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heures auront suffi aux manifestants burkinabés pour chasser du pouvoir celui
qui voulait justement s’aménager une présence à vie à la tête du pays à travers
le tripatouillage de la Constitution. Blaise Compaoré parti, quel ordre allait
se maintenir après lui ?
Il
y eut d’abord cette sortie du 31 octobre du Chef d’Etat Major des Armées, le
général de division Nabéré Honoré Traoré qui avait solennellement
déclaré : «Conformément aux
dispositions constitutionnelles, constatant la vacance du pouvoir ainsi créé
(par le départ de Compaoré, ndlr), considérant l’urgence de sauvegarder la vie
de la nation, j’assumerai à compter de ce jour mes responsabilités de chef de
l’Etat». N’est-ce pas une prise de pouvoir en bonne et due forme ?
La
foule n’accepta pas la main mise de celui qu’elle considérait «héritier légitime» d’un régime qu’il a
servi jusque-là. En quelques heures, on a craint le chaos pour le Burkina. Est
sorti alors d’on ne sait où le lieutenant-colonel Issac Zida, commandant
adjoint de la garde présidentielle, pour imposer son autorité et se faire
acclamer par la foule qui y voyait un libérateur face à «l’hégémonie des militaires». Oubliant que c’est un communiqué du
chef d’Etat Major qui avait désigné ce jeune officier en ces termes : «Le lieutenant-colonel Issac Zida a été
retenu à l’unanimité [par la haute hiérarchie militaire] pour conduire la période de transition
ouverte après le départ du président Compaoré». La concurrence entre les
deux hommes pourrait très probablement être une vue de l’esprit, une sorte de
fantasme bien entretenu pour permettre le passage vers une transition contrôlée
par les militaires.
Finalement,
le nouveau président, Michel Kafando qui aura à diriger la période de
transition n’exclue déjà pas de nommer le «sauveur»
Issac Zida au poste de Premier ministre. Il est attendu que les principaux
postes du gouvernement à mettre sur place reviennent à des militaires. Le
pouvoir du civil sera alors très théorique.
On
ne parle plus de Nabéré Honoré Traoré qui reste apparemment le manipulateur
principal de la scène burkinabée. il dirige toujours l’Armée et impose encore
son autorité. Tout n’est pas réglé finalement au Burkina. Sauf peut-être le
destin du président Blaise Compaoré qui doit trouver asile au plus vite le plus
loin possible de son Burkina qu’il n’a pas su préserver.
Pour les Burkinabés qui ont sacrifié leurs vies pour
bloquer le processus du mandat à vie, la bataille reste certainement à mener
contre un pouvoir qui peut sortir par la porte pour revenir par la fenêtre.