pour ce comité (en l’occurrence un ancien ministre de la communication parfaitement au courant des enjeux), on a espéré que les réformes proposées apporteront du nouveau.
La création par exemple d’une régie de publicité qui canalisera toutes les ressources publicitaires publiques et semi-publiques pour les distribuer suivant des critères objectifs et consensuels. Ou encore l’octroi au comité d’un droit à la démarche en vue d’acquérir de financements auprès des bailleurs étrangers ou non. Ou enfin, la création d’un GIE ou d’une mutuelle en vue de mettre en commun moyens et savoir-faire des différents acteurs pour se libérer du diktat des plus forts.
Rien de tout ça. Juste une proposition visant à polluer le comité de gestion du fonds d’aide. Juste une tentative de torpiller toute volonté politique d’améliorer le secteur de la communication.
Dans quelques semaines, de nouveaux titres disparaitront, la presse écrite vivant ses moments les plus noirs. Télévisions et radios bénéficient encore d’un engouement qui promet d’être de courte durée.
Dans quelques semaines, au plus quelques mois, on se demandera à quoi servent toutes les avancées en matière de liberté d’expression si les supports qui doivent lui servir meurent d’asphyxie.

dimanche 12 octobre 2014

Accord de pêche Mauritanie-UE :


Les 9 et 10 octobre derniers, négociateurs mauritaniens et européens avaient rendez-vous à Bruxelles pour le quatrième tour des pourparlers en vue de la signature d’un nouveau protocole de l’Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Mauritanie et l’Union Européenne. On se souvient encore des dures heures passées le 29 juillet dernier à Nouakchott pour savoir quand prenait fin le précédent protocole. Les deux parties étaient arrivées in extrémis à un accord prenant en compte le début des activités de chaque flotte : l’essentiel étant de pêcher pendant 24 mois. Ceux qui avaient commencé à pêcher au lendemain du paraphe du protocole le 31 juillet 2012 s’arrêtaient immédiatement, alors que ceux qui avaient attendu son approbation par les instances européennes attendraient le 8 décembre 2014. En attendant d’engager des négociations en vue du renouvellement du protocole. C’est justement pour cela que Mauritaniens et Européens se sont retrouvés à Bruxelles cette fois-ci.
A l’ouverture de la réunion, la délégation européenne dirigée par l’italien Roberto Cesari en sa qualité de chef  d’unité des accords bilatéraux a surtout exprimé le souci de la partie européenne de revoir la contrepartie financière sur la base de la proposition faite lors du round tenu à Nouakchott les 24-27 mai 2014 et qui rabaissait la compensation au niveau de 45 millions euros. Tout en insistant quand même sur «les principes sur lesquels {la partie européenne} souhaite fonder le futur partenariat : la durabilité, la transparence, la non-discrimination, une optimisation des ressources financières au regard des possibilités de pêche et des retombées socio-économiques tangibles pour les deux parties». Et pour combler la baisse de la compensation, la partie européenne met en avant la possibilité d’augmenter substantiellement l’enveloppe de l’appui sectoriel.
Cette question de «l’appui sectoriel» a toujours été perçue comme un leurre par la partie mauritanienne. On a vu l’enveloppe de cet appui sectoriel aller croissant de 11 millions euros la première année du protocole 2008-2012 à 20 millions la dernière année. Sans pour autant que cela se traduise par des investissements ou des profits significatifs pour la partie mauritanienne. Essentiellement à cause des conditions d’octroi et de décaissement dont chaque étape constitue un goulot d’étranglement à elle seule.
La partie mauritanienne, dirigée par Cheikh Ould Baya, Conseiller technique du ministre des pêches et négociateur principal de ces accords, a rappelé le souci pour elle de faire profiter le pays de toutes les possibilités ouvertes par l’exploitation d’une telle ressource. Tout en préservant la durabilité de cette ressource par une exploitation transparente, soutenable et à même de la préserver. Rappelant que les possibilités offertes ont été déterminées sur la base de conclusions scientifiques faites en collaboration avec des experts de l’Union Européenne et selon les principes édictés par le souci écologique de tempérer les excès humains et par celui d’instaurer un commerce équitable entre Nations du monde, du Nord et du Sud.
La partie mauritanienne a estimé que l’offre de 45 millions euros est largement en-deçà de ses attentes. Tout comme elle a refusé de considérer l’augmentation de l’enveloppe de l’appui sectoriel comme «une amélioration» au détriment «du droit d’accès», pour les raisons évoquées ci-haut. Parce qu’aucune des deux parties n’a cherché à bénéficier de «la clause de dénonciation», une possibilité ouverte à chacun des partenaires au cas où l’un ou l’autre se sent lésé par la mise en œuvre du protocole, on comprend que le protocole en cours a satisfait les deux parties.
Le négociateur mauritanien a expliqué que les 67 millions payés actuellement correspondent à une compensation plus ou moins équitable au vu du quota de pêche alloué qui atteint les 300.000 tonnes pêchées à proximité des marchés européens et dans une zone riche et favorable à toutes les activités en matière de pêche.
Il a rappelé les concessions techniques et financières consenties par la Mauritanie pour permettre de lever les dernières réserves de certains pays européens qui ont pris l’habitude de profiter largement de la ressource mauritanienne. Et, «comme preuve de bonne volonté», la Mauritanie serait prête à «accepter le statu quo». C’est-à-dire le retour aux conditions du protocole en cours.
En juillet 2012, les négociateurs mauritaniens arrivaient à signer un protocole jugé «historique» pour ce qu’il offre à la partie mauritanienne en matière de profits. Après quelques sept rounds de négociations, les Européens acceptaient de relever la compensation de 76,5 millions euros à 113 millions dont 67 millions sous forme de compensation financière et le reste comme redevances. On passait automatiquement à une situation où ce n’est plus le type de bateau qui détermine la redevance mais la quantité de produits effectivement pêchés. Deuxième mesure nouvelle : l’obligation de débarquement pour toute la production ouvrant de nouvelles possibilités d’emplois. D’ailleurs la main d’œuvre mauritanienne va passer à 60% sur les bateaux de la flotte européenne. Au moment où le poulpe devenait un monopole des artisans mauritaniens. De nouvelles zones de pêches furent déterminées par le protocole en vue de préserver les zones sensibles (de reproduction) et 2% des quantités pélagiques pêchées revenaient à la société de distribution de poisson qui a vocation de disponibiliser cette denrée sur l’ensemble du territoire national.
Les négociateurs européens de l’époque n’avaient pas manqué de saluer «un accord équitable qui s’inscrit dans la durée» parce qu’il respecte «les bases scientifiques de la préservation des ressources». C’était à l’époque où un Belge désintéressé, Stefaan Depypere, dirigeait la délégation et où l’Allemand feu Hans-Georg Gerstenlauer, véritable ami de la Mauritanie décédé il y a peu, officiait comme Représentant-Résident Ambassadeur de l’Union Européenne à Nouakchott. Pour leur part, les autorités mauritaniennes en avaient fait un axe principal des acquis du nouveau pouvoir qui signifiait aussi la fin d’un laisser-aller marqué par une mauvaise gouvernance avérée du secteur.
Comme pour faire écho, le communiqué du Conseil des ministres de décembre 2013, insiste : «Le Conseil a adopté une décision relative à la signature, au nom de l’UE, et à l’application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l’accord de partenariat de pêche (APP) en vigueur entre l’UE et la République Islamique de Mauritanie.
L’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’UE et la Mauritanie a été conclu en 2006. L’objectif principal du protocole joint à cet accord est de définir les possibilités de pêche offertes aux navires de l’UE ainsi que la contrepartie financière due, de manière distincte, au titre des droits d’accès et de l’appui sectoriel. A l’issue des négociations, un nouveau protocole a été paraphé le 26 juillet 2012, le protocole précédent devant expirer le 31 juillet 2012. Le nouveau protocole couvre une période de deux à compter de la date de sa signature. Afin que les navires de l’UE puissent poursuivre leurs activités de pêche, le nouveau protocole devrait être appliqué à titre provisoire à partir de la date de sa signature, dans l’attente de l’achèvement des procédures nécessaires à sa conclusion».

2014 sera marqué par les négociations autour de la date d’expiration du protocole : aux yeux des Européens, il prenait fin avec sa promulgation le 8 décembre alors que pour la partie mauritanienne, il prenait fin le 31 juillet, jour du paraphe de l’accord.
Pour rappel, de la première année du Protocole (2008-09) à la dernière année (2011-12), les prises ont varié entre 9.337.407 à 11.002.067 tonnes toutes catégories confondues, le pic ayant été atteint en 2010-11 avec 12.408.012 tonnes. La compensation financière a varié entre 75 millions euros la première année et 50 millions la dernière année. Elle a été de 60 millions pour 2009-10 et 50 pour 2010-11.
Le Protocole de 2012-2014 (encore en cours) interdit l’accès aux céphalopodes réservés désormais au seul armement national. Cette pêche céphalopodière couvrait 33% des recettes cumulées entre 2008 et 2012. C’est important à savoir quand on procède à la comparaison des profits réalisés pour la Mauritanie.
Pour la première année 2012-13, 11.820.906 tonnes pêchées en contrepartie d’une compensation financière de 67 millions et d’un appui sectoriel de 3 millions euros. Alors que pour 2013-14 (seulement le premier trimestre de l’année), la quantité pêchée est de 29.329.494 tonnes pour 67 millions de compensation et 3 millions d’appui sectoriel.
Le retard pris par une partie de la flotte européenne qui a espéré fléchir la position mauritanienne sur les céphalopodes et le pélagique, explique le chiffre de la première année. L’activité va cependant s’accélérer durant la deuxième année permettant à la Mauritanie de doubler ses recettes par rapport au Protocole précédent. A quoi l’on ajoute l’obligation de débarquement pour la flotte européenne, l’augmentation de la main-d’œuvre nationale qui est passé de 37% à 60% pour le nouveau Protocole, et les redevances en nature qui ont permis à la Mauritanie d’avoir 1.716 tonnes en 2012-13 et 3.986 tonnes pour 2013-14 (premier trimestre), poisson distribué gratuitement ou à prix symbolique sur l’ensemble du territoire national.
Le 10 octobre, les deux parties concluaient qu’«en l’absence de convergence de vues, {elles} concluent que les négociations sont suspendues pour leur permettre de procéder aux consultations internes nécessaires. Ces négociations pourront reprendre à une date ultérieure à convenir». C’est-à-dire quand les deux parties seront décidées à accepter de ne pas remettre en cause les acquis en vue de préserver la ressource et d’instaurer un commerce équitable à même d’établir de meilleurs rapports entre pays développés et pays sous-développés. Pour cela, il va falloir faire preuve de bonne volonté, même si la remise en cause des essentiels du Protocole en cours, n’est pas à l’ordre du jour.

samedi 11 octobre 2014

La guerre perdue contre Ebola

Pendant des semaines, l’épidémie de la fièvre Ebola a ravagé l’Afrique de l’Ouest, mais aussi le Congo dont on parle moins. Mais ses ravages ont été éclipsés par la mobilisation internationale contre les bandes de l’Etat islamique sévissant en Irak et en Syrie. La décapitation de ressortissants occidentaux a occupé la une des médias. L’horreur produite par les hommes a occulté les misères d’une nature peu clémente.
Puis le virus a gagné l’Europe et l’Amérique. En France, une victime contaminée a pu être soignée. Un autre cas vient d’être déclaré sans détail. En Espagne la troisième victime, contaminée sur place elle, est morte. Aux Etats-Unis, le premier malade «importé» d’Afrique est mort. Deux autres cas viennent d’être déclarés sans détails non plus. En Angleterre, en Allemagne, en Australie, partout l’alerte est au maximum.
Le dernier bilan dressé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) vendredi faisait état de 4033 morts sur les 8399 malades déclarés. L’essentiel, sinon la quasi-totalité des atteints et des morts sont en Afrique. Mais l’on sait désormais qu’aucun pays n’est à l’abri, que le risque zéro n’existe pas comme disent les responsables occidentaux.
La Banque Mondiale a évalué le coût de l’épidémie à 32,6 milliards dollars pour la seule Afrique de l’Ouest à l’horizon 2015. En vue de faire face, chaque pays a créé son comité de crise. Les ministres européens se réunissent en fin de semaine prochaine pour élaborer une stratégie commune. La Russie annonce pouvoir mettre en vente trois vaccins dans les six mois qui viennent.
En Afrique les gouvernements pensent que l’effort fourni est en-deçà des espérances. Le Président de la Sierra Leone a déclaré que «la réponse internationale a été, pour le moment, plus lente que le rythme de transmission de la maladie». De son côté le Secrétaire général de l’ONU estime qu’il va falloir multiplier «par 20» les efforts actuels. D’ailleurs l’appel de fonds lancé par l’OMS pour un milliard de dollars n’a été financé qu’à 25%.

A elle seule, l’Afrique ne pourra éviter l’hécatombe annoncée. Alors que la prévention chez les plus nantis commence par la solidarité avec les peuples aujourd’hui ravagés par la maladie.

vendredi 10 octobre 2014

A méditer

C’est l’histoire d’un ancien planton qui a travaillé dans l’administration coloniale, puis celle de l’indépendance. Le Gouverneur français avec lequel il avait travaillé pour la première lui avait appris à lire deux mentions : «confidentiel» et «urgent». Lui intimant l’ordre de le déranger à tout moment et en tout lieu chaque fois qu’il voit l’une de ces mentions sur un courrier qu’il reçoit. Il avait donc appris à courir avertir le Gouverneur chaque fois qu’il identifiait l’une de ces deux mentions sur un courrier. Qu’il soit dans sa chambre à coucher, en réunion, dans les toilettes, en sieste… C’est devenu machinal.
Quand les Français sont partis, il reçut son premier patron mauritanien. La première semaine de prise de service, le nouveau Gouverneur compris combien ce planton était exceptionnellement au service, combien il semblait maitriser les secrets du métier, combien il était dévoué. Il commençait à l’apprécier véritablement.
Un jour, il vint le voir alors qu’il venait de sombrer dans un profond sommeil. Il le réveilla en lui disant : «il y a là une lettre confidentielle». Sans dire mot, le Gouverneur prit le document et le rangea sans le regarder. Un autre jour, il vint le chercher chez une famille où il était venu se payer un moment de fuite et de repos pour lui dire qu’il y avait là un «courrier confidentiel». Cette fois-ci, le Gouverneur se contenta de lui remettre le courrier tout en lui demandant de le déposer sur le bureau, toujours sans l’avoir lu. Un troisième jour, le planton arriva en courant pour taper à la porte des toilettes. Essoufflé, il expliqua qu’il y avait là «un courrier urgent». Excédé, le Gouverneur le tint par la main avant de le faire asseoir sur une banquette du salon. «Ecoute mon frère, dans ce pays, nous vivrons encore quelques siècles, deux peut-être trois, avant de trouver un sujet confidentiel ou d’avoir conscience d’une situation d’urgence. Alors reposez-vous et contentez-vous de déposer le courrier sur le bureau sans me le dire…»
Le planton comprit alors que les choses ont changé…

jeudi 9 octobre 2014

Du pétrole au Sénégal

Selon une dépêche de l’agence panafricaine de presse APA, l’entreprise britannique Cairn Energy a annoncé d’importants gisements de pétrole dans le off-shore sénégalais. ''Les premières estimations des réserves de ce puits vont de 250 millions de barils de pétrole (avec une probabilité de 90 %) à 2,5 milliards de barils (avec une probabilité de 10 %)'', a indiqué un communiqué de la société. Le communiqué précise que l’entreprise "ne compte pas pour l'instant procéder à la phase de test du puits pétrolier'' et que ‘'des travaux d'évaluation supplémentaires seront conduits, à partir des données sismiques récoltées afin de ‘calibrer le puits’ et déterminer l'étendue de la découverte''.
Les gisements se trouveraient à 100 kilomètres des côtes et seraient à une profondeur d’environ 1500 mètres. Cairn Energy évite d’annoncer le développement dans l’immédiat. Comme si l’essentiel était de faire l’annonce, probablement pour booster les actions en bourse de l’entreprise. Un procédé qui a déjà été utilisé chez nous par ces multinationales qui ne reculent devant rien pour tirer le maximum de profit de nos Etats.
En Mauritanie, la ferveur des années 2000 a disparu, ou s’est largement atténuée. D’abord à cause de la mauvaise gestion qui a accompagné les premières exploitations (l(affaire Woodside, l’affaire de la commercialisation, de la SMH…). Ensuite parce qu’il n’y a pas eu de découverte depuis celles de Chinguitty faites par Woodside. On a vu que depuis, il y a eu trois forages qui ont finalement été négatifs. Les entreprises ayant accouru pour s’installer en Mauritanie ont diminué leur présence (elles ne sont pas parties contrairement à ce qu’on dit). Tullow, Dana et bien d’autres ont allégé leur présence. Tandis que Petronas qui a racheté l’activité de Woodside cherche aujourd’hui à vendre tout son actif : la production très faible ne couvre pas les frais d’exploitation, d’où la difficulté pour elle de se débarrasser de cette activité. Mais la grande déception vient de l’on-shore : Repsol très présente au début, a plié bagages, tandis que la française Total a gardé seulement un bloc sur les trois qu’elle avait dans la région de Taoudenni.
Reste cependant le démarrage pour bientôt de deux exploitations dans le off-shore mauritanien. La première concerne l’américain Kosmos Energy qui va forer en novembre prochain après avoir procédé à des explorations sismiques sur une surface de 10.000 km2. La seconde concerne Chariot Oil & Gas qui va forer elle aussi dans le nord de l’off-shore en 2015.
Dans les milieux, on préfère parler d’une «accalmie» et même d’une «mauvaise passe» plutôt que de «crise» ou d’«illusions perdues». Même s’il est vrai n’a pas su profiter de son potentiel, surtout à cause de l’inefficience de la gestion de la ressource humaine en la matière.