L’échec
des élites mauritaniennes n’est plus à démontrer : incapables d’agir sur
la communauté de destin, elles sont aujourd’hui prisonnières de vieilleries
idéologiques qui donnent tous ces égoïsmes et polluent l’atmosphère générale
dans le pays.
Les
appeler «vieilleries» permet la mise en exergue de l’acte de rumination
– terme cher au sociologue-anthropologue et historien, Abdel Wedoud Ould Cheikh
-, un acte né de l’incapacité à innover, à créer, et même à proposer. Le terme
permet aussi de démystifier la prétendue aspiration à l’incarnation de la
Modernité et du Progressisme. La rumination et la mystification annihilent
toute possibilité de voir clair dans le passé, le présent et fatalement donc
dans le futur. On ne peut pas qualifier de «moderniste» ou de «progressiste»,
une vision du monde qui se contente de reproduire les faits et gestes du passé
sans les rénover, sans les améliorer, encore moins les changer.
Evacuons
tout de suite l’économie, la culture…, la première pour être restée à l’état
primitif de la cueillette, ce qui a donné une société de consommation
boulimique qui n’apporte rien à son environnement si ce n’est l’érosion qui
contribue à le détruire. La deuxième parce que nous nous contentons
d’entretenir l’illusion d’un «paradis perdu» d’un espace de savoirs et
de créations : nous dormons ainsi sur un tapis faits de manuscrits que
nous n’avons pas écrits – ni lus (le plus souvent) ; nous ruminons des
histoires que nous remanions selon les circonstances et qui nous permettent de
plonger dans un sommeil profond et destructeur (le sommeil est d’habitude
réparateur, celui-là est destructeur).
Il
ne nous reste que la politique que nous pratiquons sans exception et sans
discernement. Chaque Mauritanien est un politique en puissance : son
système de pensée est sous l’emprise de la politique qui est ici perçue plus
par ses côtés «tromperies», «manœuvres dilatoires», «trahison».
Si bien qu’il n’existe pas – ou presque pas – de professionnels de la
politique, c’est-à-dire de gens dont la vocation première est la participation
dans la conception et la gestion des affaires publiques.
La
«duplication» a eu raison de l’industrie en Mauritanie : dans un
pays où l’exiguïté du marché est déjà un frein au développement industriel, il
est rare de voir réussir quelqu’un dans un domaine sans lui créer de multiples
concurrences. Ce fut le cas du lait Tiviski, de l’eau Benichab, des pharmacies,
des boulangeries, des usines de poisson, des pâtes Famo…
Dans
le domaine des médias, l’explosion des années 90 a permis aux autorités de
noyer le meilleur de la presse dans la multitude synonyme de médiocrité et de
déchéance morale. Les mots «journaux» et «journalistes» avaient
fini par ne plus vouloir dire toute la noblesse d’un métier.
Le
même sort a été réservé aux partis politiques dont le foisonnement a répondu à
une volonté de banaliser l’action politique et de discréditer la parole et
l’engagement. Il y a certes une volonté politique plus ou moins exprimée
officiellement, mais il y a aussi et surtout le comportement des acteurs
eux-mêmes qui a contribué à déprécier l’engagement politique. Aujourd’hui, nous
sommes en face d’une scène qui nous dit que l’homme politique se cherche une
place à l’ombre du Sultan. Quand il y est, il fait partie de la Majorité au
pouvoir qu’il défend de la pire des manières. Quand il n’y est pas, il se
classe dans les rangs de l’Opposition et commence à nous abreuver de belles
paroles et de principes humanistes qui finissent par nous faire croire qu’il
s’agit d’une autre personne.
Toujours
en quête de légitimité, le politique est souvent poussé à faire des dérapages.
Comme il n’est pas comptable de ce qu’il dit ou fait, il peut tout se
permettre. Faisant passer sa roublardise pour du courage, il insulte,
invective, trafique le passé, ment et surtout promet tous les malheurs à ce
pays, à ce peuple si… si… si…
S’il
ne reprend pas les affaires… s’il n’accède pas à une portion de pouvoir… si on
ne lui reconnait pas une notoriété, une utilité… si on ne lui octroie pas une
prébende…
On
nous prépare des guerres civiles parce que des hommes politiques sont en
disgrâce, parce que le pouvoir en place ne les a pas honorés, ne les a pas
associés.
Pour revenir à cette citation de Gramsci qui a dit :
«Le vieux monde se meurt. Le nouveau est lent à apparaitre. Et c’est dans ce
clair-obscur que surgissent les monstres».
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