Au
début était une organisation créée par des résistants irakiens qui entendaient
rendre la vie difficile aux conquérants américains. Un ancien chef des
renseignements irakiens de l’ère Saddam Hussein, entreprend de monter des
groupes de combats très structurés et très cloisonnés. Pour rendre son réseau
plus efficace, il se retire en Syrie dès le début de la rébellion et entreprend
de s’y installer pour en faire une base arrière au monstre qu’il allait lâcher
dans la nature. La terreur et le renseignement sont ses armes principales. Il
soumet les populations et attire les volontaires de toutes parts.
A
ce moment-là, les Américains ne savent pas quoi faire de l’Irak dont la
partition se dessine déjà avec la création d’un Kurdistan au nord et le règne
des Chiites dans le sud. La création d’une entité représentant les Sunnites
complèterait le tableau.
A
ce moment-là, les pays du Golf, principalement l’Arabie Saoudite et le Qatar,
terrifiés par la menace du «printemps arabe», cherchent désespérément à
contenir la contagion en multipliant les foyers de tension loin de leur zone.
La Libye, l’Egypte et surtout la Syrie sont le théâtre sur lequel les velléités
guerrières des monarchies vont s’exprimer. La Front Al Nouçra, branche d’Al
Qaeda et surtout Da’esh sont des leviers dont il faut prendre la commande pour
pouvoir les utiliser dans la guerre d’influence.
A
ce moment-là, la Turquie cherche à imposer son leadership au monde
arabo-musulman de l’espace sunnite. Face à l’Iran chiite, plus rien n’empêche
la Turquie de restaurer son influence sur cet espace, jadis faisant partie de
l’Empire Ottoman. Cette même Turquie ne voulant pas d’un Etat kurde à ses
frontières sauf s’il va contribuer à atténuer les revendications des Kurdes en
Turquie. Pour satisfaire l’un et l’autre des besoins, le chaos dans la région
peut servir.
Le
chaos… le chaos… le chaos constructif… qui
a inventé ce concept ? N’est-ce pas là l’inspiration première de
l’administration américaine pour recomposer la région de manière à détruire
toutes les entités insoumises au diktat ?
Tout
converge pour que la communauté internationale ferme les yeux, si elle
n’encourage pas. Da’esh peut proliférer comme prolifèrent les virus. Toujours
les mêmes armes : la terreur et le renseignement.
Aujourd’hui,
l’Etat Islamique est une réalité. Le plus grave, c’est qu’il se présente
désormais comme la milice d’autodéfense sunnite. C’est pourquoi il s’en prend
aux mosquées chiites en Arabie Saoudite et ailleurs. Il prétend protéger les
Sunnites en Irak contre les milices chiites répondant à l’appel de l’Imam
Hussein, ceux du Yémen contre les Huthis, de Syrie contre les Alaouites, du
Liban contre le Hezbollah, du Pakistan contre les Chiites de ce pays… le danger
est bien celui-là : contrairement aux combattants d’Al Qaeda, ceux de
l’Etat Islamique sont servis par les stratégies déployées par les pays engagés
militairement et diplomatiquement dans les équilibres au Moyen-Orient. Pour les
Arabes, l’ennemi principal est l’Iran. Tout ce qui peut affecter ce pays
et ses supposés alliés (les Chiites) est à soutenir. Pour la Turquie, tout ce
qui peut lui assurer un leadership au niveau de la zone est le bienvenu, y
compris le soutien actif ou non à des groupes comme Da’esh. Pour les Etats-Unis
et leurs alliés, tout ce qui peut procurer plus de sécurité à Israël est à
faire, y compris (et surtout) la destruction des potentiels arabes et
musulmans.
La guerre interconfessionnelle est une aubaine pour
tous. Autant l’encourager, au moins la laisser faire.
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