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mercredi 17 décembre 2014

Le coup de gueule des Africains

Le forum de Dakar a finalement été l’occasion de laisser exploser les représentants africains. Ce qui a fait dire au Président Macky Sall du Sénégal à la fin des discussions que «la parole s’est libérée ce soir». Ce qui aussi a fait faire de nombreuses grimaces au ministre français de la défense, Jean-Ives Le Drian.
Sur la question libyenne, c’est le malien qui donne le ton en estimant que «tant que le problème sud-libyen ne sera pas résolu, nous n’aurons pas la paix». Explication de texte par le Sénégalais Macky Sall : «« Malheureusement, la Libye est un travail inachevé. Il faut que ceux qui l’ont entamé puissent nous aider à le terminer. A cela, il faut ajouter les influences venues d’Egypte, avec les Frères musulmans qui, par vagues, rejoignent ce pays ; et le commerce du pétrole qui se poursuit et qui alimente le financement de l’armement. Donc, c’est véritablement une poudrière pour la zone sahélienne, qu'il convient de traiter de manière appropriée.» Rebondissant sur ces propos, le Tchadien Idriss Déby précise que «le travail en Libye, les Occidentaux et l’Otan l’ont bien achevé puisqu’ils voulaient tuer Kadhafi et qu’ils l’ont bien tué ! Le problème, c’est qu’ils n’ont pas mené le service après-vente.» Et de poursuivre : «En Libye, la solution n’est pas entre nos mains, mais entre celles de l’Otan, qui doit détruire les terroristes comme elle a détruit Kadhafi.»
Mais la plus forte des grimaces du ministre français était en réaction aux propos du Président Mohamed Ould Abdel Aziz qui a préféré s’attaquer à l’indulgence des partenaires occidentaux quand il s’agit de financer les groupes terroristes. Pour lui, les partenaires de l’Afrique doivent s’abstenir de payer des rançons qui vont renforcer les capacités des terroristes. L’on sait que la moyenne payée par les Occidentaux pour libérer leurs otages dans le Sahel atteint les trois millions euros par personne. A elle seule, la France a payé 58 millions euros depuis 2008, sans compter le dernier échange. Elle a fait pression sur le Mali notamment pour libérer une dizaine de terroristes depuis l’affaire Pierre Camatte en 2010. Dans son intervention le Président Ould Abdel Aziz a annoncé la mise en place prochaine d’une force d’intervention rapide au niveau africain, insistant sur la nécessité pour le continent de se prendre en charge pour faire face aux dangers qui le menacent, notamment le terrorisme et le trafic de drogue.
Le forum de Dakar se tient à quelques heures du sommet de Nouakchott qui a pour thème «La Processus de Nouakchott» dont l’objectif est de lancer un package comprenant l’approche sécuritaire, la démarche développement et l’effort en vue d’une restructuration sociale des communautés en Afrique.
Ce processus enclenché par l’Union Africaine (UA) en 2013 n’est pas du goût de tout le monde, notamment de la France. Comme pour le contrecarrer, il y a ce Forum de Dakar qui suit une autre logique pour traiter du même problème.
Ce n’est pas la première fois que l’ancienne puissance coloniale interfère pour torpiller un processus de l’UA. On n’oublie difficilement les interventions en Libye et en Côte d’Ivoire qui ont été décidées alors que l’UA était sur le point de trouver une solution plus raisonnable. Pour la Libye, des négociations devaient aboutir au départ de Kadhafi et à la mise en place d’un gouvernement d’union et de transition qui aura pour tâche d’amener la Libye à bon port.
En Côte d’Ivoire, le Président Laurent Gbagbo avait déjà accepté le principe de retrait politique au profit de Alassane Ouattara quand les forces françaises sont passées à l’attaque.
Dans l’un et l’autre des cas, la volonté guerrière de la France de Nicolas Sarkozy l’avait emporté sur la Raison et la solution réfléchie. Résultat : la Libye a sombré dans le chao et la Côte d’Ivoire reste fragile, très fragile… 

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