Le
festival n’est pas fini. Sa clôture est prévue pour lundi prochain
(apparemment). Les boulistes (pétanque) ont fait leur dernier match hier soir
avec la victoire d’une équipe portant le nom de Moudjéria (Tagant). La compétition
de tir à la cible continue. Chaque soir, au cours de la fête au niveau de la
tribune centrale, les animateurs annoncent le démarrage de telle ou telle
discipline. Même hier, au beau milieu du cycle, on nous annonçait que ceux qui voulaient
contribuer au concours de poésie (classique et populaire) doivent déposer leurs
contributions à partir du lendemain. C’est ouvert à tout le monde, pas
seulement aux ressortissants des villes anciennes.
La
ville se réveille ce matin à l’appel du muezzin de l’ancienne mosquée, celle où
il y a deux compartiments : un qui sert en saison chaude et un autre en
saison froide. Si l’espace du premier est aéré, le second est disposé en allées
séparées par de larges poteaux qui supportent la superstructure. Le premier
vendredi d’avril, l’Imam se déplace vers le compartiment aménagé pour une
meilleure aération. Au premier vendredi de novembre, il va diriger la prière
dans le deuxième compartiment. Immuable mouvement qui rythme la vie des
Walatis. Une ferveur particulière se dégage et vous étreint quand vous pénétrez
ici. L’intérieur est bien aménagé, assez pour installer la personne dans l’esprit
et l’atmosphère de la prosternation devant la Toute-puissance divine.
A
Walata, partout à Walata, on plie sous le poids de l’Histoire. On n’a pas
besoin d’être un érudit ou un historien pour sentir que les millénaires vous
regardent (pour emprunter la formule de Napoléon Bonaparte parlant des
Pyramides à ses soldats après la conquête d’Egypte). Le passage de Mohamed
Yahya El Walaty, de Cheikhna Mohamdy Wul Sidi ‘Uthmâne, Taleb Boubacar, Amar
Emmome, Enbouya, Sid’Ahmed Wul Bukaffa, Taleb Abdallahi Ennefaa, El Marwany,
Shaykh Sidi Mohamed Wul ‘Abidine… et bien d’autres dont le passage sur ces
terres n’aura pas été inutile et dont les traces resteront à jamais,
indélébiles vestiges d’un passé aujourd’hui plus ressenti qu’entretenu.
A
Walata, dans les dédales de la vieille cité, on sent les valeurs qui ont
prévalu, le mépris pour le bédouin, véritable source d’inquiétude, et qui est
assimilé au «sauvage» des aires «civilisées»… La Mauritanie d’aujourd’hui
semble donner raison aux habitants de la vieille cité. N’est-ce pas là, dans
cette propension à la prédation, dans le refus de croire au progrès et à la loi
de l’accumulation, dans la négation à toute organisation, dans la sédition
devant toute forme d’autorité, n’est-ce pas là qu’il faut chercher le refus du
Mauritanien d’aujourd’hui de respecter le Code de la route (le plus vieux et
sans doute le plus élémentaire de tous les codes), de partager la voie publique
avec l’autre, de prendre en compte ses préoccupations et même son existence ?
Durant
les quelques jours du festival, rares sont ceux qui auront cherché à reprendre
la route que prenaient les saints de Walata. Plus rares encore sont ceux qui
auront été à côté du vieux puits, celui de l’intérieur pour imaginer un temps
de siège et quel rôle jouait Daar eshbaar (la maison qui servait aux
guerriers Mehchdhouf qui venaient défendre la ville). Rares certainement ceux
qui auront médité les passages, en labyrinthes, entre les maisons. Un peu comme
si l’objectif était de reconstituer les généalogies de leurs occupants, on
passe d’une maison à une autre, d’un toit à un autre. On peut faire le tour de
la cité par les toits ou en passant de maison en maison.
On
quitte Walata avec cet amer goût de l’inachevé. Une forme de frustration de
voir une grande idée – celle qui veut restaurer et redorer les Villes anciennes
– ratée pour des questions de préparation dans la forme et dans le contenu. Walata,
plus que toutes les autres villes anciennes, ne supporte pas la médiocrité. Heureusement
que cette cité est inaltérable dans sa splendeur cachée mais réelle.
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