C’est
une lapalissade de le dire. Mais c’est aussi surprenant de le constater. Un
pays comme le Mali qui a son Histoire millénaire, ses élites qui ont fait la
fierté de tout un continent, son modèle qu’on croyait ancré et qui avait donné
deux alternances politiques, ses traditions de dialogue et d’ouverture… un pays
comme celui-là où l’on n’entend que les voix cultivant le racisme, appelant à
l’exercice de la violence contre une partie de sa population, refusant le
dialogue entre les protagonistes d’un conflit qui dure depuis trop longtemps…
un pays comme celui-là où une partie de ses fils tire sur une autre alors que
la Nation a besoin de la vaillance de tous ses fils pour se remettre debout,
alors que l’Armée malienne a besoin des armes et des munitions utilisées par
les «bérets verts» contre les «bérets rouges» (et par ceux-ci
contre ceux-là)…
L’attentat
perpétré par un kamikaze aux abords d’un poste de contrôle pourrait être le
début d’une prolongation de la guerre contre le terrorisme. Ce qui laisse
présager d’un avenir incertain pour une Nation qui a cru se mettre à l’abri
depuis tous les accords et pacte nationaux signés par le passé. La gestion
catastrophique du pays par ATT, la connivence des partis politiques qui
voulaient participer à tout prix à l’exercice du pouvoir, la recherche
continuelle d’un consensus «à l’africaine» (je ne sais pas ce que ça veut
dire) et l’interférence des acteurs extérieurs ont entrainé le Mali dans le
tourbillon qui a d’abord consisté en une fuite en avant et un refus de faire
face aux menaces des terroristes qui prenaient possession d’une partie du
territoire et de sa population. En désespoir de cause, le Mali de ATT cédait
une partie de sa souveraineté à ces groupes mais aussi aux pays qui voulaient s’en
prendre à eux. La démission de l’Etat malien a commencé ici. Elle s’est
poursuivie avec le refus d’empêcher les groupes armés de revenir de la Libye s’installer
et créer des bases sur place. Puis par l’entêtement à vouloir organiser des
élections présidentielles, faisant fi de la situation de partition du pays.
Enfin par l’intensification de la déconfiture de l’Armée dont les unités ont
été dressées les unes contre les autres.
Si
bien que quand éclate une mutinerie, somme toute anodine dans un pays africain
en proie déjà à la guerre, elle prend vite la forme d’un coup d’Etat avant de
provoquer l’effondrement de toutes les Institutions. L’intervention de la
CEDEAO, loin d’arranger les choses, va les compliquer en engageant un processus
de normalisation du coup d’Etat, l’artifice du retour à la «l’ordre
constitutionnel» resté plutôt une consommation du fait accompli. Jusqu’à
présent, c’est bien la présence d’une «autre tête» au sommet de la
hiérarchie malienne qui perturbe la normalisation de la vie publique dans le
pays : le capitaine Amadou Sanogo continue à tirer les ficelles depuis
Kati. Tout ça parce que les pays «frères» et «amis» veulent
chacun y trouver ou régler un compte.
S’il
y des leçons à tirer pour nous, j’en retiendrai trois. La première est que la
Mauritanie a bien fait en anticipant sur l’accomplissement des desseins d’Al
Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) par des attaques et des enlèvements réussis
opérés en plein territoire …malien (ce n’était déjà plus l’autorité malienne
qui s’y exerçait). Sans ces attaques contre les bastions de l’organisation, à
Wagadu et dans l’Azawad, le théâtre des opérations aurait été certainement la
Mauritanie. Sans ces attaques et sans la restructuration de l’Armée, nous n’aurions
absolument pas été épargnés par la guerre.
La
deuxième leçon est relative à cette démarche du «consensus mou» que l’on
croit entretenir par la formation d’un gouvernement d’«union nationale»
ou de «large ouverture» et dont la première conséquence est la
disparition de tout contrepouvoir. C’est bien ce qui est arrivé au Mali où l’ensemble
de la classe politique a participé à la gestion du pouvoir, un pouvoir qui a
installé un système corrompu et clochardisé par la criminalité internationale
(trafic de drogue, enlèvements, terrorisme…). Une telle démarche qu’on veut «inclusive»
est en réalité catastrophique en démocratie, surtout dans les démocraties
naissantes où une proposition alternative doit toujours exister.
La
troisième leçon concerne le danger que fait peser sur des pays comme les
nôtres, la diversité ethnique et/ou culturelle mal gérée. L’instrumentalisation
des différences mène fatalement à l’exacerbation des antagonismes qui sont
souvent artificiellement entretenus par les partis, gouvernants ou opposants,
en vue de réglages destinés à cacher les insuffisances en matière de
propositions pour la communauté.
A
y regarder de près, le Mali est encore plus proche de nous que certains d’entre
nous ne le pensent.