Au Mali, on se prépare à une guerre dont on ne
connait visiblement pas encore les tenants et aboutissants. On veut libérer le
Nord. Mais avant cela on veut «sécuriser» la transition pour stabiliser un
pouvoir qui n’a aucune once de légitimité.
Monté au lendemain de l’Accord-cadre entre la
CEDEAO et la junte, ce gouvernement d’où furent exclus les ressortissants des
régions en rébellion, a été confié à un astrophysicien de renommée
internationale mais sans grande expérience politique. Modibo Diarra avait été
copté par le Président du Burkina Faso qui a aussi confié la diplomatie de ce
gouvernement de crise à un malien qui a travaillé longtemps chez lui comme
conseiller.
Ce gouvernement quelque peu inféodé à l’un des
protagonistes de la crise – le Burkina – était incapable de rassembler
l’opinion malienne ou de servir la cause internationale. Très vite, son mentor
a commencé à plaider pour la mise en place d’un nouveau gouvernement d’union
nationale qui servirait à légitimer toute action à venir.
Le chef de l’Etat issu du processus
constitutionnel imposé par la CEDEAO a fini sur un lit d’hôpital à Paris. La
junte qui était venu au pouvoir pour dénoncer le refus des autorités d’équiper
l’Armée régulière pour faire face aux agressions des groupes armés, cette junte
a vite oublié le Nord et la guerre qu’elle devait y mener.
La communauté internationale hésite depuis le
début. Le Mali n’est pas la Libye et les richesses à convoiter, même si elles
existent, demandent plus «d’investissements» pour pouvoir être exploitées
demain. On va se suffire donc de condamnations et de déclarations d’intension.
Pendant ce temps, les puissances européennes
payent en millions d’euros la libération de leurs citoyens pris en otage par
les groupes jihadistes. 15 millions d’euros que l’Espagne et l’Italie auraient
versés pour libérer trois de leurs citoyens retenus en otage par le MUJAO
depuis quelques mois.
Dans un espace comme celui où se meuvent ces
groupes, 15 millions d’euros c’est une manne. Combien de routes, de
dispensaires, d’écoles, de puits, de forages, d’ambulances… les 15 millions
auraient-ils permis d’avoir dans cette zone qui manque de tout ?
Les occidentaux, pour ceux d’entre eux qui
acceptent de verser les rançons, payent en moyenne 4 millions d’euros par
otage. Cet argent sert d’abord aux Jihadistes dans leur équipement en armes
nouvelles, dans leur insertion sociale à travers des actions humanitaires
visant les populations. Il sert ensuite les intermédiaires officiels et
semi-officiels. Tous ceux dont les noms sont cités quand il s’agit de
libération d’otages perçoivent un versement. Du Président au Conseiller, au
notable local, au prisonnier qui a servi de contact… c’est une véritable chaine
qui finit par prendre l’aspect d’une «famille» (au sens maffieux).
Dans le temps, l’entourage du président malien
ATT était arrosé. Lui-même est accusé par certaines sources d’en avoir profité,
pas seulement en instrumentalisant les groupes les uns contre les autres, mais
en recevant des retombées directes.
Dans son dernier rapport sur la question
malienne, l’organisation International Crisis Group explique que «la réponse des autorités maliennes aux activités
terroristes d’AQMI résulte d’une logique similaire à celle adoptée face aux
rébellions et aux activités criminelles au Nord. Elle privilégie le contrôle à
distance à faible coût. Celui-ci peut être vu soit comme un choix par défaut
compte tenu des moyens limités dont dispose l’Etat face à des groupes
terroristes militairement puissants, soit comme une collusion profitable aux
parties impliquées». C’est effectivement cette dernière attitude qui explique
le délitement de l’Etat malien et son incapacité à réagir tout ce temps. Tout
tourne autour du paiement des rançons.
«Le paiement généreux de rançons a engendré une prospère
industrie enrichissant tout à la fois les groupes terroristes et les
intermédiaires chargés de négocier les libérations» selon le rapport qui
poursuit : «Cette industrie a pris une tournure mafieuse évidente. Elle
implique des acteurs locaux aussi bien qu’internationaux».
Elle
a fini par convaincre de la mauvaise foi du gouvernement ATT : «La croyance occidentale en la sincérité des autorités
maliennes a cependant été graduellement battue en brèche, devant la mollesse
des interventions anti-AQMI de l’armée malienne. Cette défiance a culminé à
l’occasion de l’opération de la forêt de Wagadou, près de la frontière
mauritanienne, à partir de juin 2011. Des fuites à Bamako avaient éventé
l’intention des forces mauritaniennes et maliennes de procéder à l’assaut de ce
refuge d’AQMI, poussant les troupes mauritaniennes, défiantes à l’égard de
leurs homologues maliennes, à lancer seules l’offensive le 24 juin. L’armée
malienne n’a été associée qu’aux opérations subséquentes».
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