A la suite d’un posting qui a
visiblement suscité beaucoup de réactions – parfois des incompréhensions chez
certains de mes amis -, j’ai reçu ce message de mon ami Kane Hamidou Baba,
président du Mouvement pour la Reconstruction (MPR). Comme je fais d’habitude,
je le partage sans commentaire, comme si je le traitais en droit de réponse. L’occasion
de rappeler à mes confrères qu’un «droit de réponse» est nécessairement
accordé à une personne ou une institution ayant jugé qu’elle a été citée dans
un article sans lui donner la possibilité de se prononcer sur les questions
soulevées, non à quelqu’un qui n’a pas été cité et qui se contente de prendre
la défense d’un allié ou d’un payeur.
Je sais cependant que le texte ici
est plus une réponse-clarification à un ami qu’un droit de réponse.
«Cher ami, Bonjour,
Je suis à l’étranger depuis quelques semaines et mon attention a
été attirée par l’un de tes brillants éditoriaux relatif au Congrès des FLAM.
La critique que tu as portée contre ceux qui dénonçaient la présence de Jemil
O/ Mansour à cette manifestation est d’une lucidité implacable. Heureusement,
qu’il y a encore des mauritaniens qui ont la tête sur les épaules! Seulement,
au détour d’une phrase, tu classes le MPR parmi les « partis
sectaires ». Dans une autre livraison, tu avais également affirmé que le
MPR était un parti nationaliste négro-africain. Naturellement, tout en te
reconnaissant, ta liberté de jugement, je ne suis d’accord avec aucun de ces
qualificatifs. Sauf, bien sûr, à me dire qu’en Mauritanie, un parti politique
dirigé par un négro-africain est nécessairement nationaliste et/ou
sectaire ? Et là, je dis tout de suite, attention de tomber dans les
stigmates que toi-même tu dénonces ! Il me semble que la ligne d’un parti
se définit avant tout par son programme et par les actes que ses dirigeants
posent ; et au premier rang desquels, le Président du Parti lui-même. En
ce qui concerne le programme du MPR, que j’ai moi-même largement inspiré, ses
quatre piliers sont : une politique active d’intégration nationale ;
l’enracinement de la démocratie ; le respect des droits de l’Homme ;
et le développement économique et social dans l’équité. Vaste programme, me
diras-tu ! Sur la question de l’intégration nationale et qui est notre
crédo, instruits par l’expérience malheureuse vécue, par la communauté
négro-africaine dans son rapport à l’Etat, mais qui a déteint sur ses rapports
avec la communauté maure, nous prônons un Nouveau Pacte de Confiance, reposant
sur un double contrat : entre l’Etat et les communautés d’une part ;
entre l’Etat et les citoyens d’autre part. Je n’entrerai pas ici dans les
détails, mais ce qu’il faut retenir : Sans renoncer à l’objectif
fondamental de citoyenneté pleine et entière, il faut faire des concessions aux
groupes primaires, au sens sociologique du terme, composantes nationales et
sociales, y compris haratines, parce que la gestion délicate de ces questions a
été menée par des politiques inappropriées, passe-moi l’expression
«imbéciles» !
Evidemment, sauf à se réfugier dans la contemplation de
l’observateur froid qui analyse les contradictions sociales, nous autres
politiques, sommes condamnés à rechercher et à trouver des solutions. Or, je
sais que depuis la Conférence de Bakou (1921) et peut être avant, les questions
nationales ont toujours interpellé les révolutionnaires et démocrates. Ces
questions sont à l’origine de l’éclatement de l’Union Soviétique, des problèmes
dans les Balkans et plus près nous des conflits encore ouverts en Afrique.
Malgré notre situation en Mauritanie, observant tous ces phénomènes de guerre
sans merci entre frères de même race en Afrique, le cas du Sud Soudan est à cet
égard caricatural, j’en arrive donc à relativiser nos problèmes faussement
raciaux, faussement ethniques. Mais, j’ai appris à Sciences Pô qu’une question
n’est jamais éternellement principale ou secondaire, elle l’est, lorsque les
contradictions sociales en font une question principale. Ma conviction est que
si les negro-africains de Mauritanie se dotait d’un Etat, peut-être plus qu’une
autonomie telle que réclamée par les FLAM, ils allaient vite s’entre-déchirer
entre Pulaar et Soninkés, entre Pulaar et Wolof, ou entre Pulaar eux-mêmes,
parce qu’à la base le fait ethnique a été surdéterminant dans la création de
cet ensemble autonome. Il en serait d’ailleurs de même si on avait créé un Etat
ou un ensemble maure. Le fait tribal, voire régional eut été surdéterminant.
Voilà pourquoi je suis un défenseur impénitent de l’intégration nationale. Sur
ce point, tous les régimes passés n’ont, au mieux qu’incarner ce problème de notre
pays, sans jamais le résoudre ; les hommes ordinaires que nous sommes,
devront bien tentés de le résoudre.
Enfin, en ce qui concerne les dirigeants du MPR, et au premier
rang desquels moi-même, j’ai bien la prétention d’être un patriote, mais pas un
nationaliste ! En 1995, quand je suis rentré au pays à la suite d’une
longue mission de consultation à la BAD (2 ans), j’ai trouvé à mon retour que
l’écrasante majorité des négro-africains avait quitté l’UFD/EN, je ne les ai pas
suivi, malgré l’insistance de certains cousins. Je leur avais dit textuellement
ceci : « Moi, vous savez que je suis l’un des auteurs de la
Déclaration de politique générale de l’UFD, je me suis absenté du pays pendant
deux ans et à mon retour, j’ai trouvé qu’on n’a pas changé une virgule de cette
Déclaration ». Bref, je ne situe pas mon engagement politique dans une
dynamique communautaire, mais de principe.
J’aurai pu aussi te parler de l’action personnelle que j’ai menée
pour dissuader en 91 certains jeunes cousins et neveux sortis du mouroir de
Walata et qui n’avaient qu’une idée aller rejoindre la lutte armée des FLAM. Je
ne l’avais fait pour le compte d’aucun régime et c’est peut-être bien la
première fois que j’en parle ! Tout le monde connait les liens particuliers
qui m’unissaient à Saidou KANE (Paix à son âme), au-delà de la parenté ;
et je peux dire sans fausse modestie que j’ai le plus contribué à sa décision
de faire abandonner aux FLAM la lutte armée, de démissionner des FLAM et
finalement de rentrer au pays ! je ne l’avais fait pour le compte d’aucun
régime. Seule ma conscience m’avait dicté.
Quant aux autres dirigeants du MPR, ils viennent d’horizons
divers : de toutes les communautés avec des ex-UFP, ex Plej, ex Flam,
ex-Prds, ex-Baasistes, et bien sûr ex-RFD. Mais, il y a surtout des
mauritaniens lamda qui veulent faire la politique autrement et qui m’accordent
leur confiance. Ils savent aussi, qu’ils soient Maures ou Négro-africains, que
je n’ai pas de couleur et que j’ai déjà sanctionné au sein du Parti les dérives
sectaires qui risquaient de le miner, quitte à me séparer de certains soutiens
de la première heure. Tu peux le vérifier auprès de Sidi O/ Kleib.
Enfin, enfin, ce n’est pas à quelqu’un de Mederdra à qui je vais
apprendre que j’ai la conscience historique d’être un multi culturaliste,
appartenant à une longue lignée où le brassage des peuples a été rendu possible
par des stratégies matrimoniales et une intégration qui a permis à la tribu des
Oulad Deyman de devenir les collecteurs d’impôts pour le compte de Elimane
Seydou Hountou Racine dans ce Grand Dimar, Saidou Kane dirait Damashg, qui
envoyait aussi ses enfants auprès des lettrés Deyman pour leur inculquer le
savoir coranique.
Ce que nous ancêtres ont fait, avec les moyens qui étaient à
leur portée, nous pouvons faire mieux !
Si j’ai tenu à faire cette mise au point, je ne m’adresse pas au
journaliste, mais à l’intellectuel pour lequel j’éprouve un profond sentiment
d’estime et de respect. Ceci n’est donc pas un droit de réponse.
Cordiales salutations»
Hamidou Baba KANE, en
vacances au Maroc.
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