Aujourd’hui, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a reçu les
Parlementaires de sa Majorité pour leur expliquer le sens de sa dernière
démarche. C’est que nombre d’entre eux ont commencé à bouger pour mobiliser
contre tout processus de dialogue. Tous semblent craindre pour la dissolution
de l’Assemblée et donc la perte de sièges acquis parfois accidentellement,
toujours dans les pires des conditions.
En réalité, l’offre principal du Pouvoir – et c’est probablement la
demande principale de l’Opposition – est la reprise des élections législatives
et municipales pour permettre la participation du plus grand nombre de partis
dans des conditions optimales de transparence. Là-dessus les élus de la Chambre
actuelle ne se trompent pas : la dissolution de cette Chambre et la remise
en jeu des sièges dans d’autres conditions, avec notamment de sérieuses
concurrences de partis plus ou moins ancrés, ceci est inévitable à terme. Ils seront
d’ailleurs, visiblement, les seuls à regretter.
Réponse du Président aux inquiétudes exprimées : l’Institution
présidentielle est sans doute plus importante et nous acceptons de la
remettre en jeu s’il y a lieu de le faire. Et d’expliquer que la feuille de
route remise à l’Opposition par le Gouvernement, constitue une base de
discussions. Les points qui y sont recensés rassemblent toutes les plateformes
revendicatives formulées à différents moments par l’Opposition. Ces points
seront discutés selon un ordre du jour et un calendrier fixés à l’avance par
les deux parties. En cas d’accord, les conclusions retenues seront absolument
mises en œuvre.
Devant les élus de sa Majorité, le Président Ould Abdel Aziz a
insisté sur l’importance pour lui du dialogue «qui ne découle pas d’une
conjoncture particulière – ni faiblesse du Pouvoir, ni menace sur sa pérennité –
mais d’une conviction qu’il est nécessaire d’ouvrir la voie à tous les acteurs
de la politique nationale pour leur permettre de s’impliquer d’avantage dans le
devenir de la Nation».
Le Président traitera incidemment de l’exercice de la liberté d’expression
en disant que malgré les écarts, voire les dérives, et malgré les pressions qu’il
subit, rien ne remettra en cause ce choix qui est celui de la Raison : la
liberté d’expression est un acquis qu’il faut préserver malgré tout ce qu’on
peut en dire.
Quoi conclure de cette rencontre ? D’abord sa détermination à
engager un processus de dialogue : la consultation est une preuve du
sérieux de la démarche. Au lieu d’être une cause de suspicion, l’appel au
dialogue dans une conjoncture où tout semble en sa faveur, devait créditer le
Pouvoir des meilleurs sentiments. Seulement de l’autre côté, on persiste à
croire qu’il y a là matière à défiance, plus chez les uns que chez les autres.
La situation ainsi créée nous révèle un Ould Abdel Aziz objet de
multiples pressions pour reculer sur des options essentielles comme la liberté
d’expression. Nous savons par ailleurs que plusieurs voix – autorisées et moins
autorisées, importantes et moins importantes – se sont élevées pour condamner
les dérives dans la presse et demander plus de contrôle. On est allé jusqu’à
accuser la presse d’attiser les conflits sectaires en oubliant que les médias
ne font que relayer les discours des hommes politiques. Dans tous les milieux –
y compris les plus progressistes, les plus démocrates – on a exprimé de fortes
demandes pour limiter cet exercice.
Ce Ould Abdel Aziz doit être aussi sous pression lui qui est dans
son dernier mandat présidentiel. Qui dans son camp voudrait le voir partir ?
qui dans son camp l’encouragera à faire les choix qui sont les siens ?
Mais le plus grave, c’est l’attitude de l’Opposition qui refuse de
prendre acte et d’opter pour l’avenir dès à présent. Tout comme la Majorité,
elle a peur de cet avenir qu’elle a toujours mal préparé. C’est un dilemme qui
provoque l’inertie chez la classe politique.
Le dialogue d’aujourd’hui ne peut être envisagé sans la perspective
des présidentielles de 2019. Quel candidat pour l’Opposition ? quels
leaders historiques (ou charismatiques) au moment où les chefs traditionnels
sont fatalement touchés par la limite d’âge ?
La Mauritanie est à un tournant décisif. D’une part nous avons un
Président en exercice, élu pour un mandat qui se termine en 2019. D’autre part
une classe politique dont les leaders traditionnels vont obligatoirement à la
retraite après deux ans au plus. Au moment où aucune tête ne sort du lot. Comment
sortir de cette tragique donne ?
…Peut-être en essayant de léguer aux
Mauritaniens de l’après 2019, un système politique apaisé, juste, équitable. Nous
ne demandons pas mieux.
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