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mardi 24 février 2015

Dialogue = Dilemme

Aujourd’hui, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a reçu les Parlementaires de sa Majorité pour leur expliquer le sens de sa dernière démarche. C’est que nombre d’entre eux ont commencé à bouger pour mobiliser contre tout processus de dialogue. Tous semblent craindre pour la dissolution de l’Assemblée et donc la perte de sièges acquis parfois accidentellement, toujours dans les pires des conditions.
En réalité, l’offre principal du Pouvoir – et c’est probablement la demande principale de l’Opposition – est la reprise des élections législatives et municipales pour permettre la participation du plus grand nombre de partis dans des conditions optimales de transparence. Là-dessus les élus de la Chambre actuelle ne se trompent pas : la dissolution de cette Chambre et la remise en jeu des sièges dans d’autres conditions, avec notamment de sérieuses concurrences de partis plus ou moins ancrés, ceci est inévitable à terme. Ils seront d’ailleurs, visiblement, les seuls à regretter.
Réponse du Président aux inquiétudes exprimées : l’Institution présidentielle est sans doute plus importante et nous acceptons de la remettre en jeu s’il y a lieu de le faire. Et d’expliquer que la feuille de route remise à l’Opposition par le Gouvernement, constitue une base de discussions. Les points qui y sont recensés rassemblent toutes les plateformes revendicatives formulées à différents moments par l’Opposition. Ces points seront discutés selon un ordre du jour et un calendrier fixés à l’avance par les deux parties. En cas d’accord, les conclusions retenues seront absolument mises en œuvre.
Devant les élus de sa Majorité, le Président Ould Abdel Aziz a insisté sur l’importance pour lui du dialogue «qui ne découle pas d’une conjoncture particulière – ni faiblesse du Pouvoir, ni menace sur sa pérennité – mais d’une conviction qu’il est nécessaire d’ouvrir la voie à tous les acteurs de la politique nationale pour leur permettre de s’impliquer d’avantage dans le devenir de la Nation».
Le Président traitera incidemment de l’exercice de la liberté d’expression en disant que malgré les écarts, voire les dérives, et malgré les pressions qu’il subit, rien ne remettra en cause ce choix qui est celui de la Raison : la liberté d’expression est un acquis qu’il faut préserver malgré tout ce qu’on peut en dire.
Quoi conclure de cette rencontre ? D’abord sa détermination à engager un processus de dialogue : la consultation est une preuve du sérieux de la démarche. Au lieu d’être une cause de suspicion, l’appel au dialogue dans une conjoncture où tout semble en sa faveur, devait créditer le Pouvoir des meilleurs sentiments. Seulement de l’autre côté, on persiste à croire qu’il y a là matière à défiance, plus chez les uns que chez les autres.
La situation ainsi créée nous révèle un Ould Abdel Aziz objet de multiples pressions pour reculer sur des options essentielles comme la liberté d’expression. Nous savons par ailleurs que plusieurs voix – autorisées et moins autorisées, importantes et moins importantes – se sont élevées pour condamner les dérives dans la presse et demander plus de contrôle. On est allé jusqu’à accuser la presse d’attiser les conflits sectaires en oubliant que les médias ne font que relayer les discours des hommes politiques. Dans tous les milieux – y compris les plus progressistes, les plus démocrates – on a exprimé de fortes demandes pour limiter cet exercice.
Ce Ould Abdel Aziz doit être aussi sous pression lui qui est dans son dernier mandat présidentiel. Qui dans son camp voudrait le voir partir ? qui dans son camp l’encouragera à faire les choix qui sont les siens ?
Mais le plus grave, c’est l’attitude de l’Opposition qui refuse de prendre acte et d’opter pour l’avenir dès à présent. Tout comme la Majorité, elle a peur de cet avenir qu’elle a toujours mal préparé. C’est un dilemme qui provoque l’inertie chez la classe politique.
Le dialogue d’aujourd’hui ne peut être envisagé sans la perspective des présidentielles de 2019. Quel candidat pour l’Opposition ? quels leaders historiques (ou charismatiques) au moment où les chefs traditionnels sont fatalement touchés par la limite d’âge ?
La Mauritanie est à un tournant décisif. D’une part nous avons un Président en exercice, élu pour un mandat qui se termine en 2019. D’autre part une classe politique dont les leaders traditionnels vont obligatoirement à la retraite après deux ans au plus. Au moment où aucune tête ne sort du lot. Comment sortir de cette tragique donne ?
…Peut-être en essayant de léguer aux Mauritaniens de l’après 2019, un système politique apaisé, juste, équitable. Nous ne demandons pas mieux.

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