Le forum de Dakar a finalement été l’occasion de
laisser exploser les représentants africains. Ce qui a fait dire au Président
Macky Sall du Sénégal à la fin des discussions que «la parole s’est libérée
ce soir». Ce qui aussi a fait faire de nombreuses grimaces au ministre
français de la défense, Jean-Ives Le Drian.
Sur la question libyenne, c’est le malien qui donne le
ton en estimant que «tant que le problème sud-libyen ne sera pas résolu,
nous n’aurons pas la paix». Explication de texte par le Sénégalais Macky
Sall : «« Malheureusement, la Libye est un travail inachevé. Il
faut que ceux qui l’ont entamé puissent nous aider à le terminer. A cela, il
faut ajouter les influences venues d’Egypte, avec les Frères musulmans qui, par
vagues, rejoignent ce pays ; et le commerce du pétrole qui se poursuit et
qui alimente le financement de l’armement. Donc, c’est véritablement une
poudrière pour la zone sahélienne, qu'il convient de traiter de manière
appropriée.» Rebondissant sur ces propos, le Tchadien Idriss Déby
précise que «le travail en Libye, les Occidentaux et l’Otan l’ont bien
achevé puisqu’ils voulaient tuer Kadhafi et qu’ils l’ont bien tué ! Le
problème, c’est qu’ils n’ont pas mené le service après-vente.» Et de
poursuivre : «En Libye, la solution n’est pas entre nos mains, mais
entre celles de l’Otan, qui doit détruire les terroristes comme elle a détruit
Kadhafi.»
Mais la plus forte des grimaces du ministre français
était en réaction aux propos du Président Mohamed Ould Abdel Aziz qui a préféré
s’attaquer à l’indulgence des partenaires occidentaux quand il s’agit de
financer les groupes terroristes. Pour lui, les partenaires de l’Afrique
doivent s’abstenir de payer des rançons qui vont renforcer les capacités des
terroristes. L’on sait que la moyenne payée par les Occidentaux pour libérer
leurs otages dans le Sahel atteint les trois millions euros par personne. A elle
seule, la France a payé 58 millions euros depuis 2008, sans compter le dernier
échange. Elle a fait pression sur le Mali notamment pour libérer une dizaine de
terroristes depuis l’affaire Pierre Camatte en 2010. Dans son intervention le
Président Ould Abdel Aziz a annoncé la mise en place prochaine d’une force d’intervention
rapide au niveau africain, insistant sur la nécessité pour le continent de se
prendre en charge pour faire face aux dangers qui le menacent, notamment le
terrorisme et le trafic de drogue.
Le forum de Dakar se tient à quelques heures du sommet
de Nouakchott qui a pour thème «La Processus de Nouakchott» dont l’objectif est
de lancer un package comprenant l’approche sécuritaire, la démarche
développement et l’effort en vue d’une restructuration sociale des communautés
en Afrique.
Ce processus enclenché par l’Union Africaine (UA) en
2013 n’est pas du goût de tout le monde, notamment de la France. Comme pour le
contrecarrer, il y a ce Forum de Dakar qui suit une autre logique pour traiter
du même problème.
Ce n’est pas la première fois que l’ancienne puissance
coloniale interfère pour torpiller un processus de l’UA. On n’oublie
difficilement les interventions en Libye et en Côte d’Ivoire qui ont été
décidées alors que l’UA était sur le point de trouver une solution plus
raisonnable. Pour la Libye, des négociations devaient aboutir au départ de Kadhafi
et à la mise en place d’un gouvernement d’union et de transition qui aura pour
tâche d’amener la Libye à bon port.
En Côte d’Ivoire, le Président Laurent Gbagbo avait
déjà accepté le principe de retrait politique au profit de Alassane Ouattara
quand les forces françaises sont passées à l’attaque.
Dans l’un
et l’autre des cas, la volonté guerrière de la France de Nicolas Sarkozy l’avait
emporté sur la Raison et la solution réfléchie. Résultat : la Libye a sombré
dans le chao et la Côte d’Ivoire reste fragile, très fragile…
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