Sur
les ondes d’une radio privée de la place, un titre : «le président du
Rassemblement des Forces Démocratiques refuse de rencontrer le Premier ministre
de Mohamed Ould Abdel Aziz». Puis dans le développement : «Selon
des sources dignes de foi, de l’intérieur du parti RFD, le président de ce
parti a refusé une invitation semblable à celle adressée par le Premier
ministre mauritanien à Mohamed Ould Maouloud. Le refus est consécutif à une
réunion avec ses proches qui lui ont conseillé de décliner l’invitation…»
Pour étayer et expliquer l’information, la radio invite le porte-parole du
parti qui dit en substance : «Effectivement, le directeur de cabinet du
Premier ministre a contacté celui du Président Ahmed Ould Daddah pour lui
signifier l’invitation. Mais on n’en a pas parlé et aucune décision n’a encore
été prise à ce sujet». Formel et catégorique. Pourtant, la speakerine
enchaine : «Ainsi dont, le RFD refuse l’offre de dialogue…»
Sur
une chaîne de télévision locale, un titre : «Le ministre de la Justice
dit ne pas être au courant de l’agression contre Ould Dedew». Développement
de l’information, on donne une image, sans le son du ministre lors de son
intervention à l’issue du Conseil des ministres de jeudi dernier, puis un
passage : «…personnellement je ne suis pas au courant d’une telle
agression…» Tout ce qui est avant et après est supprimé. Juste cette
phrase. Parce que si l’on écoute ce qu’a dit le ministre, rien à voir avec le
titre : «J’ai lu sur le net des choses qui sont fausses, y compris à
mon égard, pour cette affaire, rien d’officiel ne me permet d’être au courant à
l’heure actuelle, en l’absence d’un officier de police judiciaire et le Shaykh
n’ayant pas porté plainte, il n’y a pas eu de poursuites. Donc je ne suis pas
au courant officiellement».
A
la une de toutes les chaines et des sites : le Président de l’Assemblée
nationale a refusé à la presse d’accéder à la Chambre pour suivre ses débats.
Renseignements pris : le Président de l’Assemblée veut limiter l’accès de
la grande salle aux seuls députés devant y siéger. Pour ce faire, il veut
réserver un espace à la presse audiovisuelle d’abord, et à côté à la presse
écrite. Il entend redynamiser la direction de la communication pour que la
presse ait un interface officiel pour avoir une fluidité et une célérité dans
l’information. En attendant, il invite les journalistes à aller dans la partie
haute de la salle.
Et
le syndicat des journalistes de produire un communiqué qui dénonce le recul de
la liberté d’expression au lendemain de la publication du rapport de MSF
classant la Mauritanie à la 66ème place. Comme si l’objectif était
de porter atteinte à cette image positive.
Ce
que je reproche ici au syndicat, c’est d’avoir ignoré tous les appels venus de
Ulémas, d’Imams, d’érudits, de simples leaders d’opinion, de vendeurs de
téléphones en faillite et même de journalistes travaillant dans les radios, les
appels des uns et des autres à limiter la liberté d’expression. Certains
n’hésitant pas à stigmatiser des stations. C’est le cas de Sahel TV visée par un
communiqué des Ulémas et Imams, de Al Wataniya soumise à la vindicte par les
manifestants du vendredi dernier et qui ont participé à des actes de vandalisme
dans les écoles de Nouakchott…
Ce
sont ces appels répétés qui menacent le plus la liberté d’expression. Vient
ensuite le niveau des journalistes et le traitement fait par les médias de
l’information.
Chaque
heure, sa rumeur. On ne recule devant rien quand on croit pouvoir donner une
primeur. On crée si on est à sec. Quant à la diffamation, c’est un art pratiqué
avec brio chez nous.
Plus
que tout, ce sont bien ces relents d’autoritarisme et d’obscurantisme qui
causeront le plus de dégâts. Conjugués au manque d’éthique et de
professionnalisme, c’est la mort assurée non seulement de la profession mais
aussi de l’exercice de la liberté d’expression.
C’est contre cela (aussi) que tous les syndicats,
toutes les organisations de presse doivent faire front. Dénoncer les appels et
rester vigilants.