J’ai longtemps hésité à utiliser un mot pour désigner l’impression
laissée par le discours du Président Mohamed Jamil Mansour de Tawassoul. C’était
lors d’une longue interview accordée à notre confrère Ahmedou Wedi’a sur la
chaine Mourabitoune. Le Président de Tawassoul avait devant lui un journaliste
qui n’avait pas sa langue dans sa poche, lui qui avait provoqué le fameux clash
avec le Président Mohamed Ould Abdel Aziz lors de sa dernière sortie
médiatique. Et parce qu’il avait quelque chose à prouver, lui qui est jugé
proche du parti islamiste, ses questions étaient plutôt incisives et dérangeantes.
A tel point qu’il a su, par moments, déranger l’homme politique mauritanien le
plus habile en matière de communication, le plus précieux dans son expression
et sans doute le plus logique dans ses raisonnements.
A la question de savoir comment Tawassoul qualifiait les visites
présidentielles, Jamil Mansour répondit promptement : des visites carnavalesques
qui rappellent le passé et qui portent préjudice aux populations visitées tout
en donnant l’occasion de dilapidation de biens publics dont on a besoin. A peu
près la réponse du Président de Tawassoul. Réplique de Wedi’a : c’est sans
doute pourquoi vous avez autorisé les élus de votre parti à y participer ?
Bafouillements à la manière d’un maitre : le Président Jamil Mansour
essaye d’expliquer la difficulté que l’instance dirigeante a eu à autoriser les
élus, mais aussi la nécessité de prendre en compte les contingences locales et
les demandes des populations. Pour conclure à peu près : les élus ont
le devoir de porter la parole de leurs électeurs devant l’Autorité.
A la question de savoir comment Tawassoul allie-t-il son
appartenance au Forum national pour la démocratie et l’unité et le fait de
diriger l’Institution de l’Opposition Démocratique, le Président Jamil Mansour
n’y a vu aucune contradiction. Et quand le journaliste lui dit que le FNDU ne
reconnait pas l’Institution, il conteste : le FNDU n’a jamais exprimé une
telle décision. Mais si : son président l’a exprimé publiquement, son
secrétaire permanent aussi, les présidents des quatre pôles qui le composent y
compris le pôle politique, chacun a expliqué que le Forum ne reconnaissait pas
une institution issue d’une élection que le regroupement avait décidé de
boycotter.
En fait, le Président Mohamed Jamil Mansour est dans la situation
de celui qui défend des positions qui ne sont pas forcément les siennes. Y compris
les propositions du FNDU qu’il a tantôt qualifiées de préalables, tantôt
de conditions, tantôt de mesures de mise en condition.
On en sort avec le cerveau embrouillé et surtout avec le sentiment
que nos hommes politiques continuent à perdre le temps à chercher le consensus
là où il ne peut y en avoir. Les partis composants le FNDU n’ont rien en
commun. Ni en matière de parcours politiques, de dogmes politiques, de cultures
politiques, ni en matière de stratégies (ou de tactiques) politiques, encore
moins en matière de méthodes d’action. Leurs intérêts ne sont pas les mêmes. Leurs
objectifs ne sont pas les mêmes. Leurs visions – pour ceux qui en ont – ne sont
pas les mêmes.
Pour être précis, Tawassoul et l’Union des forces du progrès sont aujourd’hui
obligés par leurs partenaires d’adopter des positionnements qui ne servent ni
leurs objectifs ni les choix qui sont réellement les leurs. Alors fatalement,
quand l’un de leurs responsables essaye de justifier ou de défendre le
positionnement actuel, il se perd. Il pratique facilement la langue de bois qui
est définie comme suit :
«La langue de
bois (appelée parfois
humoristiquement xyloglossie ou xylolalie,
du grec xylon : bois et glossa : langue ou λαλέω / laleô : parler) est une figure de rhétorique
consistant à éviter de présenter une réalité par l'utilisation de tournure de
phrase et d'expressions usuelles.
C'est
une forme de communication qui peut servir à dissimuler une incompétence ou une
réticence à aborder un sujet en proclamant des banalités abstraites, pompeuses,
ou qui font appel davantage aux sentiments qu'aux faits.
Il
s'agit moins d'impressionner l'interlocuteur en passant pour plus savant qu'on
l'est que d'éluder le sujet afin d'éviter de répondre à une question ou un
sujet embarrassant.
La langue de bois en politique a, en sus d'une
utilité sophistique,
une utilité diplomatique : les mots
servent alors à neutraliser ou à adoucir les choses qu'ils qualifient. De ce
point de vue elle est l'œuvre de la prudence et
de la ruse qui sont les qualités cardinales du souverain (on parle de ces
qualités si importantes aux yeux de Machiavel)» (Wikipedia).