Les
récents événements font revenir à la surface toutes ces questions liées à la
liberté d’expression et à l’exercice du métier de journaliste. L’occasion de
rappeler que personne n’est au-dessus de la loi. Mais aussi de discuter
certaines démarches judiciaires et policières qui nous reviennent d’un temps
que l’on croyait révolu.
Une
procédure judiciaire est engagée contre Ahmedou Wedi’a du site Essirage. Elle
fait suite à la publication par le site de notre confrère d’une enquête sur l’affaire
Maurisbank. Le Procureur de République qui a engagé la procédure, reproche «un
viol du secret de l’instruction». Alors que rapporter la substance des
procès-verbaux n’équivaut pas à leur publication et n’a jamais été objet d’une
poursuite judiciaire en Mauritanie.
La
logique voudrait que le Procureur diligente une enquête pour savoir d’où vient
la fuite, mais pas la poursuite du journaliste ou de l’organe de presse qui l’a
exploitée. Depuis toujours, l’actuel Procureur le sait bien, les procédures
judiciaires ont toujours souffert de ces fuites, parfois sciemment organisées
pour accabler les prévenus dans une affaire.
On
se souvient encore de ces scoops distillés à la suite d’emprisonnements
arbitraires politiques et autres. Les renseignements livraient alors en pâture
les victimes à travers la publication de leurs procès-verbaux par voie de
presse. Toujours les mêmes journaux qui, selon les périodes, avaient vocation
de prêter main forte aux bourreaux. On s’en souviendra tant qu’on verra les
auteurs de ces lynchages occuper la scène et essayer de faire revivre le passé
honni.
On
sait tous, y compris au Parquet, que la fuite des dossiers d’instruction sert
parfois l’Autorité judiciaire, parfois la défense et qu’elle est devenue de ce
fait un outil, une arme. D’autant plus que l’existence d’une presse libre
permet justement d’exploiter ces documents parfois les éclairant mieux,
toujours pour les faire connaitre au grand public. Les fuites n’ont plus
dérangé depuis très longtemps. Alors pourquoi maintenant ?
Il
y a quelques jours la presse a joué un grand rôle dans la mise à nu des
dysfonctionnements de l’Appareil dans l’affaire des Salafistes et du scandale
qui s’en est suivi. Le nouveau rebondissement – la poursuite de l’un des
journalistes les plus connus et les plus engagés de la scène – peut-il faire
oublier le revers ?
Peu
importe la réponse. Peu importe les raisons. Le Parquet a d’autres chantiers,
plus porteurs, plus urgents que celui de redresser les torts de la presse,
surtout que le tort qu’il a choisi de réprimer n’est pas le plus grave. Pourquoi
le silence face aux appels à la haine, au racisme, au tribalisme, au déni de l’Etat,
aux appels aux coups d’Etat, à l’insurrection… ? Tout ça concerne le
Parquet… tout ça menace vraiment le pays et la démocratie…
Nous
savons quant à nous que les journalistes ont beaucoup à apprendre sur les
limites de la liberté d’expression, sur leurs droits et leurs devoirs. Même si,
comme la plupart des Mauritaniens, y compris le Parquet qui retient en
captivité des gens dont la peine a expiré, les journalistes ignorent souvent
que la loi limite et réprime la liberté de savoir et de publier.
Ce
n’est pas parce qu’on est journaliste qu’on a le droit d’enregistrer les
autres, de les photographier à leur insu. Ce n’est pas l’exercice du
journalisme qui nous donne le droit d’affabuler, de vilipender, d’offenser, de racketter,
d’exercer un chantage continuel pour bénéficier de privilèges indus…
La tendance des syndicats de presse est de s’accommoder
de toutes les dérives et d’apporter un soutien aveugle à tout journaliste mis
en cause. Inique attitude quand on voit, qu’on lit et qu’on entend tout ce que
les organes de presse colportent de rumeurs avérées et d’intoxications. Un corporatisme
irraisonné qui fait oublier l’essentiel : moraliser et assainir l’espace
médiatique.
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