Pages

dimanche 8 septembre 2013

Le racisme en question

La visite chez nous du rapporteur spécial des Nations Unies sur le racisme et notions associées (xénophobie, discrimination…) est l’occasion de parler de ce phénomène qu’est le racisme. Qu’est-ce que le racisme ? quelles sont ses manifestations ? sous quelles formes existe-t-il chez nous ? comment faut-il le combattre ?
Est raciste celui qui croit à une suprématie quelconque due à l’appartenance à une race, une culture et/ou à une classe sociale. Quand on croit à la détermination par la naissance et donc l’appartenance, on adopte fatalement les considérations idéologiques qui véhiculent une supériorité des uns par rapport aux autres et qui donnent droit aux «supérieurs» de se comporter en conséquence en cherchant à inféoder, assujettir et/ou exploiter ceux qui sont traités en «inférieurs».
Cela peut prendre l’allure de l’esclavagisme qui est un système qui met une partie des hommes au service d’autres qui peuvent en disposer comme ils voudraient. Il peut devenir un totalitarisme quand il vise à imposer aux autres races la suprématie de l’une d’elles (tous les nationalismes ont connu cette dérive-là dont les plus abjectes restent le Nazisme, l’Apartheid et le Sionisme). Il peut tout simplement mener à des abus de langage qui prennent la forme de préjugés culturels devenant postulats. Ce cas peut ne pas rester au niveau d’une attitude xénophobe, sectaire ou ségrégationniste, mais peut évoluer, en cas d’exacerbation, vers des relents génocidaires. On passe donc de l’injure raciste toute simple au génocide… Il est une attitude individuelle vis-à-vis de l’Autre, dans la façon de le percevoir, de le traiter et de coopérer avec lui. Mais cette attitude individuelle peut se traduire en volonté collective de domination, d’exploitation qui trouve sa justification dans l’infériorité de certaines races par rapport à d’autres.
L’Afrique, notre continent, a beaucoup souffert de cette idéologie. La colonisation, l’esclavage, puis les guerres civiles les plus affreuses, les régimes totalitaires… ne sont que des manifestations de la mise en œuvre de l’idéologie raciste qui a «justifié» l’exploitation du continent. C’est bien sur le «continent noir» que s’est exercé, des décennies durant, le régime de l’Apartheid basé sur la séparation des races.
En Mauritanie, les manifestations du phénomène existent, ont toujours existé et continueront à exister. Même après l’avènement complet (et accompli) d’un Etat moderne et citoyen (si jamais cela devait arriver). Le caractère multiethnique du pays, mais surtout l’existence de systèmes sociaux basés sur la naissance sont les éléments fondateurs et promoteurs du racisme.
Les pratiques esclavagistes sont un aspect – le plus grave certes – des survivances des sociétés traditionnelles et de leurs systèmes de domination interne. Chez les Bidhâne, les Pulhaar, les Soninké ou les Wolof, le dispositif basé sur la naissance a survécu à près de soixante ans de mise en place d’un Etat citoyen. Et avec lui toutes les considérations qui font que le guerrier et le marabout –le marabout et le guerrier, cela dépend de la communauté dont on parle – dominent la société. Ils ont continué à jouir des mêmes privilèges et ne semblent pas vouloir y renoncer.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu une évolution positive qui fait que l’accès à l’école s’est démocratisé depuis les premières années de l’indépendance donnant ces milliers de lettrés issus de milieux anciennement défavorisés par le système éducatif.
La Mauritanie est un pays qui a été fondé sur une vocation unitaire et égalitaire qui, malgré ses échecs, a eu des réussites considérables. Ne serait-ce que sur le plan institutionnel qui fait que la Mauritanie s’est approprié les valeurs universelles d’égalité, de justice, d’équité, de citoyenneté… Des valeurs républicaines qui devaient être la base d’une remise à niveau sociale qui aurait permis de booster les plus défavorisés pour les pousser à occuper les premières loges.
En 1992, la première Assemblée nationale a été présidée par Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba, ancien officier issu de la caste des forgerons. Aujourd’hui elle est dirigée par un homme autrement plus symbolique parce qu’il s’agit de Messaoud Ould Boulkheir, militant de première heure de la cause anti-esclavagiste. On a eu pour quelques semaines, un Président de la République chef «Denianké» en l’occurrence feu Bâ M’Baré. Aucune voix ne s’en est offusqué. D’ailleurs rares sont les personnes qui peuvent afficher leurs attitudes racistes, même si, dans le langage de tous les jours, des expressions et des postures viennent nous rappeler constamment que le démon est là.
C’est bien pour cette raison qu’il faut encourager la mise en œuvre de toutes les lois condamnant toute expression du racisme. Associations, partis politiques, presse, syndicats et toutes organisations civiles doivent intégrer la lutte contre le racisme et ses expressions dans leurs plans de travail. Ce n’est pas l’affaire des seules autorités, parce que la pratique est généralisée. Elle procède de l’attitude imbécile de l’ignorant inconscient et irresponsable qui ne voit pas en quoi ce qu’il dit et fait peut porter à conséquence.

Et si chacun de nous commençait par bannir de son langage toute expression équivoque ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire