«Le Président de la Cour Suprême est nommé pour un mandat de 5 ans
et ne peut être suspendu ou admis à cesser ses fonctions avant leur terme que DANS LES FORMES PREVUES POUR SA NOMINATION et sur sa demande ou
pour cause d’incapacité physique, pour perte de droits civiques et politiques
ou pour manquement aux convenances, à l’honneur et à la dignité du magistrat».
C’est la partie invoquée pour expliquer l’illégalité de la mesure
prise à l’encontre de Seyid Ould Ghaylani, démis de ses fonctions de président
de la Cour Suprême jeudi dernier. Par décret, comme il a été nommé, il a été
démis par décret. Comme son prédécesseur, le prédécesseur de celui-ci, le
prédécesseur de celui-là…
Cette démission – appelons-le limogeage – a suscité un grand émoi
dans les milieux politiques, comme elle a provoqué un débat autour de la
question des mandats en général (HAPA, BCM, HCI, CC…). L’affaire devrait servir
à préciser ce que veulent dire les mandats, s’ils sont récusables et dans
quelles conditions.
En attendant, on peut remarquer, sans entrer dans une polémique,
que tout cela pouvait être évité si la bataille pour l’indépendance de la
justice avait été sérieusement menée. Pour le cas d’espèce, si le tollé actuel
avait été soulevé quand le mandat de Ould Hannani avait été écourté en août
2009, lui qui avait été nommé en septembre 2005, ou quand celui de Bal Amadou
Tijane avait été écourté en juin 2010, peut-être que la question du respect du
mandat aurait été posée et définitivement élucidée. Cela n’interdit pas de la
poser aujourd’hui, mais, par souci d’harmonie et de principe, cela doit –
devait - être posée dans la perspective du renforcement de l’indépendance de la
justice et du pouvoir du président de la Cour Suprême.
Il faut aussi rappeler à tout ce monde, que depuis l’indépendance
de la Mauritanie, il y a eu 15 présidents de Cour. Le premier mauritanien – il faut
le nommer et lui rendre hommage – est Mohamed Lemine Ould Hammoni qui a dirigé
la Cour Suprême pendant un an (1965-66). Suivi de Be Ould Ne qui fera cinq ans
(1966-1971). Ahmed Ould Mohamed Saleh (1971-1972) puis Ahmed Ould Baa qui sera
démis en 1979 par les militaires arrivés au pouvoir en juillet 1978.
L’arrivée justement des militaires au pouvoir va détériorer les
conditions générales, y compris de la Justice. Jusqu’en 2005, nous compterons
huit nominations à la tête de la Cour Suprême, parmi lesquelles un poète de
grand talent qui n’a rien à voir avec la justice, un administrateur controversé
pour ses pratiques, un autre sans expérience dans le domaine… Deux mandats
cependant pour deux éminents Magistrats : Mohameden Ould M’Boyrik
(1988-1996) et Mahfoudh Ould Lemrabott (1996-2003). Le dernier a été limogé
pour délit de parenté avec quelques-uns des animateurs du putsch de juin 2003.
Yehefdhou Ould Mohamed Youssouf est le quatrième
à être nommé à ce poste depuis août 2005. Il n’est pas du sérail politique et n’a
probablement pas les réflexes qui ont empêché jusqu’à présent de faire avancer
les choses. Espérons que la polémique actuelle lui serve pour raffermir l’indépendance
des Magistrats, promouvoir leur intégrité et leur compétence. Pour cela,
apaiser les relations avec les différents segments concernés. Eviter de
guerroyer seul contre tous et mettre de son côté les forces du changement,
celles qui sont mues par la volonté d’émanciper le droit de la tutelle
administrative et de lui rendre ses lettres de noblesse.