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samedi 30 mai 2015

Da’esh reprend des couleurs

Au début était une organisation créée par des résistants irakiens qui entendaient rendre la vie difficile aux conquérants américains. Un ancien chef des renseignements irakiens de l’ère Saddam Hussein, entreprend de monter des groupes de combats très structurés et très cloisonnés. Pour rendre son réseau plus efficace, il se retire en Syrie dès le début de la rébellion et entreprend de s’y installer pour en faire une base arrière au monstre qu’il allait lâcher dans la nature. La terreur et le renseignement sont ses armes principales. Il soumet les populations et attire les volontaires de toutes parts.
A ce moment-là, les Américains ne savent pas quoi faire de l’Irak dont la partition se dessine déjà avec la création d’un Kurdistan au nord et le règne des Chiites dans le sud. La création d’une entité représentant les Sunnites complèterait le tableau.
A ce moment-là, les pays du Golf, principalement l’Arabie Saoudite et le Qatar, terrifiés par la menace du «printemps arabe», cherchent désespérément à contenir la contagion en multipliant les foyers de tension loin de leur zone. La Libye, l’Egypte et surtout la Syrie sont le théâtre sur lequel les velléités guerrières des monarchies vont s’exprimer. La Front Al Nouçra, branche d’Al Qaeda et surtout Da’esh sont des leviers dont il faut prendre la commande pour pouvoir les utiliser dans la guerre d’influence.
A ce moment-là, la Turquie cherche à imposer son leadership au monde arabo-musulman de l’espace sunnite. Face à l’Iran chiite, plus rien n’empêche la Turquie de restaurer son influence sur cet espace, jadis faisant partie de l’Empire Ottoman. Cette même Turquie ne voulant pas d’un Etat kurde à ses frontières sauf s’il va contribuer à atténuer les revendications des Kurdes en Turquie. Pour satisfaire l’un et l’autre des besoins, le chaos dans la région peut servir.
Le chaosle chaosle chaos constructif… qui a inventé ce concept ? N’est-ce pas là l’inspiration première de l’administration américaine pour recomposer la région de manière à détruire toutes les entités insoumises au diktat ?
Tout converge pour que la communauté internationale ferme les yeux, si elle n’encourage pas. Da’esh peut proliférer comme prolifèrent les virus. Toujours les mêmes armes : la terreur et le renseignement.
Aujourd’hui, l’Etat Islamique est une réalité. Le plus grave, c’est qu’il se présente désormais comme la milice d’autodéfense sunnite. C’est pourquoi il s’en prend aux mosquées chiites en Arabie Saoudite et ailleurs. Il prétend protéger les Sunnites en Irak contre les milices chiites répondant à l’appel de l’Imam Hussein, ceux du Yémen contre les Huthis, de Syrie contre les Alaouites, du Liban contre le Hezbollah, du Pakistan contre les Chiites de ce pays… le danger est bien celui-là : contrairement aux combattants d’Al Qaeda, ceux de l’Etat Islamique sont servis par les stratégies déployées par les pays engagés militairement et diplomatiquement dans les équilibres au Moyen-Orient. Pour les Arabes, l’ennemi principal est l’Iran. Tout ce qui peut affecter ce pays et ses supposés alliés (les Chiites) est à soutenir. Pour la Turquie, tout ce qui peut lui assurer un leadership au niveau de la zone est le bienvenu, y compris le soutien actif ou non à des groupes comme Da’esh. Pour les Etats-Unis et leurs alliés, tout ce qui peut procurer plus de sécurité à Israël est à faire, y compris (et surtout) la destruction des potentiels arabes et musulmans.
La guerre interconfessionnelle est une aubaine pour tous. Autant l’encourager, au moins la laisser faire.

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