Une
décision attendue… annoncée à l’avance… celle de la participation du Forum
national pour la démocratie et l’unité aux élections futures. Il y a quelques
semaines effectivement, les grands partis membres de ce regroupement dit de
«l’opposition radicale», avaient annoncé leur décision de participer aux
échéances prochaines. Ce qu’on ne savait pas au moment de l’annonce, c’est que
le Forum était en pleine discussion avec les partis de la Majorité
présidentielle. Des négociations qui n’ont pas abouti à la signature de
l’accord qui avait pourtant été rédigé.
Le
secret éventré
Le
premier à donner sa version des faits et à annoncer la fin des négociations fut
Me Sidi Mohamed Ould Maham, président de l’Union pour la République (UPR), le
parti présidentiel. Lundi dernier (16/4), Me Ould Maham déclarait à l’AFP la
fin d’un «accord politique que nous devions signer jeudi dernier (12/4, ndlr),
mais entretemps, l’autre partie a fuité une mouture proche de l’accord mais qui
en dénature la forme et le fond».
Dans
la même dépêche de l’AFP, Mohamed Ould Maouloud, président en exercice du Forum
annonçait que l’UPR «nous a officiellement signifié la fin de ce dialogue
secret».
S’en
suivront quelques joutes, les uns réfutant ce que les autres affirmaient.
Chacun tentant de donner une version qui le sert sur le déroulement des
négociations et sur leur objet. Si Me Ould Maham a tout de suite occupé la
scène médiatique, ses protagonistes ont préféré s’expliquer devant les bloggers
et les groupes de l’application WhatsApp, un support informel qui leur portera
quelque peu préjudice dans la mesure où cela a été perçu comme un refus de
faire face aux questions des journalistes.
L‘un
des points de convergence dans l’accord était la nécessité de permettre
l’implication du Forum dans la confection de la nouvelle Commission électorale
nationale indépendante (CENI). Sitôt la fin des négociations annoncées, celle-ci
a été créée. C’est cet élément qui aiguisait la curiosité sur la suite que
donnera le Forum aux derniers développements.
Participation
quand même
«Nous
avons décidé de participer à ces élections (Législatives, municipales et
locales de 2018, ndlr) car nous n’acceptons pas de rester en marge du processus
devant conduire à une alternance politique dans le pays en dépit de la gestion
unilatérale de ce processus par le pouvoir». L’annonce est faite par Mohamed
Ould Maouloud lors d’un point de presse tenu ce samedi en présence des autres
membres du Forum national pour la démocratie et l’unité.
Tout
en accusant le pouvoir actuel de «pousser le pays vers une élection
conflictuelle», Ould Maouloud dénonce la désignation de la CENI qualifiée par
lui «d’illégale». Et promettant de «faire appel devant la justice contre
sa constitution qui exclut un pan important de l’opposition en violation de la
loi la créant».
C’est
sans grand cérémonial donc que le FNDU accepte de reprendre le chemin des
urnes. Non sans s’être tiré plusieurs balles dans les pieds.
Par
l’entêtement dans le refus de participer aux dialogues déclarés (2012, 2013,
2014 et 2016), le FNDU donne la preuve de son manque de discernement quand il a
été incapable d’anticiper l’échéance fatale qu’il prend aujourd’hui comme
prétexte pour accepter tout ce qu’il a refusé : l’alternance de 2019.
Avec
ces histoires de dialogues «secrets», le Forum et ses composantes politiques,
discréditent leur action et jettent le doute sur leurs objectifs réels.
Engager
des négociations secrètes en vue de faire avancer la démocratie, de corriger
les erreurs, de rattraper le temps perdu et donc de servir un intérêt général,
n’a rien de reprochable. Au contraire, c’est ce qui est attendu d’un acteur
politique : le sacrifice de soi, de son amour-propre, pour servir le pays
et la démocratie. Ce n’est pas la révélation par la presse du projet d’accord
qui le torpille. Ce sont les méthodes et le sentiment d’avoir trahi les siens
qui créent ici problème. Le sentiment de culpabilité et «la honte» qui l’a
accompagné à la révélation de ces négociations découlent effectivement d’un
désarroi.
Après
avoir tout refusé
En
2011, les mêmes acteurs étaient regroupés au sein de la Coordination de
l’opposition démocratique (COD) qui avait alors engagé un dialogue ouvert avec
le pouvoir. Ce fut le meilleur moment parce que la conjoncture s’y prêtait et
que les acteurs étaient disponibles à l’engager eux-mêmes.
La
Mauritanie venait d’engager sa bataille pour sécuriser ses frontières et
stabiliser la vie quotidienne : les premières frappes contre AQMI se
déroulaient au Mali et à la frontière mauritanienne. La nécessité de consolider
le front intérieur était évidente et ressentie par tous.
Le
Président Mohamed Ould Abdel Aziz avait fini par rencontrer l’ensemble des
acteurs politiques. Il avait même accepté de faire un appel solennel au dialogue
comme l’avait exigé une partie de l’opposition (28/11/2010).
Les
échanges de notes entre le pouvoir et les envoyés de la COD avaient eu lieu.
Cette dernière devait présenter son cahier de doléances pour permettre au
pouvoir d’y répondre. Lequel avait dit d’avance que, mis à part l’exigence d’un
gouvernement d’union, tout le reste était possible…
Le
17 décembre 2010, un jeune tunisien s’immole pour protester contre les mauvais
traitements de la police. C’est le point de départ d’une explosion sociale qui
mène à la révolution du Jasmin et au départ forcé du dictateur Zein El Abidine
Ben Ali. Dans le monde arabe, c’est l’effervescence qui allume des foyers un
peu partout. L’Egypte ne tarde pas à tomber dans l’escarcelle des
«révolutionnaires». Puis le Yémen, la Syrie, la Libye s’enflamment…
En
Mauritanie, des pans de l’opposition croient que le temps de balayer le pouvoir
en place est arrivé. C’est le «dégagisme» qui l’emporte. Fin du processus de
dialogue pour bon nombre des formations politiques.
Seules
l’Alliance populaire et progressiste (APP) de Messaoud Ould Boulkheir et le
Wiam de Boydiel Ould Hoummoid – pour ne citer que les plus importants -,
continuent à discuter. Ils obtiennent des avancées significatives aussi bien
sur le plan des outils électoraux que sur le plan de l’implication de
l’opposition dans le jeu politique.
Malgré
toutes les tentatives et tous les appels au dialogue, rien n’y fait : le
FNDU, constitué entretemps sur les cendres de la COD, refuse toute
participation aux élections. Si bien qu’en 2013, à la veille des élections
municipales et Législatives, il continue de s’obstiner manquant de peu la
déchirure.
Les
Islamistes de Tawassoul acceptent de participer tandis que l’UFP refuse contre
toute attente. Mais le Forum qui regroupe les syndicats et les personnalités
indépendantes en plus des partis, traverse la crise. Il s’acclimate avec une
situation où il prône le boycott quand il s’agit d’une prise de position
générale, et où l’une de ses composantes est présente sur la scène institutionnelle :
avec 16 députés à l’Assemblée nationale, Tawassoul dirige le bureau de
l’Institution de l’Opposition démocratique.
Mobilisation
impossible
En
2016, le FNDU essaye de rassembler autour la question du troisième mandat. Mais
la mobilisation est en-deçà des attentes et l’action fait pschitt quand le
Président annonce lui-même qu’il n’a jamais eu l’intention de changer la
Constitution en vue de se frayer le chemin pour un mandat supplémentaire.
La
leçon n’est pas retenue parce que le Forum refuse de participer au dialogue
ouvert en septembre de la même année. La logique de l’absence continue de
l’emporter jusque cette fameuse interview accordée par le Président Ould Abdel
Aziz à Jeune Afrique. Rien de nouveau pourtant dans son annonce qu’il ne briguera
pas un troisième mandat.
Mais
c’est surtout la volonté d’assainir et de relancer l’Union pour la République
qui pèse dans le positionnement du FNDU. Le nouvel engagement du Président crée
une énergie nouvelle et l’implantation entamée annonce un renforcement du parti
au pouvoir.
Le
FNDU accepte enfin de tirer les leçons de ses boycotts successifs. Mais avec
maladresses. Si bien que la décision de participer, normale du reste, parait
aujourd’hui comme un acte d’abdication qui aura ses conséquences sur la perception
publique de l’action politique en général et des positionnements du FNDU en
particulier. Ce qui pèsera certainement sur ses résultats lors des élections de
septembre-octobre 2018. Si jamais il survit aux secousses qui l’ont affecté.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire