La
visite chez nous du rapporteur spécial des Nations Unies sur le racisme et
notions associées (xénophobie, discrimination…) est l’occasion de parler de ce
phénomène qu’est le racisme. Qu’est-ce que le racisme ? quelles sont ses
manifestations ? sous quelles formes existe-t-il chez nous ? comment
faut-il le combattre ?
Est
raciste celui qui croit à une suprématie quelconque due à l’appartenance à une
race, une culture et/ou à une classe sociale. Quand on croit à la détermination
par la naissance et donc l’appartenance, on adopte fatalement les
considérations idéologiques qui véhiculent une supériorité des uns par rapport
aux autres et qui donnent droit aux «supérieurs»
de se comporter en conséquence en cherchant à inféoder, assujettir et/ou exploiter
ceux qui sont traités en «inférieurs».
Cela
peut prendre l’allure de l’esclavagisme qui est un système qui met une partie
des hommes au service d’autres qui peuvent en disposer comme ils voudraient. Il
peut devenir un totalitarisme quand il vise à imposer aux autres races la
suprématie de l’une d’elles (tous les nationalismes ont connu cette dérive-là
dont les plus abjectes restent le Nazisme, l’Apartheid et le Sionisme). Il peut
tout simplement mener à des abus de langage qui prennent la forme de préjugés
culturels devenant postulats. Ce cas peut ne pas rester au niveau d’une
attitude xénophobe, sectaire ou ségrégationniste, mais peut évoluer, en cas
d’exacerbation, vers des relents génocidaires. On passe donc de l’injure
raciste toute simple au génocide… Il est une attitude individuelle vis-à-vis de
l’Autre, dans la façon de le percevoir, de le traiter et de coopérer avec lui.
Mais cette attitude individuelle peut se traduire en volonté collective de
domination, d’exploitation qui trouve sa justification dans l’infériorité de
certaines races par rapport à d’autres.
L’Afrique,
notre continent, a beaucoup souffert de cette idéologie. La colonisation,
l’esclavage, puis les guerres civiles les plus affreuses, les régimes
totalitaires… ne sont que des manifestations de la mise en œuvre de l’idéologie
raciste qui a «justifié»
l’exploitation du continent. C’est bien sur le «continent noir» que s’est exercé, des décennies durant, le régime
de l’Apartheid basé sur la séparation des races.
En
Mauritanie, les manifestations du phénomène existent, ont toujours existé et
continueront à exister. Même après l’avènement complet (et accompli) d’un Etat
moderne et citoyen (si jamais cela devait arriver). Le caractère multiethnique
du pays, mais surtout l’existence de systèmes sociaux basés sur la naissance
sont les éléments fondateurs et promoteurs du racisme.
Les
pratiques esclavagistes sont un aspect – le plus grave certes – des survivances
des sociétés traditionnelles et de leurs systèmes de domination interne. Chez
les Bidhâne, les Pulhaar, les Soninké ou les Wolof, le dispositif basé sur la
naissance a survécu à près de soixante ans de mise en place d’un Etat citoyen.
Et avec lui toutes les considérations qui font que le guerrier et le marabout
–le marabout et le guerrier, cela dépend de la communauté dont on parle –
dominent la société. Ils ont continué à jouir des mêmes privilèges et ne
semblent pas vouloir y renoncer.
Cela
ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu une évolution positive qui fait que l’accès
à l’école s’est démocratisé depuis les premières années de l’indépendance
donnant ces milliers de lettrés issus de milieux anciennement défavorisés par
le système éducatif.
La
Mauritanie est un pays qui a été fondé sur une vocation unitaire et égalitaire
qui, malgré ses échecs, a eu des réussites considérables. Ne serait-ce que sur
le plan institutionnel qui fait que la Mauritanie s’est approprié les valeurs
universelles d’égalité, de justice, d’équité, de citoyenneté… Des valeurs
républicaines qui devaient être la base d’une remise à niveau sociale qui
aurait permis de booster les plus défavorisés pour les pousser à occuper les
premières loges.
En
1992, la première Assemblée nationale a été présidée par Cheikh Sid’Ahmed Ould
Baba, ancien officier issu de la caste des forgerons. Aujourd’hui elle est
dirigée par un homme autrement plus symbolique parce qu’il s’agit de Messaoud
Ould Boulkheir, militant de première heure de la cause anti-esclavagiste. On a
eu pour quelques semaines, un Président de la République chef «Denianké» en l’occurrence feu Bâ M’Baré.
Aucune voix ne s’en est offusqué. D’ailleurs rares sont les personnes qui
peuvent afficher leurs attitudes racistes, même si, dans le langage de tous les
jours, des expressions et des postures viennent nous rappeler constamment que
le démon est là.
C’est
bien pour cette raison qu’il faut encourager la mise en œuvre de toutes les
lois condamnant toute expression du racisme. Associations, partis politiques,
presse, syndicats et toutes organisations civiles doivent intégrer la lutte
contre le racisme et ses expressions dans leurs plans de travail. Ce n’est pas
l’affaire des seules autorités, parce que la pratique est généralisée. Elle
procède de l’attitude imbécile de l’ignorant inconscient et irresponsable qui
ne voit pas en quoi ce qu’il dit et fait peut porter à conséquence.
Et
si chacun de nous commençait par bannir de son langage toute expression
équivoque ?
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