Au
milieu de la cacophonie produite par la campagne électorale qui a fini par
prendre son envol, j’ai entendu un poème que j’ai beaucoup apprécié. Avant de le
partager avec vous, je voudrai faire quelques remarques.
J’ai
toujours été sidéré par a relation que nos sociétés ont avec le temps. Que nous
soyons en culture Soninké, Peuhle ou Arabe, le temps apparait toujours comme le
premier adversaire de l’homme qui, dans une vaine tentative de fuir son destin,
essaye de fixer le temps pour en faire un lieu. Chez nous, seuls la culture
Wolof semble échapper à cette attitude, elle qui dit «elleg, elleg dou djeix»
(demain, demain ne finit pas).
Cette
manière de voir le temps comme un ennemi et non comme un allié, nous amène à
toujours chercher à … «le tuer». On le «tue» en sirotant
tasse après tasse, en jouant aux cartes indéfiniment, en discutant
continuellement de banalités, en le regardant …passer. Notre sport favori est
donc l’inaction parce que l’attitude idéale est l’attente.
L’ambiguïté
de la relation avec le temps nous amène facilement à ne pas regarder devant
nous, encore moins derrière nous. Le processus d’évolution à la base de toute «vie»
est ainsi ignoré. Hier n’a aucune emprise sur aujourd’hui qui n’a rien à voir
avec demain. La vie n’est plus une accumulation d’expériences déterminant un
devenir mais une succession de heurts et de ruptures qui nous ramènent toujours
là où on était.
La
dénégation de l’histoire ainsi opérée donne nécessairement une sorte de refus
du progrès parce que le temps n’est pas circulaire mais linéaire. C’est cette
impression de tourner en rond qui est la première conséquence de ce rapport au
temps. La deuxième conséquence étant cette extraordinaire capacité à «faire
oublier» ce qu’on a été, de «faire semblant» qu’on n’a pas été autre
chose que ce qu’on veut être dans l’immédiat.
Le
refus du progrès est à la source de tous les conservatismes que nous
connaissons. Ce qui nous donne cette impression de recul constant. La
résurgence des sectarismes est un recul par rapport à tous ces mouvements
unitaires qui ont animé la scène les années 60, 70 et 80 (début). La déconfiture
morale est une autre variation de ce recul. L’éducation, la santé, l’intelligence,
la culture, la gouvernance, l’administration… Mais le plus grave ici est cette
attitude qui fait que nos acteurs se présentent toujours sans leurs passés. On n’est
jamais comptable de ce qu’on dit ou fait. L’impunité est la règle dans la
mesure où la mémoire est supposée ne rien retenir de ce qu’on fait ou dit…
Ce
rapport au temps s’exprime très bien dans la poésie hassane. C’est pourquoi je
trouve cette tal’a (poème) d’un jeune poète, un jeune dont la production
confirme son statut d’artiste de grand talent. La valeur n’attend point le
nombre des années. Tout comme la maturité qui est là quand elle doit être là.
Boudale Ould Sidi Moyla fait partie d’une école – qui s’appelle justement «la
Medersa» -, une école de jeunes qui nous miroitent une possible renaissance
de la culture hassane qui a, un moment semblé sombrer.
Jabarout al Jalaal/waasa dhalkhalq ahwaal
Kiiv il ‘aam ivtihwaal/innawbaat ivuut
Ishati vanawaal/bruudu mathbuut
Wiçayaf vazagaal/miskiin blaa quut
Wi kharrav vittirhaal/bayn enni’m umuguut
Taal eddahr u mataal/imuut u magtuut
Dha nabtu tiçarrav/viih al Jabaruut
Ishatti wi çayaf/wikharrav wimuut
La
Toute-Puissance divine a donné aux créatures l’allure de l’année avec l’alternance
des saisons: passent l’hiver dans le froid, l’été dans la carence et sans
nourriture, l’hivernage dans l’abondance qui ouvre un appétit infini, que le
temps avance la mort est au rendez-vous… le créé passe son hiver, son été, son
hivernage et meurt… Le cycle est ainsi fixé… définitivement… inévitablement, le
cycle tourne, reproduisant les mêmes phases qui sont finalement les phases de
la vie… on va, on vient… on repart sur la même route pour revenir…
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