Il
a fallu tout ce désordre pour que le Président Blaise Compaoré comprenne enfin
que son peuple en avait marre. Des morts inutiles, parce que tout cela pouvait
être évité. Des destructions inutiles parce que le Président Compaoré aurait pu
savoir, dès le début, que sa présence ne pouvait plus être tolérée.
J’imagine
d’ici les proches – parents et conseillers – s’activant autour de la personne
du Président, essayant de le convaincre qu’il reste l’homme providentiel pour
un Burkina au bord du précipice, le convainquant que les opposants sont juste
aigris incapables d’action concertée, que le monde libre sera avec lui passé le
premier moment des condamnations peu appuyées, que l’Armée est de son côté
parce qu’elle est tenue par ses fidèles, que rien ne peut affecter son pouvoir…
On
a oublié le peuple burkinabé dans toutes les évaluations faites par les
spécialistes, les proches, les parents ou les conseillers. Comme on avait
oublié le peuple tunisien quand on parlait de la situation dans ce pays, le
peuple égyptien quand on croyait dresser la liste des risques qu’encourrait le
pouvoir de Moubarak…
L’homme
qui a dirigé plusieurs intermédiations dans des conflits compliqués, qui a pu
ramener de nombreux protagonistes à la table de négociations, celui qui se
présentait comme le modèle d’une nouvelle Afrique, le Président blaise Compaoré
n’a pas pu anticiper la réaction de son peuple et partir dignement. Il a fallu
qu’il passe par toutes les étapes suivies par Zeine El Abidine ben Ali :
la répression sanglante et aveugle, la phase du «je vous ai compris»,
puis la tentative de tricher en promettant de partir mais seulement après avoir
mis en place une transition… et enfin le coup d’Etat «monté» comme pour
calmer la situation en attendant un retour possible… Après 27 ans de pouvoir
autoritariste, Blaise Compaoré est obligé de faire ses valises et de quitter
précipitamment son pays.
Comme
tous les dictateurs, il laisse un pays exsangue : la classe politique
essoufflée par la répression est incapable d’unité, l’Armée est traversée par
les clivages ethniques, les Institutions étatiques sont travesties… Blaise
Compaoré ira se la couler douce sous la protection de l’un de ces hommes
arrivés au pouvoir grâce à lui. Il pourra alors consommer les biens amassés
d’une trentaine d’années de mauvaise gouvernance à la tête du «pays des
hommes intègres». Les intermédiations et les facilitations rapportaient
aussi.
Pendant que Blaise Compaoré vivra heureux, le Burkina
Faso se débattra longtemps encore dans les problèmes liés à une transition qui
ne finit pas de commencer.
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